Le Monde est à toi : critique QLF à (re)voir sur Netflix

Geoffrey Crété | 16 août 2021 - MAJ : 17/08/2021 15:28
Geoffrey Crété | 16 août 2021 - MAJ : 17/08/2021 15:28

Toi qui te plains chaque année que le cinéma français n'a rien dans le ventre, ne s'amuse pas, ne sait pas y faire avec le genre, et n'a aucune ambition ou style : Le Monde est à toi est là. Comédie, thriller, polar, avec des flingues, des dealers et des emmerdes de tous les côtés, le film de Romain Gavras est une petite baffe, avec en plus Vincent Cassel et Isabelle Adjani autour de la nouvelle génération représentée par Karim Leklou et Oulaya Amamra. Il y a là un film à ne pas rater, et à (re)voir sur Netflix.

ET JE RESTE PLANTÉ LÀ 

Discours aussi banal que paresseux : le cinéma français se résume à de la grosse comédie sponsorisée par TF1, et des films d'auteur-doses de somnifère. Difficile, voire impossible de trouver un divertissement efficace mais pas susceptible d'abîmer les neurones et nourrir une mégastar de l'humour. Difficile, voire impensable d'avoir accès à un bon film qui serait beau, stylisé, et cool comme les américains en ont le secret, selon la légende.

Il y aura donc de bonnes raisons de remercier Romain Gavras et surtout, de (re)voir Le Monde est à toiUne comédie très drôle et inattendue, un petit polar à base de dealers et gangsters, un thriller qui sort des murs de banlieue pour aller au soleil de l'Espagne, des acteurs sérieux qui ne se prennent pas au sérieux, de l'émotion aussi ; mais avant tout un divertissement parfaitement calibr. Le monde n'est peut-être pas (encore) à toi, mais la possibilité de soutenir ce cinéma français qu'apparemment tout le monde veut voir, est là, à portée de main et de gachette.

 

photo, Vincent Cassel Passer dans le paysage du ciné français et laisser une trace derrière

 

ILS CROIENT PEUT-ÊTRE QUE LA LIBERTÉ S'ACHÈTE

Romain Gavras, fils de Costa-Gavras, a prouvé dès son premier film ses talents et ambitions. Notre jour viendra, avec déjà Vincent Cassel au premier plan, démontrait son aptitude à entremêler l'humour et le drame, dessiner des personnages hauts en couleur, s'inscrire dans un paysage social sans pour autant renoncer à toute ambition de pur cinéma libre et décomplexé. Le style était là, au détour de chaque scène. 

Le Monde est à toi avance dans la même direction, mais pousse tous les curseurs. Avec l'impression qu'en se focalisant moins sur certaines aspirations trop théoriques et intellectualisées, le réalisateur se libère, et donne de l'air à son cinéma.

 

photoLe duo des enfers

 

Comme s'il était déterminé à offrir un shoot de plaisir, Romain Gavras s'amuse avec la tonne de clichés inhérents au genre. Il y a de la fusillade, du kidnapping, de la trahison, de la romance, de la course-poursuite, de l'explosion, et ce prototype d'intrigue où les choses tournent si mal et si vite, que le spectateur est immédiatement emporté avec un plaisir absolu. Dès l'ouverture, il prend d'ailleurs un malin plaisir à flinguer ces stéréotypes, sans pour autant moquer les personnages. 

Gavras n'oublie ni ses ambitions de cinéaste, ni son envie de séduire. Une générosité de tous les instants qui prend vie dans beaucoup de décors, de lumières, de couleurs, avec un panache rafraîchissant qui change de forme, de ton, de rythme et de visage au fur et à mesure. L'œil de réalisateur de clip n'est jamais loin, et il sait comment mettre en valeur les acteurs et les espaces, pour toujours surprendre et s'amuser.

 

photo, Karim Leklou  Karim Leklou, très remarqué dans Coup de chaud

 

QUI OSE DIRE QU'IL PEUT M'APPRENDRE LES SENTIMENTS 

Le principal, c'est aussi que Romain Gavras n'oublie jamais ses personnages. S'il avait obstinément condamné le spectateur à observer les deux hommes de Notre jour viendra, les questionner et les craindre, il place ici ses héros de l'autre côté de la ligne. Du côté du spectateur donc, qui pourra suivre, comprendre, décrypter ces pauvres hommes et femmes, victimes d'eux-mêmes.

François, sa mère Danny, Lamya, Henry : tous cherchent à échapper à quelque chose ou quelqu'un, s'envoler et/ou empêcher un autre de décoller. La trahison guette à chaque scène, celle de l'autre comme celle de soi. C'est une dynamique simple, mais que le film orchestre de manière terriblement limpide et efficace.

Et pour y arriver, Gavras a deux armes de destruction massive : Isabelle Adjani et Vincent Cassel. Qu'ils soient tous deux transformés (elle en mama vulgaire et ridicule, lui en vieux beau loser), annonce d'emblée que quelque chose se joue au-delà de leur personne habituelle de cinéma - de son aura prestige à elle et de son allure de prédateur à lui. Ils sont méconnaissables parce qu'ils explorent des territoires rares dans leurs carrières, et offrent donc des choses d'autant plus belles qu'elles illustrent leur fragilité.

 

photo, Karim Leklou, Isabelle Adjani Adjani, grande, encore une fois

 

Les deux volent les moments les plus hilarants et décalés du film. Et tandis que Vincent Cassel est d'une drôlerie sans nom, Isabelle Adjani est renversante. Camouflée derrière des tonnes de maquillage et fioritures, qui jouent habilement de son apparence si contrôlée depuis des années, elle s'affiche paradoxalement comme jamais. Et c'est parce qu'elle est le cœur du film, et du héros, qu'elle en a les instants les plus déchirants et tragiques. Et l'excellent Karim Leklou, vu dans Coup de chaud, forme avec elle un duo mère-fils étonnant.

C'est là que Le Monde est à toi montre son vrai visage, plus malin, tendre et profond que son allure de divertissement cool et ensoleillé. Dans ces moments, où Gavras passe d'un remix de western en milieu aquatique à une séparation terriblement puissante, où il parle du rapport entre le parent et l'enfant avec une sensibilité terrible, que le film prend une ampleur insoupçonnée. Beau, mais pas bête. Bon, mais pas con. Le Monde est à toi a tout pour lui.

 

Affiche

Résumé

Bulle pop décomplexée et solaire, qui assume à fond sa mission de divertissement cool tout en restant malin et en soignant ses personnages, Le Monde est à toi est la brise d'air frais dont le cinéma français a régulièrement besoin.

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Lecteurs

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commentaires
Brosdabid
18/08/2021 à 07:15

Belle chanson puissante de Sardou pour accompagner les images
Il faut le dire !!!

Terryzir
17/08/2021 à 22:19

Euh... Wesh ?

Geoffrey Crété - Rédaction
02/12/2019 à 15:24

@Alfred

Je ne pense pas résumer le film à sa réussite formelle. Je parle notamment des personnages, et je conclue sur la force des personnages et ces émotions.

Alfred
15/05/2019 à 17:30

Bonne critique, mais le film vaut tellement plus que sa simple réussite formelle.
Gavras nous tend un miroir à peine déformant pour nous montrer une société ou le crétinisme triomphe, ou les rapports humains ne sont plus que prédations... Bref un putain de bon film !

Raoul
13/05/2019 à 09:36

Celui par contre, on est tous d'accord, une franche réussite!

Adam
11/05/2019 à 21:20

Ce que j ai adoré dans ce film c est qu il dezingue tous ces mômes qui se prennent pour Tony montana ou ze pequeno

TomTom
11/05/2019 à 20:34

Effectivement, une très belle surprise avec un héros désabusé du début à la fin et qui s'en prends plein la gueule... Excellents seconds rôles.

Koba
09/09/2018 à 17:51

Bref, j'ai adoré !

Le rol’
15/08/2018 à 22:20

Mais une affiche qui pique bien les yeux neanmoins...

RiffRaff
12/08/2018 à 16:57

Vu en séance aveugle il y a quelques temps, une très belle surprise.

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