John Wick : Parabellum - critique avec des trous de balles

Simon Riaux | 23 mars 2023 - MAJ : 24/03/2023 10:19
Simon Riaux | 23 mars 2023 - MAJ : 24/03/2023 10:19

Après avoir vengé son chien puis retourné le monde clandestin qu'il quitta jadis dans le premier volet, John Wick voit sa tête mise à prix dans John Wick 2. Le tueur surdoué interprété par Keanu Reeves parviendra-t-il à trouver la paix à l'issue de Parabellum réalisé par Chad Stahelski ?

UN TUEUR SOUS INFLUENCE

Le précédent chapitre des aventures de John Wick s’ouvrait sur un plan en forme de note d’intention. Une rue richement éclairée accueillait une projection sauvage d’un film de Buster Keaton, brusquement interrompue par le dérapage chaotique d’une moto, bientôt suivie de son propriétaire, puis d’un John, pantin surarticulé en quête de vengeance. Toute l’ambition cinéphile, tout l’amour des corps en mouvement de Chad Stahelski tenait dans cette ouverture gourmande.

De retour au poste de metteur en scène, le cinéaste reproduit ce dispositif, embrayant quelques minutes à peine après la conclusion de John Wick 2. Nous retrouvons Keanu Reeves, hagard et à bout de souffle, évoluant péniblement sous une pluie battante, constellée d’éclats de néons fluorescents, alors que des hordes d’assassins s’apprêtent à exécuter la sanction d’excommunication dont il a été frappé.

Sitôt John Wick : Parabellum entamé, le doute n’est plus permis : nous irons en terres asiatiques, ainsi que le promet cette équation qui invite à bord aussi bien John Woo que Johnnie To, les combattants de The Raid que les ruelles saturées de Blade Runner.

 

photo, Keanu ReevesKeanu Reeves se mouille

 

Une promesse honorée via une première demi-heure en tout point prodigieuse. Les amateurs auront dès les bandes-annonces reconnus un hommage évident à The Villainess, il ne s'agit là qu'une des révérences les plus sobres de l'aventure, qui n'hésite pas lors de son final épuisant à piocher avec fièvre dans les délires les plus cramés du jeu vidéo à l'ancienne.

Entre un décor qui évoque clairement les décors finaux de plusieurs Streets of Rage et des adversaires qui rappelleront aux joueurs de la saga Uncharted la sueur froide de croiser un flingueur blindé, tout est fait pour continuer de renouveler la franchise, désormais en perpétuelle surtension.

 

photo, Keanu ReevesUn Keanu mouillé, c'est un Keanu heureux

 

MON WICK ET MON COUTEAU

La complexité des chorégraphies atteint ici un degré inédit au sein de la saga, le film s’évertuant perpétuellement à casser leur routine, renouveler leur rythme, cassant leurs règles en transformant soudain l’environnement, ou l’armement des protagonistes. Preuve en est avec l’injection brutale et réussie de quantité d’armes blanches, couteaux et sabres en tête, qui renouvellent totalement la manière dont John doit appréhender le décor, évoluer et massacrer ses adversaires.

 

photo, Keanu Reeves, Halle BerryUne alliée aux dents acérées

 

Le plaisir retiré de cette première immersion au cœur de la violence est incommensurable. Le moindre geste se fait dévastateur, chaque éventration réjouit, le moindre œil arraché éclabousse l’écran de grosses gouttes de bonheur.

Aussi généreux cinéphage (il ne situe pas un pan essentiel de l’histoire à Casablanca pour rien) que technicien accompli, Stahelski ose se mettre systématiquement en danger, alors que ses scènes d’action versent progressivement dans la folie pure, mêlant mouvements de caméra millimétrés, cascades délicates, interactions innombrables entre premier et second plan, le cinéaste n'hésite jamais à remanier styles et approches, générant toujours autant d'admiration plastique que de sincère surprise.

Décidé à repousser toutes les limites humaines de la baston, Keanu Reeves fait feu de tout bois afin de régler la question de la surpopulation terrestre en deux petites heures. Entre ses mains, la mort se fait festival cartoonesque et gorasse, à l’impeccable inventivité. Qu’il démastique une mâchoire à coup de bouquin, exfiltre un cerveau grâce à des sabots ou rappelle à la population marocaine que le berger allemand n’est pas le meilleur ami de l’homme, Wick fait couic.

 

photo, Keanu Reeves"J'ai dévoré cette édition"

 

STOP OU ENCORE

Si on tient avec Parabellum l’épisode le plus incroyablement spectaculaire et revigorant de la franchise, c’est malheureusement la première fois que cette dernière flanche franchement d’un point de vue narratif. Arrivé à la moitié du métrage, Chad Stahelski n’a plus rien à raconter, et a le plus grand mal à le dissimuler.

Alors que notre héros décide de se confronter aux maîtres de la Grande Table, un constat amer se fait jour : non seulement le but, le fonctionnement et la raison d’être de l’organisation sont incompréhensibles, mais la bêtise des personnages devient rapidement le seul moteur de l’action.

Comme pour bien nous signifier l'inanité de ce qui fait office de scénario, chaque personnage secondaire, aussi réussi et haut en couleur soit-il, finit éjecté du récit, ou traité comme un fusible narratif encombrant. Anjelica Huston est réduite à un dialogue magnétique et une pirouette en forme d'hommage à Only God Forgives, Halle Berry pulvérise l'écran avant d'être réduite à un rôle de GPS de luxe, quant à Jerome Flynn, Saïd Taghmaoui et Laurence Fishburne, le script les traite avec le respect d'un labrador en surpoids pour un lampadaire au soleil.

 

Photo Laurence Fishburne, Ian McShaneOn imagine leur tête en lisant le scénario

 

Dès lors, le film laisse une place inédite à l’humour, voire à l’auto-parodie. Le personnage de vengeur incarné par Mark Dacascos se transforme progressivement en Bozo le clown, Keanu Reeves multiplie les clins d’œil au public, jusqu’à l’ultime séquence, en forme de gag qui piétine de manière embarrassante la progression des deux précédents chapitres.

Mais ce qui laisse définitivement un goût amer, c’est l’absurdité avec laquelle le personnage de Ian McShane est traité, transformé en cheville scénaristique dépourvue de logique ou de sens au nom d'un twist salement foireux. Chad Stahelski avait tout le talent pour conclure son opéra meurtrier en apothéose, Mais John Wick : Parabellum préfère se muer en simple épisode, plaisant mais vain, au sein d'une franchise au potentiel tentaculaire.

 

Affiche française

Résumé

L'épisode le plus hallucinant de la saga en termes d'action se révèle aussi le plus faible sur le plan dramatique. Mais John Wick : Parabellum n'en demeure pas moins un euphorisant cartoon gorasse.

Autre avis Geoffrey Crété
Ça ne raconte vraiment plus rien, mais ça le fait plutôt bien. Gigantesque bande demo à la gloire des cascadeurs, John Wick 3 est simplement un festival de bastons bien éclairé, une danse interminable mais généreuse. On peut trouver ça parfaitement vain, mais on peut aussi s'y amuser. Un peu.
Autre avis Mathieu Jaborska
Certes, la mythologie développée révèle très vite ses faiblesses et le dernier tiers peine à se renouveler. Mais les bastons absolument dantesques qui s'enchainent sans répit pour nos yeux, nos oreilles et les cervicales des pauvres sbires sur la route de Keanu Reeves méritent à elles seules de dresser un autel à la gloire de Chad Stahelski.
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Lecteurs

(3.8)

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commentaires
Flo
29/03/2023 à 15:40

Revu le 3 qui, après un générique moche, met peu de temps à briser ses propres règles (de jeu vidéo) avec un géant russe qui ne veut pas attendre l’heure d’excommunication de Wick pour le buter – trop bête pour penser aux sanctions ? ça ne sera pas le cas du Docteur. Même si la suite reste bien amusante, toujours en mode jeu vidéo et avec un Mark Dacascos rigolo en fan tueur (et ses ninjas).
Tout ça pour préciser que, si la saga est encore exemplaire pour ses scènes d’action, aussi frappantes et peu découpées qu’à l’époque de Wayne, les intrigues qui s’y intercalent sont un peu plus poussives et pèchent par ambition. Au point d’avoir des durées beaucoup trop longues.

K-tastrof
24/03/2023 à 12:48

C'est vrai que plus la saga avance, plus l'histoire part en cacahuète. Mais ces scènes d'action de fou.
Le chaud et le froid ce 3eme opus.

Sanchez
24/03/2023 à 12:03

Le meilleur de cette saga

thetrekker
24/03/2023 à 00:52

Pfff c'est sensé se situer à Casablanca mais en fait c'est tourné à Essaouira. N'importe quoi ! Pourquoi représenter des villes par d'autres villes ?

binjch
16/02/2021 à 16:25

Les chiens belges nom de dieu !

Ahtssé
17/10/2020 à 08:22

Ah la bagarre ! Tout le film repose sur l'action. La scène de Casablanca rappelle equilibrium dans l'équilibre combat et fusillade. On se laisse prendre et pardonne les dialogues et le scénario. Ils ont compris la rentabilité du projet et ne s'en cachent pas.
Le plus choquant est que Keanu semble avoir mal au dos dans ce chapitre. Ça se ressent des les chorégraphies ou il se tasse sur lui même. C'est pour le réalisme du personnage qui se fait éclater tout au long du film ou il est juste épuisé par le travail que cela demande ?

eric2
12/10/2020 à 23:16

Le 2 un bijoux. Le 3 mauvais... Cette chute ridicule de fin résume tout le film...

killshot
11/10/2020 à 07:27

le premier reste le meilleur et le 3 est juste derrière
le 2 reste une grosse daubasse par contre ...

Marco23
10/10/2020 à 01:13

De pire en pire les jeux de mots de s. Riaux

Faut stopper l'humour (enfin tentative) mr.

Sinon ce john wick 3 est le moins bon selon moi
Moins rythmé et puis ça devient lassant cette formule
Frais le premier. Sympathique le 2e
Lassant au bout de 3 fois...

Cépafo
09/10/2020 à 22:10

Le moins bon des 3. Je l'ai revu il y'a quelques jours et je l'apprécie encore moins.

Tout est approximatif, les dialogues, Said Taghmaoui en bédouin façon Don Corleone. Instable quant à la réalisation. Aucune révélation majeure.

Le 2 reste pour le moi le best, et le 1 est un très bon film. Mais celui-ci je ne comprends pas les éloges dithyrambiques.

C'est un mystère pour moi.

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