Sonic, le film : critique Seigneur, mes anneaux

Geoffrey Crété | 10 janvier 2023 - MAJ : 11/01/2023 11:10
Geoffrey Crété | 10 janvier 2023 - MAJ : 11/01/2023 11:10

Un an après Pokémon : Détective Pikachu qui a agréablement surpris pas mal de monde et remporté un franc succès en salles (plus de 431 millions pour un budget de 150 tout de même), c'est au tour de Sonic de traverser les pixels pour rejoindre les écrans de cinéma, sur la même formule : le hérisson de Sega est donc propulsé dans le monde moderne, et se taille une amitié avec un humain, ici incarné par James Marsden. Avec un budget proche des 100 millions, Sonic, le film, la superproduction de Jeff Fowler avait de quoi faire peur.

RING OF FADEUR

Le problème n'est pas l'adaptation. À moins de s'attendre à un film d'animation muet où Sonic traverse en ligne droite des forêts, des usines et des casinos, sur fond de musique rétro, Sonic, le film ne pouvait que prendre de grosses libertés pour transposer l'univers Sega dans le cadre d'un produit de studio.

Le hérisson est donc catapulté dans un monde d'humains, à la Roger Rabbit et Pikachu. Il est présenté comme un alien extraordinaire, doté de pouvoirs incroyables sur une île paradisiaque (en gros, la version 3D des jeux Megadrive), qu'il doit fuir lorsque de méchants machins essaient de le capturer. Les anneaux sont désormais des portails, qui permettent à Sonic de voyager où bon lui semble, afin de se cacher sur divers mondes et éviter d'attirer la convoitise avec ses pouvoirs. Le voilà sur Terre, dans une petite ville du nom de Green Hills (hommage dispensable numéro 1), où sa solitude le pèse tellement qu'il va provoquer un petit chaos.

Entre alors en scène Robotnik, un savant siphonné envoyé par le gouvernement pour enquêter, tandis qu'un flic nommé comme les réalisatrices de Matrix aide Sonic à lui échapper. Les enjeux sont donc aussi minces que ceux des jeux (courir et taper Robotnik), et ce n'est pas grave. En revanche, la surdose de niaiseries et banalités hollywoodiennes apportée à la formule a de quoi donner des envies de vomir. Car il sera bien entendu question d'amitié, de famille, avec de la course-poursuite, des références à la pop culture (de The Rock au backpack kid, en passant par Uber) et des scènes de "comédie" vues mille fois ailleurs.

 

photoEt si j'utilisais ça pour me barrer de mon film...

 

LA COURSE À LA MOLLE

La première erreur du film est certainement d'extirper Sonic de son monde, pour le poser dans un paysage urbain aussi fun que le décor d'Aliens vs. Predator : Requiem. Sans palmiers, sans arches, sans animaux à libérer, sans anneaux à récupérer dans ses sprints, le héros est réduit à une bestiole bleue passée de l'autre côté du miroir du gamer. Le célèbre Hedgehog est plus proche de Ted, qui a inspiré l'équipe, que d'un héros justicier. Considérer que tout repose sur Sonic et qu'il peut porter l'identité et l'intérêt des jeux à lui seul condamne cette adaptation aux sentiers balisés et tristounets.

La fantaisie est donc quasi absente du film. Hormis l'intro et une scène post-générique, Sonic, le film est un couloir de décor gris, de rues de studio et d'intérieur de sitcom. Avec à la base un univers vidéoludique si coloré et décalé, passé par tant de mondes et d'ennemis, c'est un comble. Inutile d'attendre le moindre style, à l'image d'un Pokémon : Détective Pikachu qui avait séduit par sa photographie et ses ambiances : le film de Jeff Fowler est éclairé comme une série de seconde zone, filmé sans aucun panache, mis en musique sans énergie.

 

photo, James Marsden, Tika SumpterDirection artistique de folie

 

Inutile d'attendre grand-chose des trois ou quatre scènes d'action non plus, puisque la seule chose remarquable est un copier-coller du grand moment de Quicksilver dans X-Men. La fierté est telle qu'il y a même deux scènes sur ce principe, dont une qui relève entièrement d'une blague sans incidence sur l'intrigue. Le niveau d'ingéniosité est très élevé.

Et ce n'est pas le rendu des CGI qui va aider cette avarie. À part les laids drones de Robotnik, et quelques effets et explosions, rien à signaler dans ce film à quasi 100 millions. Les anneaux-portails ouvraient quantité de possibilités pour alterner les décors, créer un vertige dans l'action, et jouer avec les dimensions, quelque part entre Portal et Blink des X-Men, mais le film est d'une paresse affolante.

Tout le budget est allé sur Sonic lui-même (y compris une rallonge pour repenser le design suite à la colère des fans), et c'est probablement le moins pire du film. Excepté ses dialogues et gags dignes de Dora et la Cité perdue, le héros de Sega est relativement réussi, avec une allure cartoonesque qui fonctionne, dans les limites de cet univers légèrement bordélique. Pas de quoi avoir envie de l'acheter en peluche ou faire rêver un môme, mais pas de quoi grincer des dents non plus. Peut-être parce que tout est pire autour de lui.

 

photo"Je n'ai rien à voir avec ce crash"

 

ROBO-TE-NIQUE

L'espoir d'un Jim Carrey en roue libre, pour donner quelques couleurs au film, s'envole vite lui aussi. Dans la peau d'un Eggman qui se résume à un scientifique fou, surdoué et grotesque dans les jeux, l'acteur avait le champ libre pour exister et occuper la scène. Mais là encore, c'est l'écriture qui le condamne à un petit cirque déconnecté du reste. Si ce n'est quelques cris absurdes et irrésistibles (lâchés dans les bandes-annonces), ce Robotnik est la caricature parfaite d'un bon acteur engagé pour assurer le service sans aucun motif ni carburant.

Le scientifique fou a beau avoir des gants high-tech, un sous-fifre à humilier, un camion digne de Fast & Furious et une sale moustache, il n'aide en rien le rire. Face à un James Marsden qui n'a rien d'autre à défendre que sa belle gueule et ses t-shirts moulants, Jim Carrey illustre le cauchemar d'un sketch du Saturday Night Live étiré sans raison.

 

photo, Jim CarreyJe suis le roi du lol

 

Sonic n'est certainement pas le jeu vidéo le plus évident (et malin) à adapter, mais il y avait matière à aller loin. L'inventivité d'un Spider-Man : New Generation, tiré d'un matériau particulièrement riche, était certes trop demandée, mais entre ce rêve et la réalité d'un produit si anodin et lisse, il y a une marge énorme. Une marge où les couleurs, les pixels, l'univers gigantesque évoqué çà et là auraient pu être exploités, et inciter le hérisson et son acolyte à voyager.

Au lieu de ça, Sonic, le film trahit une idée maîtresse, terriblement banale : la franchise. De l'ouverture sur un logo Sega qui ressemble à celui de Marvel (aperçu de plusieurs personnages cultes et dézoom sur l'univers) aux scènes post-génériques (le retour de Robotnik, l'arrivée logique d'un compagnon à queues), tout semble avoir été pensé en dépit du bon sens artistique et ludique, pour simplement assembler un machin sans âme, ici et surtout à l'avenir. Difficile d'être véritablement surpris, mais possible d'être encore une fois exaspéré.

 

Affiche française

Résumé

Non seulement le film Sonic ne sait pas quoi faire de l'univers des jeux vidéo, mais il le dilue en plus dans une comédie pas drôle, un film d'action pas spectaculaire et un film d'aventure pas beau. Même pour les enfants (ceux qu'on aime du moins), c'est déconseillé.

Autre avis Arnold Petit
Sonic est un divertissement inoffensif et juste correct, mais a au moins le mérite de ne pas massacrer le hérisson bleu et renferme même une touchante émotion derrière ses défauts et son scénario balisé.
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commentaires
Eparcylfossetranquillle
14/02/2023 à 19:48

Les + :
Visuels pas trop mauvais, Sonic bien fait.
Certains passages sont sympa
Quelques gags réussis quand même.
Jim carrey très bon acteur comme d'habitude.

Les - :
- Le film ne respecte même pas sa propre logique. Sonic est ultra rapide, dans les scenes comiques il arrête quasiment le temps et se déplace à une vitesse qui ferait penser à celle de la lumière, mais bizarrement quand Robotnik va le dégommer on le voit littéralement patiner dans la choucroute à la vitesse d'un scooter (la montée de la pyramide) et se faire shooter de manière ridicule. Ce paradoxe est présent dans presque toutes les scènes. La fléchette aussi. Dans le 2 aussi, avec le passage du Bar de montagne ou il va jusqu'à se laisser jeter dans le feu alors qu'il a instantanément botté le c... à tout le monde dans la même situation avec comique dans le 1. Passage du bar qui véhicule au passage des clichés complètement abusifs... Un bon film débile américain pour des américains très "décérébrés".
- Au passage l'esprit américain best buddy est complètement à vomir.... Les vannes pourries dans l'ensemble.
- Mépris total des lois de la physique et de son propre univers même en considérant l'aspect fantaisiste.
- Robotnik pas crédible avec son matos et sa chance qui défie absolument l'entendement. Surtout dans le 2 pour sortir des champignons.

Flo
23/01/2023 à 13:33

Ça partait sur des a priori négatifs – dont le Ugly Sonic, le mélange cartoon/comédie beauf américaine, les nombreux clins d’œil populaires, le doublage français…
Mais finalement tout ça trouve une certaine harmonie (surtout pour le petit écran) grâce à un enthousiasme innocent, qui n’est avare ni en énergie ni en émotion (de temps en temps).
Le danger de voir la production utiliser plusieurs éléments clés du jeu vidéo, pour avoir une intrigue aventureuse rationalisée, fait penser au traitement jadis cyberpunk de l’adaptation de Super Mario Bros. Mais grâce aux moyens modernes à l’œuvre, on ne tombe pas dedans.
Parce-qu’on est habitué depuis un certain temps aux films mêlant des personnages cartoonesques à un environnement réel… et ici, ils restent suffisamment limités pour éviter l’indigestion complète et le fouilli visuel.
Parce-qu’on est habitué aux effets visuels de super vitesse (bien qu’il n’existe pas beaucoup de films avec des héros bolides) ou aux drones tueurs…
Parce-que cette origin story garde une part de sobriété, construisant peu à peu l’identité des personnages principaux.
Loin de tout sectarisme, la vf par Malik Benthala et sa voix d’éternel gamin en manque d’affection, permet elle-même d’empêcher de réduire le héros à un affreux môme irresponsable.
Bref c’est pas énorme, ça a quelques grosses bêtises (des adultes immatures, des militaires facultatifs) mais c’est rigolo, y compris quand Jim fait le Carrey à fond la caisse.
Explicitement enfantin, assumé.

Morcar
11/01/2023 à 11:39

Je suis plus de l'avis d'Arnold que de Geoffrey. Quand j'ai été voir le premier film au cinéma avec mes trois enfants à l'époque, je craignais une catastrophe, et j'ai trouvé finalement que le film était plutôt sympathique. Certes, l'idée d'envoyer Sonic sur Terre est un truc vu et revu, mais j'ai trouvé qu'elle n'était pas mal exploitée dans le film. C'est un bon divertissement pour petits et grands. Pas dingue, mais bien fait dans son genre.
Pour ce qui concerne la suite, bien que moins bonne selon moi à plusieurs égards, encore une fois j'ai passé un bon moment. J'aurais simplement laissé tomber le personnage du pote de Sonic pour ne me concentrer que sur Sonic, Tails, Knuckles et Robotnik.

Quand on voit ce que promet le futur film d'animation "Mario", on se dit qu'une adaptation de ce genre aurait sans doute été meilleure, mais bien que j'ai été plus supporter de Sonic que de Mario à la base, je ne sais pas si l'univers de Sonic soit assez vaste pour proposer quelque chose du même genre que le futur Mario.

Je suis assez curieux de découvrir le Sonic 3 à venir, bien que la potentielle absence de Jim Carrey ne me rassure pas. Sans lui, autant renvoyer Sonic et ses potes sur leur planète et nous proposer un film d'animation uniquement.

Cidjay
11/01/2023 à 09:36

J'ai trouvé le 1er sympa sans plus... et puis j'ai vu le deuxième...
en fait le premier est génial !

Alta
11/01/2023 à 01:56

"Touchante émotion" ????

Bribri
10/01/2023 à 20:06

Mes enfants adorent.

Lia
14/01/2021 à 16:58

UNE BOUSE!
Pour des adaptations de Sonic agréables, il est largement préférable de regarder une série animée Sonic. Finalement, Les aventures de Sonic le hérisson et Sonic Boom sont pas si mal à côté de ce truc immonde. Même Sonic le Rebelle avait, malgré ses chansons nulles, un scénario sympathique et des personnages attachants.
Ici, il n'y a rien de tout ça. Le film ne fait que "vaguement" reprendre la prémisse des deux premières saisons Sonic X avec un Sonic coincé dans le monde des humains qui fera copain-copain avec l'un d'entre eux. Sauf que Sonic X, ça marchait parce que les deux personnages étaient attachants (oui, je parle bien de l'impopulaire Chris qui reste un personnage globalement sympathique et mignon) et avaient des personnalités qui se complétaient formant ainsi une bonne alchimie. Sans parler du fait que les humains avaient aussi un rôle à jouer dans l'intrigue tout en ne volant pas la vedette aux amis anthropomorphes du hérisson bleu.
Mais là, il n'y a aucune âme, aucun effort. Sonic est le seul animal anthropomorphe sur lequel le film compte comme pour dire "Les deux personnages principaux sont des têtes-à-claques; plus particulièrement Sonic qui, loin d'être un héros un peu arrogant mais avec un grand coeur agissant de manière désintéressée, est devenu un gamin-sauterelle (le hérisson qui court vite nous manque) qui passe son temps à faire des références pop-cultures même pas drôles. Quant à l'humain, il ressemble vaguement à l'un de ces héros humains qu'on retrouve dans les films Alvin et les Chipmunks ou les premiers films Les Schtroumphfs qui se retrouvent à devoir gérer des visiteurs d'un autre monde censés être les héros du film mais à qui ils voleront la vedette.
Les effets spéciaux, deux mots: a-ffreux. Le changement de design de Sonic n'a rien amené puisqu'on est passé d'un immonde hérisson bleu "réaliste" qui ne se fond pas dans le décor à un design Cartoon qui y fait tâche et qui ne laisse pas une belle animation accompagnant sa vitesse. Même les combats ne font aucun effet, on ne ressent pas de tension tant ils sont mal montés et fades. Sans parler des passages où le hérisson plus rapide que le son nous montre qu'en plus de courir vite, il peut agir vite car sa vitesse lui permets, apparemment, d'arrêter le temps. On sait que Sonic court vite mais il n'était pas nécessaire de nous montrer qu'il réfléchit à tous les détails d'une situation "délicate" comme gérer une bagarre dans un bar peu fiable; en particulier si c'est pour montrer des slips remontés jusqu'à la tête. Et n'oublions pas les gags de caca-prout essentiels à toute pseudo-comédie.
La musique n'arrange rien: fade et oubliable, aucun thème marquant. Comme si personne n'avait pensé à reprendre des thèmes des jeux Sega que les gamers auraient aimé entendre voire des séries animées qui auraient plu aux non-gamers ayant découvert le hérisson bleu via les séries.
Quant à Jim Carrey, celui-ci n'est pas drôle bien que ce soit plus dû au scénario pleins de lourdeurs, d'incohérences, de facilités scénaristiques et, surtout, de l'écriture d'un Robotnik/Eggman qui n'est plus qu'un sous-méchant Disney.
Si vous voulez garder votre cerveau, ne regardez pas ce film et ne dites pas non plus à votre entourage qu'il existe.

Greg
09/01/2021 à 18:25

Immonde... C'est le néant absolu !
Ceux qui ne connaissent pas l'univers n'y trouveront rien, et les gamers... n'y trouveront rien non plus !!
C'est moche, le scénario... il n'y en a pas ! C'est une agrégation d'évènements vus et revus dans tous les films du même genre.
L'humour... peut-on seulement prononcer ce mot devant ce truc ! Pas décrocher un simple sourire devant ce machin, c'est en soit un exploit de ceux qui nous ont pondu ce bousin !
Je suis du genre tolérant, et généralement je parviens à trouver les points positifs, y compris dans les pires navets, mais... il n'y a tout simplement rien à sauver ! Pire qu'un naufrage, c'est une coquille vide !

Jasper
08/01/2021 à 20:20

Des millions d'années d'évolution pour en arriver là...

Ethan
08/01/2021 à 19:26

@Rédaction
Attaché au premier dessin animé de Sonic avec Tails au début des années 90 et la fameuse musique du générique "Sonic plus rapide que moi...", j'ai un peu de mal à voir Sonic en 3D. Ca aurait été intéressant de le présenter dans sa version dessin animé (qui est quand même plus fidèle) dans un monde réel. Un genre de mélange dessin animé / film

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