Cartel - que vaut le director's cut ?

Simon Riaux | 21 mars 2014
Simon Riaux | 21 mars 2014

Décriée, moquée et largement incomprise, Cartel fut une des excellentes surprises de l'année 2013. Réalisé par un Ridley Scott en très grande forme, le film offrait la première transcription visuelle des travaux de l'écrivain Cormac McCarthy, scénariste pour l'occasion. Entre ironie ultraviolente et charge contre un Occident empêtré dans une guerre des sexes à l'issue meurtrière, le métrage s'est révélé un anti-film de gangsters étonnant. Alors que sort ces jours-ci une édition Blu-ray très attendue, penchons-nous sur le director's cut qu'elle propose.

 

 

 

Blade Runner, Alien, Kingdom of Heaven... Ridley Scott est un récidiviste du director's cut. Plusieurs de ses films ont ainsi été réévalués ou ont vu leur statut de mythe généré par de légendaires versions alternatives. C'est donc avec curiosité que l'on découvre un nouveau montage de Cartel. Pourtant l'exercice est périlleux, tant ce singulier polar risquait de perdre au change. Elliptique jusqu'à l'absurde, le récit n'avait pas besoin d'éclaircissements ou d'un rythme plus soutenu pour continuer de nous fasciner. Dans ces conditions, comment réussir à faire des vingt minutes ajoutées à l'occasion de ce director's cut une véritable valeur ajoutée ?

Contre toute attente, cette nouvelle version supplante aisément celle découverte en salle. Certes, sa longueur se fait sentir, mais la folie qui habite certains passages supplémentaires pousse la logique délirante des dialogues et du scénario dans leurs derniers retranchements. Les spectateurs qui s'étaient enivrés des répliques ahurissantes concoctées par McCarthy ou des bouffées de violence typique de Scott retrouveront ces ingrédients décuplés. On pourra tiquer quant à l'ajout de séquences (assez brèves) parfois dispensables, mais qui ajoutent finalement au sentiment d'écrasement proposé par le film. Au final, la dimension grotesque ainsi que les accents tragiques de cette œuvre incomprise sont éclairés par ce montage, plus lourd, sexuel et violent que le précédent.

 

 


Vous retrouverez ci-dessous la liste des principaux ajouts du director's cut :

 

Scène d'ouverture : le dialogue entre Michael Fassbender et Penelope Cruz est beaucoup plus explicite et va nettement plus loin dans le jeu érotique.


Scène du diamantaire : au cours d'un monologue typiquement McCarthien, Bruno Ganz révèle à son client pourquoi et comment la culture juive s'avère la seule source de civilisation valable. Ténébreux et polémique.


Dialogue Bolito : Javier Bardem détaille plus précisément ses aventures passées et le physique de rêve de ses anciennes compagnes à un Fassbender ébahi.


Des croquettes pour un motard : Le biker au funeste destin achète des croquettes, l'occasion d'un dialogue absurde et malaisant, qui fait de cet homme un personnage troublant. Pas indispensable, mais efficace.


Rencontre avec Brad Pitt : le cowboy d'opérette va plus loin dans sa mise en garde, que Fassbender ignore superbement.


Les aventures de tonton Javier : Alors qu'ils sont en train de visiter le chantier de leur future boîte de nuit, Bardem explique à Fassbender comment un de leurs amis communs a réussi à bénéficier d'une escapade sexuelle rocambolesque, au prix d'un improbable quiproquo.


Sex Dial : Séparés l'un de l'autre, Cruz et Fassbender se livrent à un petit jeu érotique au téléphone, en buvant du vin. Pas indispensable, mais gentiment sexy.


Le poisson-chat baveux : La conclusion de l'ahurissante séquence de sexe sur pare-brise, où l'on apprend notamment comment Javier Bardem aura fait pour nettoyer sa voiture un tantinet souillée...

 

Cougar au barbecue : Bref et inutile passage où l'on en apprend un peu plus sur le sort des fauves de Malkina.

 

Rien ne sert de mourir, il faut saigner à point : La dernière scène de Brad Pitt est largement augmentée. Plus saignante, elle est de surcroit gratifiée d'un gag final particulièrement grotesque, qui nous donne à voir le fonctionnement du bolito jusqu'à son terme.


Vous l'aurez compris, cette nouvelle vision de Cartel ne modifiera pas drastiquement votre opinion sur le film. Les malheureux qui n'y virent qu'un pensum maladroit en seront pour leurs frais, tandis que les autres loueront une œuvre abyssale, chant du cygne d'une civilisation à la dérive. Une chose est sûre, on comprend mieux au vu du ton infiniment dépressif et glauque de ce montage que la production ait jugé sage de trancher dans le film, quitte à le priver de dialogues étonnants. Si vous avez toujours rêver de voir Penelope Cruz réclamer un fingerfuck à corps et à cris, ou Brad Pitt perdre la tête, cette édition est faite pour vous.

 

 

 

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