La Lune de Jupiter : critique qui s'envole

Chris Huby | 23 octobre 2018 - MAJ : 07/11/2019 17:18
Chris Huby | 23 octobre 2018 - MAJ : 07/11/2019 17:18

Ce n'est pas tous les jours au cinéma que l'on voit un réfugié syrien s'envoler au dessus de la ville de Budapest telle une figure christique. Ce n'est pas non plus tous les jours non plus que l'on voit des plans séquences aussi maitrisés dans un film. Avec La Lune de JupiterKornél Mundruczó (l'excellent White God) a choisi d'aller chercher ses spectateurs avec la surprise.

FANTASTIC MAN

L'introduction donne tout de suite le ton. Un passage illégal de réfugiés syriens vers l'Europe se déroule dans un drame. La police les découvre sur leurs bateaux et se met à les tirer à vue. Dans le chaos, le jeune héros est tout de suite séparé de son père. Au bout de quelques minutes hyper réalistes, asphixiantes et haletantes, sous l'eau et entre les arbres qui défilent à toute vitesse, Aryann se fait tirer dessus plusieurs fois alors qu'il venait juste de reprendre son souffle. Mais plutôt que de mourir des trois balles qu'il reçoit en plein thorax, il reste en vie et s'envole dans les airs sans comprendre ce qu'il lui arrive. Nous en sommes à dix minutes de film et déjà l'univers déjanté est posé.

 



TRIP ET PLAN-SÉQUENCE DE FOU

La suite est du même niveau. Nous découvrons un médecin peu scrupuleux qui fait échapper des réfugiés attrapés par les forces de l'ordre contre une certaine somme. Grâce à ses réseaux hospitaliers, il fait bénéficier de cette porte de sortie à ceux qui ont le plus d'argent. Petit trafic du quotidien qui cache une dette morale autant que problématique sur son quotidien. Jusqu'au jour où il tombe sur Aryann et sa particularité avec laquelle il va faire affaire.
 
L'histoire de La Lune de Jupiter aurait pu tomber dans des excès pesants d'auteur signifiant. Il n'en est rien. Film à la fois mystique, social, d'action et thriller décalé, l'oeuvre marque d'emblée par sa prise de risque et sa réalisation magistrale. Le choix de fonctionner par des plans séquences réguliers lors des scènes de suspense donne un rythme et une brutalité clairement voulue par le metteur en scène. On assiste à des descentes de police extrêmement troublantes, à des courses poursuites tonitruantes.
 
Plans rapprochés, caméra mouvante, séquences non cutées de plus de 5 minutes, effets spéciaux employés intelligemment, l'originalité formelle tient surtout dans le mélange des genresKornél Mundruczó utilise ici une mise en scène coup de poing qui pourrait rappeler celle de Gaspar Noé sur certains points. L'impact est le même.
 

PhotoUn film riche en images exceptionnelles

 

 

ENTER THE VOID

Mais le metteur en scène va plus loin. L'histoire se déroule dans une Hongrie dégénérée, entre violences policières, fascisme installé, attentats et morbidité à tous les étages. C'est un pays tout entier qui est ainsi montré du doigt sur son traitement des réfugiés syriens. Si la lune de Jupiter s'appelle Europe, il semblerait bien que la Hongrie en soit encore un misérable satellite, par lequel des milliers de réfugiés doivent automatiquement passer. Utilisation de l'homme par l'homme, petite débrouille au quotidien, violence et amoralisation totale d'une société, voilà ce que nous propose comme vision le réalisateur. L'efficacité du propos tient grâce à cette émotion endiablée et distillée de part en part.
 
Le film est d'une grande ambition de départ et la tient relativement bien. Le message est à la fois clair et efficace. Jamais le spectateur ne s'ennuira, mais sans doute que quelques effets lasseront les regards avisés de certains. Pourtant la démesure et le propos de fond doivent être défendus. L'oeuvre demeure accessible par le monde entier, entre science fiction et drame horrible, comme pouvait l'être d'une certaine manière Les Fils de l'homme il y a quelques années qui a d'ailleurs dû un peu l'inspirer par certains côtés. Il s'agît d'une excellente surprise après Delta ou White God, et nous attendons impatiemment la suite de l'oeuvre de Kornél Mundruczó qui, espérons, continuera à s'affiner.
 
 

Affiche officielle française

Résumé

Le cinéma hongrois explose encore une fois par son originalité et son brio. La Lune de Jupiter est un film très important et qu'il ne faut pas manquer, ne serait-ce que pour les moments de grâce qu'il trace tout au long de ses 123 minutes.
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commentaires
Schtroumpfette
28/10/2019 à 14:53

Excellent film. J'attends avec impatience les prochaines oeuvres de ce cinéaste car White dog, son précédent film, était également excellent.

Simon Riaux
24/10/2019 à 13:11

@Gregdevil
@Numberz

Alors les gars il est sorti y a 3 ans, il est vidéo depuis une plombe, là il était juste diffusé à la TV ;)

Numberz
23/10/2019 à 22:35

Pareil, attente du DVD quand il sortira. Guère le temps et le choix.

Gregdevil
23/10/2019 à 21:12

Moi qui vit dans une petite ville, je peux encore m'assoir dessus. Et aller voir Terminator 12.

Karim Meziane
12/05/2018 à 08:59

Très bon film avec en toile de fond la dure réalité des migrants aux portes de l'Europe. La réalisation est très maîtrisée. Les mouvements de caméras vetigineux dans certaines scènes rappellent effectivement Gaspar Noé. Les longs plans-séquences des scènes d'action rappellent aussi Alfonso Cuarón (les fils de l'Homme). Ce film ne tombe pas dans l'angélisme (même si les allusions christiques sont omniprésentes) et le mielleux compassionnel pour autant.
Mundruczó reste juste dans son traitement et arrive à captiver.

yep
20/11/2017 à 18:23

ça fait du bien une création "super héroique", j'ai adoré qui a voir un film de genre SH autant aller voir celui ci

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