The Handmaid’s Tale : la saison 3 renouvelle-t-elle le prodige fou de ses débuts ?

Camille Vignes | 18 août 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Camille Vignes | 18 août 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Comme la saison 2, la saison 3 de The Handmaid’s Tale n’est pas issue du roman de Margaret Atwood mais elle en prolonge l’histoire. En à peine une saison, la série est un des récits majeurs de notre époque et si la deuxième a commencé à montrer quelques signes de faiblesses, elle avait néanmois confirmé son succès.

Mais après ces deux premiers chapitres choquants et complémentaires, reste-t-il encore assez de choses à dire à la série Gilead ?

ATTENTION AU SPOILER

BIG BROTHER IS WATCHING YOU

Adapté du roman de Margaret Atwood écrit à Berlin en 1984 (date hautement symbolique, la connectant au chef d'oeuvre de George Orwell, qui n'est pas sans résonances avec la série d’Hulu), l’auteure disait n’avoir voulu mettre dans son roman « rien que des êtres humains n’aient déjà fait quelque part à une époque ou à une autre ».

Dans une Amérique dystopique donc, les États-Unis se sont transformés en république totalitaire: Gilead. Elle réduit les femmes encore fertiles (malgré tous les ravages de la pollution) à l’état d’esclaves pour des familles puissantes incapables d’avoir des enfants…

PhotoViol organisé et vol de bébé

 

La première saison montrait bien que le corps des femmes n’avait plus pour utilité que de racheter la décadence écologique et les péchés (adultère, pilule, avortement…) de l’humanité. Elle montrait aussi comment les femmes avaient perdu tout droit sur leur corps et comment elles étaient devenues des objets.The Handmaid’s Tale montrait encore comment dans une République dirigée par des fanatiques fous de Dieu, le viol pouvait devenir un rituel - par le seul biais d’une petite prière sadique.

La deuxième saison permettait au personnage de June - incarnée par l'excellente Elisabeth Moss (rôle pour lequel elle a été multiprimée) - de découvrir les souterrains de la résistance, de faire fleurir une histoire d’amour avec Nick (dernière partielle d’espoir pour la protagoniste) ou encore de laisser apparaitre pour la première fois les « colonies », ce bagne gris et terreux où sont envoyées les récalcitrantes (pas les résistantes, il n’y a pas de résistance à Gilead) pour gratter et déblayer les déchets radioactifs.

 

Photo The Handmaid’s Tale saison 2, The Handmaid’s TaleUne des faiblesses de la deuxième saison

 

 

LA FIN NE JUSTIFIE PAS TOUS LES MOYENS 

Après le choc de la première saison, la deuxième avait eu un peu de mal à trouver son nouveau souffle dans la maison des Waterford mais y était finalement parvenue en la transformant en une véritable prison. Le coup de maître résidait aussi dans la relation contradictoire entretenue par June et Serena (la très bonne Yvonne Strahovski), approfondie tout au long des 13 épisodes.
Malheureusement, la troisième saison ne parvient pas toujours à retrouver la puissance des débuts et à rattraper les déséquilibres de la deuxième (errances canadiennes, perte d’intérêt rapide pour l’intrigue des colonies). Ses débuts s’attardent scrupuleusement sur chacun des personnages secondaires - Emily, Moira, Luke - sans jamais leur donner assez de corps pour qu’ils ne deviennent réellement intéressants, ou qu'ils n'aient quelque chose à apporter à l’histoire. Comme dans la saison précédente, ils sont donc tout bonnement repoussés vers le fond de l’intrigue.

 

photoAu coeur de l'intrigue au début de la saison, ils périclitent progressivement jusqu'à la fin

 

Pire, celle qui a tenu le spectacle pendant une saison - Serena - est elle aussi gentiment écartée de la scène principale. La série avait fait en sorte d’insuffler au personnage le plus d’ambivalence possible. À la fois victime et bourreau du nouvel ordre américain, son personnage perd une partie de sa profondeur pour ne se réduire plus qu’à une chose : son besoin irrépressible de maternité. On pourrait presque taire le destin de Fred tant ce personnage - déjà pas bien épais - voit son arc se réduire à peau de chagrin : d’acteur puissant de Gilead, il devient spectateur de l’histoire.

Et c’est avec (ou sans) Nick (Max Minghella) que la série montre sa plus grande faiblesse. Après avoir vivoté pendant les premiers épisodes, il est purement et simplement évincé de la série, sans plus d’explication. On sent trop que les scénaristes ne savaient plus quoi faire du personnage. L’amant de June, résistant dans la saison 2, s’évanouit et c’est vraiment dommage.

 

photoHaut-Commandant Winslow et son épouse Olivia : deux autres personnages mal exploités 

 

OFF L'HISTOIRE

En parallèle, la maison Lawrence (nouvelle affectation de June) prend vie, le commandant (campé par Bradley Whitford) devenant la nouvelle figure ambigüe de la série. Profondément épris d’une femme qui le hait (et qui n’arrive jamais à inspirer plus qu’un semblant d’affection), c’est lui aussi un personnage clef de la création de Gilead, et lui aussi est tiraillé entre ses idéaux politiques et ses relents d’humanité. Aussi intéressant que son personnage pourrait être, le coup du protagoniste serviteur du système et résistant à ses heures perdues commence malheureusement à être vraiment redondant.

Pourtant, une force extraordinaire sort de cette nouvelle saison puisqu’elle s’attaque à la notion même d’Histoire, qu’elle s’écrive avec ou sans majuscule. Les intrigues et les sous-intrigues réussissent à montrer l’un des vices les plus profonds d’une dictature : l’interdiction de penser l’Histoire. Il n’existe plus de succession de dates, toute idée de chronologie est niée. Les enfants, sacro-saint Graal de Gilead et seuls espoirs de renouveau pour la résistance, finissent par être sortis des États-Unis, expulsés de l’histoire.

 

photoUn bébé au centre de tout, enfin pas vraiment 

 

Ce sentiment de surplace est immanquablement renforcé par l’esthétique de la série qui s’affirme toujours plus. Chaque épisode est une succession de tableaux dramatiques, de plans grisâtres et de portraits serrés éventrés par des raies de lumière agressives et une bande son implacable.

À mesure que la série avance, que les jeux de caméra et de couleurs se répètent et s’accentuent, l’atmosphère est de plus en plus claustrophobique, inéluctable. Les États-Unis d’Amérique sont devenus un immense hôpital psychiatrique où les tortionnaires fanatiques (les membres du gouvernement) poussent leurs victimes vers la folie.

 

photoUn plan ouvert et insisif 

 

Ce qui fait deThe Handmaid’s Tale une série véritablement puissante n’est plus vraiment l’histoire qu’elle met en place. Ce n’est pas tant la résistance acharnée de June, des autres servantes et des Marthas qui importent réellement mais plutôt la négation progressive de l’humanité. L’homme est un loup pour l’homme et c’est à la lente agonie de l’humanité que l’on assiste. Comble de l’ironie, c’est dans la Bible que les hommes pensent avoir trouvé le salut, et pourtant ils avancent toujours plus loin dans le sadisme.

 

Affiche officielle

Résumé

The Handmaid’s Tale saison 3 retombe dans les mêmes travers que la deuxième, étire son récit (parfois pas très crédible) pour que l'action ne se concentre qu'en toute fin de saison. Mais contre toute attente, lenteur et apathie permettent de pousser les habitants de Gilead dans leur retranchements et de montrer la part de folie sadique enfouie en eux. Et puis on voit enfin une vraie résistance se mettre en place, et ça c'est cool. 

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
commentaires
No name
15/06/2020 à 08:48

Viens de terminer la 3eme saison. Autant jadore cette serie, autant cette 3eme saison a presqu'ete une torture a regarder! A faire des plans au ralenti et des gros plans sur la tete de June pour montrer l'intensite emotionelle d'une scene, on frole l'overdose!! Au final, j'ai presque l'impression qu'il n'y a eu que ça dans cette saison.
Ha non pardon, y'a eu les revirements de Serena, une scene leeente sur le retour d'Emily juste pour nous dire que c'est dur et puis apres on s'en fout, Luke et Moira, on les appelle quand on en a besoin et Nick, ben lui on le vire sans sembeter a expliquer.
Oh et June qui est encore la super heroine a la fin alors qu'elle a fait des trucs bien immondes cette saison... Et cette arrogance... Dommage pour une telle serie de rendre son personnage principal aussi enervant au final. Parce que perso, je commence a etre vraiment degoutee de June, a la limite de souhaiter qu'elle soit envoyee dans les colonies...
Vraiment dommage cette saison.

ngc0224
20/08/2019 à 11:16

Camille Vignes, vous signez là une excellente critique. Vous avez beaucoup de talent pour dégager et mettre en lumière le bon du moins bon. Félicitations

Jade2026
19/08/2019 à 21:54

J'ai aimé la 1ere saison et la 2eme . la 3eme était intéressante, Toutefois j'ai trouvé la fin du dernier épisode de la saison 3 assez irréaliste et très américaine dans le sens mégalomane et superhéros... Ceci étant dit le jeu des acteurs est bon ..voir excellent . il s'agitait d'approfondir si cela est possible le jeu des personnages secondaires Luke , Nick qui a disparu dommage .., Serena , Moira , Rita,..
On verra ce que donne la 4eme saison....

Simon Riaux
19/08/2019 à 13:23

@sylvinception

C'est en cours de rédaction.

sylvinception
19/08/2019 à 13:12

(HS) Quand vous voulez pour l'analyse de la saison 2 de Mindhunter.
Fin du HS, bisous.

Dedell
19/08/2019 à 00:17

La première saison est tout bonnement géniale, a la fois glauque et puissante, la Deuxième commençait à s essouffler et je n' ai pas retrouvé l esprit des 2 premières dans la dernière. Jude ne finissait pas de se débattre dans sa folie, j avais l.impression qu elle tournait en rond et Nick est aux abonnés absents . Seul le dernier épisode est le meilleur.

Mohammed
18/08/2019 à 23:02

Je trouve que l'épisode final de la 3 ème saison est le meilleur. Une fin qui nous place en attente de se qui va arriver aux protagonistes. Aussi cette fin reste ouverte pour une 4 ème et ultime saison.

Annette
18/08/2019 à 22:13

Totalement fan de la première saison, je regarde les autres mais je n'en peux plus... Il n'y aurait dû y avoir qu'une seule et unique saison ! Avec un début et une vraie fin qui interpelle et marqué à jamais. Les deux saisons de trop font qu'on oubliera le message du roman et les similitudes avec le monde actuel. Dommage... On n'en peut plus des grimaces de June alors SVP, pas de 4ème saison ! No no no

Thedom
18/08/2019 à 21:12

J’avais franchement adoré la 1ère saison, la 2e saison était moins bonne mais avec encore bcp,de qualités..; la 3é saison propose quelques très bons moments mais on sent que ça s’essouffle franchement; plus bcp d’inspiration et avec le sentiment que l’on est parfois à deux doigts de l’autoparodie dans le style surléché (les énormes gros plans sur le visage de June avec ses mimiques et ses battements de cils / paupière, les plans aux ralentis, la lumière, les plans pris avec un drone, la très courte longueur de focale et ses arrières plan bokeh..;)
Il faudrait une 4ème et ultime saison qui soit en mesure de remonter le niveau.

Jess
18/08/2019 à 19:30

Je ne suis pas d'accord avec les autres commentaires. Autant la 2ème saison avait en effet quelques longueurs, autant je trouve que la 3ème saison est très bien écrite et à la hauteur de la 1ère. Les acteurs, mais surtout les actrices, sont vraiment excellent. Mais chacun ces goûts. :)

Plus
votre commentaire