Kompromat : critique bons baisers de Russie

Lucas Jacqui | 10 mars 2023 - MAJ : 13/03/2023 12:25
Lucas Jacqui | 10 mars 2023 - MAJ : 13/03/2023 12:25

Après une absence de six ans depuis son très bon biopic sur le commandant Cousteau L'Odyssée, le réalisateur Jérôme Salle (les deux Largo Winch) revient au cinéma avec Kompromat. Gilles Lellouche y incarne un Français expatrié en Russie, victime de fausses accusations lancées par les services secrets du pays. La justice n'étant d'aucune aide, cet homme ordinaire va se décider à fuir vers la France. Voici comment une histoire librement inspirée de faits réels devient un long-métrage jouant entre suspense et drame avec plus ou moins de réussite.

les Russes aux trousses

Le film tire son nom d'une méthode employée par les services secrets russes (le FSB, l'ancien KGB) pour écarter de la circulation un opposant au gouvernement en créant de faux documents pour le discréditer. Ainsi, Mathieu Roussel, un Monsieur Tout-le-Monde, se retrouve accusé de pédophilie. Des mensonges qui le conduisent très vite en détention provisoire aux mains des délicats détenus russes, puis en liberté surveillée. Comprenant qu'il n'échappera pas à la prison, et ignorant pourquoi il est ciblé par le FSB, Roussel prend la fuite vers la France.

Commence alors un cache-cache niveau hardcore à travers la Russie où le héros subit autant la solitude que la pression des autorités. Kompromat prend ainsi le risque de s'attarder sur les moments d'isolement du personnage, seul avec lui-même et où tout paraît être une cellule surtout quand il n'est plus en prison. De ce fait, Gilles Lellouche traverse une bonne moitié du film en solitaire, ou accompagné de figurants de passage. L'acteur, qui nous a habitués à un jeu de qualité, réussit à être aussi touchant lorsqu'il cherche du réconfort dans quelques SMS que lors des scènes extrêmement tendues pendant son évasion.

 

Kompromat : photo, Gilles Lellouche"C'était juste une blague sur Poutine !"

 

À travers sa mise en scène, Jérôme Salle parvient à capter de manière diablement efficace autant les moments de solitude que ceux nous faisant serrer les accoudoirs du fauteuil. Rien n'est laissé au hasard ni fait avec de gros sabots, le metteur en scène mise sur la subtilité dans des cadres précis. Pour cela, l'image doit également beaucoup au travail du directeur de la photographie Matias Boucard qui sait rendre la lumière évocatrice afin d'installer un climat d'interdit, d'angoisse ou de réconfort, quand elle ne rend pas compte du froid agressif de la Sibérie. Cette épuration dans la mise en scène est à l'avantage des dialogues qui ne sont jamais explicatifs ni bavards.

Si le film tient son frisson de stress tout du long, il y a bien quelques rares scènes qui font des entorses à la logique au profit des péripéties. Certaines forcent même un peu trop sur notre suspension d'incrédulité, comme celle du barrage routier à la résolution à la limite de l'incompréhension, ou des réactions de Mathieu Roussel qui passe de fuyard précautionneux à touriste en pleine vacances.

 

Kompromat : photo, Gilles LelloucheDe nouveaux colocs

 

komprentout

En parallèle de cette course-poursuite dans les paysages gelés de Sibérie, Kompromat nous présente dans des flashbacks la vie de Mathieu Roussel avant le jour où tout a basculé. L'occasion de découvrir l'homme en tant que père aimant avec sa fille et en mari d'un couple sur le point de se briser. Ces scènes nous exposent principalement les multiples raisons pour lesquelles le héros pourrait avoir une cible dans le dos. Malheureusement, tout perd vite en intérêt et devient vain, puisque le motif du kompromat nous est révélé dès le début.

 

Kompromat : photo, Gilles LelloucheMon papa lé innocen

 

Ainsi, seul le personnage principal s'interroge (un peu) sur ce complot le visant, même s'il n'essaie jamais de prouver son innocence. Des séquences qui ont donc le mérite de développer le passé de ce père de famille, mais au prix d'un suspens gâché et d'une victime collatérale, l'actrice Elisa Lasowski. Car elle incarne la femme du héros, un personnage antipathique, pour ne pas dire détestable, dont le caractère n'est justifié que pour les besoins de cette intrigue en flashbacks et son faux-mystère.

Bien boiteuse, cette partie du film torpille des relations que l'on aurait aimé voir mieux développées ou simplement écrites. D'autant que ce questionnement aurait pu rester sans réponse, ou être résolu dans le dernier acte, afin de torturer le spectateur comme il torture le personnage. Kompromat passe donc à côté d'une intrigue qui avait le potentiel pour être terriblement vicieuse par l'injustice qu'elle nous aurait fait ressentir.

 

Kompromat : photo, Gilles LelloucheThe Walking Gilles

 

un drame avant tout

Heureusement, là où le long-métrage de Jérôme Salle perd une part de sa force, il le gagne dans un autre pan de son récit. Car finalement, Kompromat s'intéresse plus à une romance naissante vouée à l'échec, mais magnifique, entre Svetlana (Joanna Kulig) et Mahtieu Roussel. L'actrice est parfaite en femme impassible, avare en signes extérieurs de compassion, mais cachant une sensibilité poignante. Ainsi, les scènes du duo reposent sur des échanges toujours dans la mesure, étant pour la plupart des discussions épistolaires numériques, ce qui n'empêche en rien cet amour déchirant d'être l'une des plus belles choses du film.

 

Kompromat : photo, Joanna KuligAussi joyeuse que son papier peint

 

De nombreux personnages secondaires jamais superflus, et toujours suffisamment développés, viennent également amener plus de drame à ce thriller. En effet, le métrage dresse le portrait de Russes perdus dans un pays dont la violence laisse des cicatrices physiques, mentales et sociétales. Que ce soit dans le FSB, vestiges du KGB de l'URSS, dont la présence suscite la méfiance chez les citoyens, le passé de vétéran du mari de Svetlana ou les chaînes d'informations traitant de l'invasion de la Crimée, la Russie paraît meurtrie et enfermée dans une boucle de brutalité.

Aux premiers abords, Kompromat s'apparentait donc à un énième thriller de chasse à l'homme faisant des Russes les affreux habituels. Pourtant, ce film de genre de Jérôme Salle lorgne très souvent vers le drame avec justesse, porté par un Gilles Lellouche qui reste une valeur sûre du cinéma français.

 

Kompromat : Affiche française

Résumé

Sous ces airs de thriller prévisible, Kompromat offre une bonne proposition de drame magnifié par la réalisation pointilleuse de Jérôme Salle. Dommage qu'une partie du film se saborde toute seule, avalant avec elle une partie de l'intérêt et du suspense.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.9)

Votre note ?

commentaires
SebSeb
13/03/2023 à 14:07

Lellouche y croit, Salle est efficace, mais alors quel ramassis premier degré de propagande anti-russe sérieux, c'est proprement insupportable. Avec un scénar moins bateau y aurait eu moyen de faire un très bon thriller, c'est dommage.

galetas
11/03/2023 à 20:22

Toujours pas convaincu par LELLOUCHE mais le film est plutôt bon malgré des péripéties too much vers la fin et une écriture pas assez rigoureuse.

Hank Hulé
11/03/2023 à 10:36

Mouduc et zero suspense. Grosse déception

chiffon-nette
12/09/2022 à 09:39

excellent film.

Super
11/09/2022 à 11:50

Un énième nanard français.

Pierre-Louis Guyot
09/09/2022 à 19:40

Yohann Barbereau= Clotilde Reiss
Agents de la DGSE malgré eux...
Cette bande de salopards de barbouzes était parfaitement au courant des risques qu'encourait Barbereau à côtoyer d'un peu trop près la femme d'un officiel Russe. Le "kompromat" c'était la DGSE qui l'avait programmé à l'encontre de la femme d'une cible potentielle, cette dernière étant un opposant politique à Poutine ( maire d'Irkoutsk).
Voilà le vrai "film": Adultère=> compromission=> recrutement d'un agent pivot permettant l'accès à la cible.
Une stratégie du reste parfaitement grotesque du strict point de vue opérationnel, puisque le risque que le FSB laisse faire le recrutement pour nous coller dans les pattes un agent double par la suite était énorme ...
Encore un exploit de cette espèce de dangereux repaire d'incapables qui nous sert de services de sécurité ( avec vendetta commerciale de la Russie à la clef...)

Titouni
09/09/2022 à 01:44

Sans les pays de l'est et le Mexique on se demande qui seraient les méchants dans les films. Merci à eux.
En tout cas on sait qui sont les gentils. Bonne fête à tous les bobo et vive la couardise !

zoldock
08/09/2022 à 20:36

encore un fan BFM tv :))

Flash
08/09/2022 à 17:32

Deux commentaires, un troll, ça commence fort.

Kyle Reese
08/09/2022 à 12:50

"faisant des Russes les affreux habituels" bah en même temps vu ce qui s'est passé depuis ce fameux matin 24 février 2022 ... même si tous les Russes ne sont évidement pas affreux j’entends bien.

votre commentaire