Ghostland : critique martyrisée
En trois films, Pascal Laugier s’est imposé comme un des réalisateurs français les plus atypiques et radicaux. De Saint Ange, en passant par Martyrs puis The Secret, il aura tour à tour suscité curiosité, polémique et engouement général. C’est par conséquent avec énormément d’attentes que l’on a découvert Ghostland.
LA POUPÉE QUI DIT GNON
Il faut moins de dix minutes à Pascal Laugier pour précipiter le spectateur dans un roller coaster horrifique surpuissant. À peine a-t-on le temps de faire connaissance avec un trio de personnages féminins venus s’installer dans une vieille bâtisse familiale, que cette mère et ses deux filles sont victimes d’une agression spectaculaire. Mais ce qui démarre comme un home invasion particulièrement brutal va rapidement se métamorphoser en un kaléidoscope cauchemardesque.
S’il convient de ne pas en dire plus, on demeure admiratif devant la capacité de Pascal Laugier à faire muter constamment son récit, passant à la volée d’un sous-genre à un autre, décortiquant son intrigue initiale pour mieux reconditionner les règles de son univers. Ainsi, Ghostland démarre au cœur d’une esthétique empruntée à l’American Gothic, où on croise poupées démembrées, couloirs biscornus, bicoques branlantes, avant de pulvériser ces codes qui ne dépareraient pas dans un mauvais clip de Marilyn Manson.
PASSION FRISSON
Chaque twist est ici pensé pour bouleverser le public, mais aussi les règles de la narration, avec un effet dévastateur. Troublant dans ses multiples révolutions visuelles, le métrage demeure extrêmement éprouvant en terme de ressenti primaire. Au-delà de l’angoisse existentielle et de la peur atmosphérique générée par les thématiques qu’il charrie, le film s’évertue à maintenir son public dans un état de tension permanent. Pour ce faire, Pascal Laugier démultiplie les jump scare. Il n’en use pas pour réveiller un spectateur assoupi comme dans un Insidious 4, mais développe une véritable grammaire du montage et de la narration autour de cette figure de style.
Les sursauts, surprises et surgissements se multiplient alors de manière exponentielle, avec une efficacité telle que l’ensemble vire parfois au délire abstrait, une pure épluchade de nerfs qui se compose aussi bien d’embuscades menées par le cinéaste avec brio, que de jeux vicieux et formidablement ludiques avec la salle, qui interagit avec Ghostland comme on jonglerait avec un oursin, fascinée par la beauté du geste et redoutant ses innombrables piqûres.
Oui, vous allez avoir très mal
MANGEZ DES POMMETTES
Ce qui achève de faire de Ghostland une des expériences les plus stimulantes et traumatisantes découvertes récemment, c’est la position dans laquelle Pascal Laugier met son spectateur. Ce dernier assiste, impuissant, au calvaire d’héroïnes dont l’âme et le corps sont littéralement suppliciés. Une violence totale qui ne souffre d’aucune ambiguïté dans le positionnement du metteur en scène, mais pousse celui qui découvre l’œuvre à s’interroger sur le rapport qu’il entretient avec cette dernière.
Voyeur autant qu’objet d’étude du film, le cinéphile est sommé de s’interroger sur le rapport d’attraction-répulsion qu’il éprouve face à ce déferlement de sévices, qui ne lui épargne ni les plaies, ni les visages tuméfiés, et s’accompagne de torrents de fluides corporels. Une exploration dangereuse, troublante, un vertige propre aux grands films de genre, ceux qui entreprennent de cartographier les ténèbres qui constituent l’esprit humain.
Une des scènes les plus éprouvantes du film
Pascal Laugier applique ce traitement de choc au noyau de son cinéma, et revisite régulièrement les principes, visuels ou narratifs, qui l’ont fait connaître. Et tout comme il impose au spectateur un grand huit cruel et terrifiant, il met en jeu les mondes qu’il a bâtis et s’interroge sur ses choix de créateurs, notamment à travers une étonnante séquence onirique, où il use avec une tendresse inédite de la figure de Lovecraft.
Aidé par un trio de comédiennes toutes impeccables, dont une Mylène Farmer qui s’amuse à métaphoriquement briser tout un pan de sa mythologie artistique (la figure de la poupée dans le récit revêt bien des sens…), Pascal Laugier livre ici son film le plus extrême, mais aussi le plus abouti. Ghostland renoue avec l’âpreté et l’agressivité d’un cinéma de genre issu des années 70, toujours prêt à menacer son spectateur, sans jamais oublier néanmoins que c’est au plus profond des ténèbres que brille parfois la lumière.
Lecteurs
(4.5)28/04/2022 à 19:18
Pas un grand fan des productions françaises en général... mais purée que ce film m'a retourné, du très bon.
29/07/2019 à 10:45
@Ringo
Laugier s'est à peu près toujours fait défoncer par la critique. S'il a une hype, c'est celle d'un cercle assez restreint de fans d'horreur.
Mais il est totalement inexact d'affirmer que le réalisateur serait une coqueluche critique.
28/07/2019 à 20:33
Saint-Ange était joli mais ennuyeux, Martyrs et The Tall Man étaient 2 bonnes surprises surtout Martyrs très radical dans son genre par contre son dernier film Ghostland m'a déçu.
Le début n'est pas mauvais, c'est même prenant mais le reste est plus convenu, Laugier semble trop s'inspirer de Massacre à la tronçonneuse.
28/07/2019 à 11:51
@Shadow75
Cadeau :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Second_degré
28/07/2019 à 11:32
@shadow
Euuuh ironie tu connais pas ? C'était justement pour rebondir sur ta réponse...
Entre ceux qui connaissent rien et ceuxc qui ne voit pas une ironie flagrante... Désolé de vous avoir embêté...
28/07/2019 à 11:29
@Shadow75
Et qui jouent les grands cinéphiles . MDR a chaque fois..
Pour ce qui est du film c'est d'un ennuie mortel. Même pas fini le visionnage que déja oublié.
28/07/2019 à 09:55
"Franchement, Laugier est la hype des critiques, et cela restera le grand mystère du film (et de Martyrs, que je trouve ridicule au possible) mais ce film là est une véritable arnaque. "
Du copinage, qui sait? C'est d'autant plus dommage encore une fois que son meilleur film, le premier, soit passé presque inaperçu en France à sa sortie...apparemment à Gérardmer l'an dernier Mathieu Kassovitz président du jury dormait/était stone pendant les projections, mais comme il fallait à tout prix "encourager le cinéma de genre français"...personnellement, j'aurais plus vu "les bonnes manières" en Grand Prix 2018, mais bon..
28/07/2019 à 09:35
"Le film est d'une laideur consternante, à tous les niveaux, à commencer par les décors. (Également une Mention spéciale au maquillage de Lovecraft)"
Il ressemble plus à un des frères Bogdanoff qu'à Lovecraft, faut avouer...
"Le comportement des personnages vire au ridicule en permanence (On reparle de cette évasion ?)"
La scène à travers les champs? Je crois me souvenir d'un ralenti pas très heureux et de l'arrivée poussive car prévisible des méchants.
il faut dire qu'il y a pas mal de maladresses dans ce film comme dans "Martyrs" (le casting à l'hystérie systématique, le "gourou" qui ressemble à la maman de Michel Sardou..) , dans "Ghostland" il y a des moments qui en deviennent embarrassants, involontairement comiques avec le méchant obèse qui renifle les petites, craque et casse ses poupées de désespoir. Le traitement manque de finesse, de subtilité.
C'est dommage que Laugier se soit enlisé avec ces deux films dans un cinéma bourrin, sans grâce alors que son premier long "Saint Ange", même si imparfait, démontrait une élégance certaine...reste plus qu'à espérer que Laugier renouvelle ses obsessions et engage un scénariste digne de ce nom dans ses prochains projets.
28/07/2019 à 09:02
Number6
A l'Intérieur n'a pas été réalisé par Laugier (Bustillo et Maury) pas plus que Silent Hill (Gans).
C'est qui toutes ces personnes qui laissent des commentaires et qui n'y connaissent rien ???
28/07/2019 à 08:38
@decker,tu as raison sur Laugier. C'est dommage parce que son A l'intérieur était plutot bon. Et son incursion dans le cinéma américain avec Silent Hill tout autant.