Une prière avant l'aube : critique derrière les barreaux

Geoffrey Crété | 9 novembre 2018 - MAJ : 07/10/2022 13:35
Geoffrey Crété | 9 novembre 2018 - MAJ : 07/10/2022 13:35

Adapté de l'autobiographie de Billy Moore, A Prayer Before Dawn: My Nightmare in Thailand's Prisons, remarqué parmi tous les films de l'année, Une prière avant l'aube raconte le cauchemar d'un boxeur anglais, jeté dans une prison en Thaïlande où il devra survivre. Et le film de Jean-Stéphane Sauvaire avec la révélation Joe Cole est l'une des belles surprises de l'année.

PRISON BREAKING POINT

Dans le genre du film de prison, Une prière avant l'aube ressemble a priori au schéma classique : un homme incarcéré dans une prison étrangère, où il va devoir survivre et trouver une forme de rédemption. De Midnight Express à Bangkok, aller simple, c'est une histoire connue. Peu importe : le film Jean-Stéphane Sauvaire raconte autre chose, et quelque chose de beau et brutal.

C'est l'histoire de Billy Moore. Derrière l'air renfrogné et la carrure d'animal, il y a un ex-héroïnomane et alcoolique qui a fui l'Angleterre pour la Thaïlande. Là, il est devenu un boxeur professionnel, cascadeur à ses heures perdues, et a reconstruit une vie. Là, il replongera en enfer lorsqu'il est arrêté et jeté en prison. Dans ce purgatoire puant et coupé du monde, où il est un intrus de part sa peau blanche, il retrouvera quelque chose de lui.

Billy Moore n'est pas qu'un personnage de cinéma. C'est un homme qui a survécu à cet enfer, et a écrit un livre, A Prayer Before Dawn: My Nightmare in Thailand's Prisons. Et c'est aussi cette couche de vrai sur le faux, qui confère à cette Prière une dimension si belle et intense.

 

photo, Joe ColeLe beau et les bêtes

 

THE THAÏLAND REDEMPTION

Ce qui frappe d'emblée, c'est la maîtrise formelle. On plonge dans Une prière avant l'aube comme dans un rêve à demi-éveillé. La musique envoûtante et lancinante de Nicolas Becker et la photographie de David Ungaro épousent à merveille le montage, et dramatisent instantanément l'introduction - la préparation d'un corps et d'un esprit à un combat sauvage, comme celle d'un lion en cage que seul un dompteur aux allures d'enfant peut approcher dans son intimité.

Billy ne parle pas tandis qu'en fond, la musique prend justement des airs de prières et boucle infernale. Un shoot de drogue, une larme de sang, un souffle coupé, puis une rage réveillée. Le drame s'emballe sans prendre la peine d'expliciter les enjeux, le décor, les raisons. Seul un fait compte : Billy est traîné hors de chez lui, jusqu'à une prison. Une prison physique mais également mentale - celle de ses addictions, de sa violence qui déborde, de son mal-être.

 

photo, Joe ColeL'intrus

 

A partir de là, la caméra ne le lâche plus. De sa première nuit cauchemardesque à sa prochaine fureur, de ses moments de paix à ses tripes qu'il recrache. Joe Cole est le centre de gravité du film, et Jean-Stéphane Sauvaire en joue avec brio. L'acteur de Peaky Blinders est impressionnant à tous les niveaux, que ce soit dans sa stature de bête ou dans son jeu en creux, où il interprète cet animal blessé au cœur plus tendre que prévu avec une justesse magnifique.

Que Joe Cole soit le seul acteur professionnel (hormis un second rôle) et soit entouré d'anciens prisonniers et champions de boxe, incarcérés pour divers crimes, insufle de toute évidence au film une énergie folle, et renforce le sentiment d'être happé dans un autre univers qui respire la sueur et le sang à chaque plan.

 

photoL'enfer est jonché de corps moites

 

LE CŒUR ET LE MUSCLE

Derrière la violence qui souille le béton de la prison et celle des combats de boxe, filmés avec intensité, Une prière avant l'aube a un cœur, qui bat de manière imprévisible. C'est dans les bras d'une femme transgenre (ladyboy en Thaïlande), que Billy trouve réconfort et tendresse, sans qu'à aucun moment ces parenthèses douces ne deviennent un sujet ou ne dévient l'histoire. Ces moments entre Joe Cole et Pornchanok Mabklang sont traités avec une infinie délicatesse, et une simplicité parfaitement émouvante. 

 

photoDes bulles d'air inattendues et très belles

 

Et derrière le récit d'un homme à terre qui se relève avec les gants de boxe pour tenir debout, il y a celle d'un garçon qui pense tellement ne pas appartenir au monde, qu'il acceptera sa place en enfer. C'est une idée simple, tout comme l'est généralement le sujet de la boxe au cinéma, mais que le film déplie avec une brutalité et une finesse de tous les instants. La trajectoire de Billy Moore derrière les barreaux, jusqu'à son grand combat final, a beau être attendue, elle est traitée avec suffisamment de sobriété pour être haletante.

Et surtout, c'est dans ses derniers instants qu'Une prière avant l'aube gagne une dimension magnifique. Le champ-contrechamp qui referme le récit est a priori simple, mais parce que le Billy Moore de la fiction rencontre le Billy Moore de la vérité, il est sublime. Dans cet échange silencieux, entre gêne et familiarité, il se passe une chose d'intense et indescriptible. Une forme de reconnaissance magique à travers le prisme du cinéma, de pardon symbolique quand le vrai être humain adresse un sourire à son miroir jeune, déformé par la fiction. A ce stade, l'immersion est si forte, que c'est une conclusion d'une force inouïe. 

Disponible chez Wild Side en DVD, Blu-ray et VOD depuis le 7 novembre.

 

DVD

Résumé

Le cauchemar beau et terrible d'un homme emprisonné, qui trouve dans l'enfer ce qu'il avait perdu d'humanité dans sa vie. Joe Cole est fantastique, et Jean-Stéphane Sauvaire filme cette danse avec la mort avec un talent fou. Une prière avant l'aube est puissant comme un uppercut mais brise le cœur par son infinie tristesse.

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Lecteurs

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commentaires
STEVE
10/11/2018 à 13:14

Très bon film.
Intense, puissant, sans temps mort.

Christhai
10/11/2018 à 11:27

J'ai adoré super film que je recommande de voir

Le rol’
09/11/2018 à 16:20

Magnifique..
Ca m’a un peu rappeler le sous-estimé et realiste Chok dee de Durringer.

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