Morbius : critique Batnaze Begins

Geoffrey Crété | 29 mars 2022 - MAJ : 30/03/2022 18:22
Geoffrey Crété | 29 mars 2022 - MAJ : 30/03/2022 18:22

Dans la galaxie Spider-Man sans Spider-Man, il y avait Venom, avec Tom Hardy et son copain gluant. Il y aura désormais Morbius, avec Jared Leto en vampire méchant-mais-pas-trop-du-tout. Censé sortir en juillet 2020, repoussé plusieurs fois avec la pandémie, le blockbuster réalisé par Daniel Espinosa (Life, Sécurité rapprochée) arrive enfin pour montrer sa sale tronche d'horreur absolue, qui donne envie de réévaluer Venom 2 : Let There Be Carnage, et quelques autres navets infâmes.

Pourquoi les scènes post-générique de Morbius sont une honte.

univers distendu

Abandonne tout espoir toi qui entre dans le Sony's Spider-Man Universe, alias SSU, et ex-ancien Sony Pictures Universe of Marvel Characters. Car c'est le territoire des âmes damnées, condamnées à réévaluer à la hausse Elektra, Daredevil, Les 4 Fantastiques et Green Lantern, comme dans le pire des cauchemars. Venom l'a montré, Venom 2 l'a démontré, et Morbius enfonce le clou dans le cercueil du bon goût et du bon sens : la seule ambition est désormais d'occuper le terrain, remplir les caisses, et meubler avant la prochaine arnaque.

 

 

Les symbiotes de Tom Hardy semblaient avoir atteint les abîmes de l'infamie, mais les dents de vampire de Jared Leto rayent le parquet des enfers. Morbius confirme que le train est lancé à toute vitesse, sans aucune autre destination que le mur, et sans aucun autre moteur que le teasing - d'une suite, d'un Sinister Six, d'une miette de Spider-Man.

C'est une origin story réduite au minimum syndical. C'est un duel calqué sur Venom (le sérum à la place du symbiote). C'est une romance aussi chaude qu'un mois de février. Et surtout, c'est un spectacle mou, moche et mièvre, qui doit autant au post-Matrix ringard des années 2000, qu'aux mauvais faux films d'horreur de la même époque. Il n'y a plus rien à voir, plus rien à consommer, et même plus de raison de s'énerver devant ce vide cosmique qui donne le vertige. Le temps du cinéma, du spectacle et du plaisir est révolu. Bienvenue dans le grand numéro du business vide de sens, qui creuse toujours plus sa tombe.

 

Morbius : photoHouse of Goutdechiotte

 

dracularve

Morbius rate la première marche pourtant royale, puisque c'était un film de super-héros et de vampire. C'était même le seul vrai joker du film pour se démarquer. 18 ans après la fin de la trilogie Blade avec Wesley Snipes (et alors que Marvel prépare sa version avec Mahershala Ali), l'idée semblait quasiment révolutionaire pour la mémoire hollywoodienne de poisson rouge. Mais Morbius échoue sur les deux tableaux, et approche le mythe des dents longues avec la finesse d'un parpaing, donnant une furieuse envie de réévaluer Underworld 5 et Rise, avec Lucy Liu.

 

 

Hormis le nom de Murnau placardé sur un décor, la mention de Dracula pour une blague ou encore une plaisanterie sur le soleil, le mythe du vampire par Morbius se résume à la transformation du héros en guignol CGI à chaque feulement. Le personnage aurait aussi bien pu se transformer en super-lézard et super-salamandre, sans que le récit n'en soit bouleversé. L'ironie ultime étant que le spectacle est garanti 100% sans tache de sang (film grand public oblige), ce qui rend certaines scènes absolument hilarantes. Dans le monde aseptisé de Morbius, arracher une gorge ou éventrer quelqu'un est l'équivalent de passer un coup d'éponge.

 

Morbius : photoPire, vous avez dit pire ?

 

Autre motif de rigolade : Morbius est raconté, écrit et interprété au premier degré, de toute évidence pour emprunter au mythe du vampire sa gravitas. Sauf que ce n'est qu'une intention cosmétique, tristement évidente lors de la bascule du personnage. Premier réflexe post-transformation de cet homme qui n'a jamais été en totale maîtrise de son corps, et n'a jamais tenu sur ses jambes sans béquilles : retirer sa chemise, et regarder ses muscles, dans un écho vain au Peter Parker de Sam Raimi. Deux pas plus loin, il renfile une veste, pour mieux montrer la bêtise inutile de cette parenthèse publicitaire de porno-Leto. C'est la meilleure note d'intention d'un blockbuster qui se torche avec sa mythologie, tant que l'odeur est vite masquée.

Toujours dans l'abécédaire des vampires pour les nuls, le film convoque aussi une petite romance noire et une tragédie pseudo familiale, évidemment gérés avec la précision d'une tracto-pelle. La moindre miette de caractérisation est sacrifiée sur l'autel du cahier des charges, pour traîner le héros dans des couloirs de clichés (voir le montage de ses premiers exploits dans son labo). Idem sur son frère ennemi interprété par un Matt Smith en roue libre, qui passe directement du boiteux au bad boy, grâce à un hommage même pas assumé à Usual Suspects. Inutile de mentionner les pauvres Adria Arjona et Jared Harris, qui auraient pu s'appeler Scientifique 1 et Scientifique 2.

La touche Batman n'arrange rien, et renforce encore plus la bouffonnerie de Morbius. Néanmoins, Daniel Espinosa l'assume presque jusqu'au rire, avec son anti-héros pseudo-torturé, maître des chauve-souris et citoyen d'une ville où il fait nuit 18 heures par jour (même hémisphère que Venom, sans doute). Tout comme le compositeur Brian Tyler, qui joue au même jeu, avec des mélodies parfois follement familières.

 

Morbius : photo, Jared LetoScène contractuelle

 

le bad des VAMpires

Ne reste plus qu'à observer le naufrage fantastique du spectacle, ou plutôt celui du renoncement, puisque Morbius fait l'effet d'un flashback vers Elektra et autres cauchemars hollywoodiens. Ultra-ralentis, montage haché, photo plate, spatialisation qui donne la nausée, décors sans âme, effets visuels finis à la pisse : c'est le musée des banales horreurs du blockbuster moderne. Plus personne ne semble aux commandes, que ce soit dans l'embryon de plan séquence du métro, ou avec l'inévitable climax dans le néant des CGI. Pire encore : le film semble vite interminable, affreusement bavard et avare en action.

Entre les fusillades solides de Sécurité rapprochée et les frissons faciles de Life, Daniel Espinosa était un choix logique pour Morbius. Mais sans surprise, le film n'a aucune identité, avec zéro sens de l'action, que ce soit dans le hors-champ (la séquence sur le bateau), la vitesse (les bastons entre vampires) ou l'ampleur (les envols urbains). Même les attributs de cet anti-héros-super-héroïque sont à peine compréhensibles, au-delà des quelques maigres touches de couleurs numériques pour leur donner vie dans le noir de cette ville (et justifier le rose fluo du générique, merci Neon Demon). La scène où Morbius découvre pour la première fois le caractère tangible du son est indéchiffrable, la faute à une écriture et un montage absurdes. Et son ouïe-GPS est mise en image avec un jemenfoutisme qui force l'irrespect.

 

Morbius : photo, Jared LetoUltra-son ultra-con

 

L'incompétence est telle que le film se plante sur les choses les plus élémentaires, dès les premières scènes, avec trois temporalités et la première d'une longue série d'aberrations narratives. Il n'y a qu'à voir à quel point les personnages et figurants ignorent purement et simplement le caractère fantastique de Morbius (dans l'immeuble, dans la prison, dans le métro), pour se dire que tout ceci est une vaste fumisterie.

Morbius sort indubitablement du même moule que Venom. Le film est raconté en quatrième vitesse, sans aucune respiration pour construire le moindre enjeu, créer le moindre suspense, nourrir la plus petite émotion (palme du pire baiser). Comme les deux horreurs avec Tom Hardy, il semble avoir été monté en dépit du bon sens, avec des coupes évidentes tant le récit est décousu (sans compter les preuves en images inédites, dans la promo). Le duo de flic, omniprésent dans une poignée de scènes lourdes, puis éjecté avant la fin, en atteste.

Dans sa course effrénée pour les lingots d'or estampillés Marvel, Sony réussit ainsi l'inimaginable : établir un nouveau standard de médiocrité, qui ferait passer le formatage de Disney pour de l'orfèvrerie, et le désordre du DCEU pour le théorème de Pythagore. Les scènes post-génériques, ratées et minables à tous les niveaux, en sont une magnifique démonstration. Ne reste plus qu'une curiosité masochiste face aux prochains Kraven le chasseur et Madame Web.

 

Morbius : Affiche officielle

Résumé

Saturation totale face à Morbius, abime de nullité, tellement vide et insipide qu'il n'y a même plus de mot pour le définir. Après Venom, Sony construit en tout cas le plus grand des édifices hollywoodiens du néant cinématographique.

Autre avis Arnold Petit
Quelques rares idées lors des scènes d'action et une atmosphère faussement obscure ne réussissent pas à sauver cette catastrophe industrielle nommée Morbius, qui continue d'exploiter les super-héros et les personnages de comics tout en crachant au visage de leurs fans et des gens qui espéraient voir un tant soit peu de cinéma.
Autre avis Antoine Desrues
Si le cinéma est censé être porté par la beauté d'une lumière projetée sur un écran, telle une peinture en mouvement qui vient nous conférer des émotions, Morbius en est étymologiquement l'exact opposé, puisqu'il est du pur néant, un trou noir qui aspire la lumière, et ton âme au passage.
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Lecteurs

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commentaires
Pat Rick
06/12/2022 à 10:09

Pas un grand film en effet mais au vu des critiques catastrophiques je m'attendais à pire.
Cela reste divertissant le temps que ça dure.

shivattaque
09/06/2022 à 13:18

Je viens de finir Morbius et je ne vais pas faire durer le suspense c'est l'un des pires films que j'ai vu de toute ma vie ce n'est pas tant les effets spéciaux qui pour ma part sont tout à fait honorables mais en fait tout le reste.
Le film est bourré de choses incohérentes, d'action incohérente et cliché bien sûr, mais ce n'est pas le plus grave, tout est mal exploité, mal écrit, mal joué. les dialogues sont d'un tel niveau, je pense que les auteurs de L'Agence Tous Risques étaient bien plus performant.
J'ai sauté quelques cours passage chiant à mourir notamment les baisers encore une fois arrivé à des moments complètement incohérents avec ce qui se passe sans spoiler ceux qui auront encore l'envie de faire l'effort de regarder quand même.
Et que dire des deux scènes post-générique ?
La première est encore une fois d'une incohérence totale et la deuxième nous fait penser qu'elle n'est pas incorporée au bon film encore une fois pour ne pas spoiler je ne dirai pas plus à part peut-être que pour moi soit on essaie de nous faire passer Morbius pour un gentil, soit pour un méchant, mais ce qu'il se passe à la fin, incohérent, débile et ils ne pourront pas se servir de ça pour une suite quelconque, c'est pas possible.
Bref j'ai l'impression d'avoir perdu un temps précieux je vais donc arrêter de perdre du temps avec ce film et vous laissez faire votre propre opinion si toutefois vous en avez la force et le temps.

chui nu ovni
05/04/2022 à 12:15

@Philoubond

Musique atroce, aucun thème identifiable, Il a dû sortir une cassette avec écrit dessus ”epic music random test 1” et il l'a envoyer à sony. Je comprends pas le projet de faire des films de super-héros sans thèmes musicaux.

Philoubond
03/04/2022 à 21:05

Qu'est-ce que vient faire Brian Tyler là-dedans...
C'est sympa pour lui en tout cas

Nino
30/03/2022 à 19:43

Si ce que raconte Vald est vrai ( mais c'est archi-faux, c'est clair), ça veut dire beaucoup de choses:
Le mercredi, le mercredi après-midi, ce sont forcément des lycéens, des ados...et qui ont des goûts de chiottes. ça pomet pour l'avenir.
2/3 critiques négatives, ça ne veut rien dire, ok...mais tout le monde est d'accord là. Et pas que les critiques pros! Sur twitter, c'est hallucinant, le déferlement.
L'embargo aux states est encore d'actualité à deux jours de sa sortie: la aussi, ça veut tout dire.

United Nations Of Cassos
30/03/2022 à 19:27

Le Vald,là, il pipote à fond!
Et vous vous y mettez à deux pour lui répondre? Il doit être aux anges!
Salle pleine à craquer? Mouais!
Applaudissements en prime? Ben voyons!
Il s'est trompé de salle, le gars! Il a été voir Les Bodin's en Thailande! Ou alors, c'était une sortie exceptionnelle qu'a offert le patron d'Orpea à ses pensionnaires pour se faire pardonner ( cadeau empoisonné bien sûr).
#RestoreTheBessonUniverse

The insider38
30/03/2022 à 19:23

@Vald zectomi:

Ce n’est pas nouveaux, applaudir la nullité, la crasse artistique..les masses aiment généralement ça , le très bon score de venom2 le prouve

Geoffrey Crété - Rédaction
30/03/2022 à 16:14

@Vald Zectomi

Ça ne me déplaît ni dérange pas, puisqu'on répète TOUS LES JOURS que tout le monde devrait toujours se faire son propre avis. Donc tant mieux si vous avez aimé Morbius.

Mais je trouve ce film affreusement mauvais et honteux. Ne vous en déplaise.

Simon Riaux
30/03/2022 à 15:43

@Vald Zectomi

Sauf que ne vous en déplaise, "le public" et "la critique" n'existent pas.

On trouve des appréciations, des goûts et des démarches différentes voire opposées au sein de chacun de ces groupes.

Cette différenciation est d'autant plus absurde que les journalistes culturelles étant plutôt assidus en salles, ils font tout simplement partie du public.

Vald Zectomi
30/03/2022 à 15:38

Salle pleine à craquer pour ma part, et avec des applaudissements en prime...

Comme quoi, il y a vraiment un fossé entre les critiques et le vrai public !! Ne vous en déplaise.

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