Come as You Are : critique smells like teen spirit
Connue pour ses rôles dans Kick-Ass, Dark Shadows et Carrie, la vengeance, Chloë Grace Moretz a aussi démontré ses envies de cinéma d'auteur en marge d'Hollywood avec Killing Fields, Girls Only, Sils Maria ou encore Suspiria. Avec Come as You Are de Desiree Akhavan, avec aussi Sasha Lane, elle confirme cette direction avec l'un de ses plus beaux rôles.
HATE, CAMERON
Come as You Are arrive après Love, Simon. Le premier est centré sur Cameron, une adolescente surprise dans les bras de sa petite amie, et envoyée dans un centre chrétien de thérapie de reconversion censé la rendre "normale". Le deuxième racontait l'histoire de Simon, un adolescent qui découvrait son homosexualité, et était forcé de la vivre violemment sans l'avoir décidé.
Entre les deux films, il y a un gouffre. Si Love, Simon était la version gay du teen movie, reprenant la mécanique habituelle pour enfin offrir une alternative aussi douce que les références du genre, le film de Desiree Akhavan est la version film indé. Avec ce mélange de douceur et d'amertume, de réalisme mais de rêverie, d'esthétisme camouflé, d'espoir un peu grisonant. Et cette sensation de formule un peu convenue.
LA MAUVAISE ÉDUCATION
C'est d'abord Chloë Grace Moretz qui surprend et emporte. Talentueuse mais rarement très bien dirigée ou servie par de bons scénarios, l'actrice apparaît sous un jour nouveau. Plus simple, plus brute, plus silencieuse. Moins axée sur sa moue, ses tics, ses poses. Débarrassée de l'attirail de la star montante, elle se retrouve avec si peu de dialogues et tant d'émotions à incarner, qu'elle trouve un nouveau souffle. Elle n'est pas dans un numéro de charme : peut-être pour une des premières fois véritables, elle s'efface.
C'est ainsi qu'elle donne vie à cette Cameron. Cette adolescente pas si perdue que ça, qui s'oublie un peu trop pour les autres, et accepte d'intégrer l'enfer sur Terre - un camp chrétien qui aide les jeunes à devenir hétéro et revenir dans le droit chemin, en prétextant que trop de sport ou des cheveux longs ont tordu le rapport des adolescents à leur sexualité.
La scène un peu incontournable et interchangeable
Adapté du livre d'Emily M. Danfort, Come as You Are avance sur des rails, jusqu'à l'utilisation quasi automatique des flashbacks. Mais le film trouve une forme de grâce avec ses acteurs. Car à côté de Chloë Grace Moretz, il y a Sasha Lane, la révélation fracassante d'American Honey. C'est son deuxième film (elle est attendue dans le prochain Hellboy), et elle impose déjà une énergie et une étincelle folles. Il y a aussi Forrest Goodluck, lui aussi tout jeune acteur, vu dans The Revenant et excellent ici.
Côté adultes, les vétérans John Gallagher Jr. et Jennifer Ehle font des merveilles avec quelques bouts de scènes. Et jusqu'aux seconds rôles (dont la talentueuse Emily Skeggs), Desiree Akhavan témoigne d'un sens particulier de la direction d'acteurs. Elle l'avait déjà montré dans son premier film, Obvious Child, qui avait définitivement révélé Jenny Slate.
Bien sûr, le film sera peuplé de personnalités hautes en couleur. Bien sûr, il y aura de ces petits moments un peu fous et décalés, et le film coche même la scène musicale. Bien sûr, Come as You Are (affreux titre qui rappelle plus une pub pour fast food que l'original, The Miseducation of Cameron Post) touche la violence du bout des doigts pour ne pas perdre de vue ce faux pessimisme typique d'un Sundance movie.
Chloë Grace Moretz, Sasha Lane et Forrest Goodluck
SURFACE SURFAITE
Et c'est là que Come as You Are touche ses grandes limites. Avec entre les mains un sujet en or, d'une puissance folle et d'une profondeur évidente, la réalisatrice également co-scénariste avait un matériau magnifique. Mais à l'arrivée, le film laisse l'étonnante et désagréable impression d'être trop prudent et garder ses distances.
Beaucoup d'éléments sont présentés, évoqués, traités, sans véritablement être approfondis par le scénario. Les seconds rôles sont bien trop esquissés (notamment le révérend Rick), donnant l'impression d'être passé en coup de vent dans ce centre de rééducation. Les scènes de thérapie collective et individuelle sont trop peu nombreuses pour faire sens, et permettre aux protagonistes d'évoluer - ou évoluer sans à-coups.
Si bien que lorsque le film se termine, il donne la sensation curieuse d'avoir grandement survolé le sujet et les personnages. Comme s'il manquait des bouts, qui auraient permis à Cameron d'avoir une trajectoire plus forte, plus claire. Même si un événement tragique vient secouer ce petit monde et justifie en partie la conclusion, Come as You Are avance bien trop vite pour laisser à l'héroïne, Adam et Jane le temps de souffler, et exister.
A force de trop vouloir effleurer les choses, par sensiblerie ou pudeur, le film se retrouve à faire de ses personnages de petits pantins pas très incarnés. Avec, dans ses pires moments, un maniérisme un peu vain, qui laisse imaginer une autre version d'une histoire qui reste profondément belle et importante. C'est d'autant plus regrettable que la réalisatrice Desiree Akhavan se regarde parfois un peu trop filmer, trop satisfaite de ses plans léchés et ses musiques enivrantes, alors que ces adolescents auraient mérité plus d'espace et d'attention.
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(5.0)