Forte : critique barre d'enfer

Geoffrey Crété | 16 avril 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 16 avril 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le destin de Forte a été bouleversé par la crise du coronavirus, puisque sa sortie cinéma prévue le 18 mars a été annulée, et Amazon l'a récupéré pour une sortie exclusive. Mais le vrai drame, c'est le film lui-même, porté par Melha Bedia, Valérie Lemercier ou encore Alison Wheeler, et qui se classe gentiment parmi les pires comédies récentes du genre.

FORTEMENT NUL

De son pitch à son affiche ("Vous n'êtes pas prêts. Elle non plus."), c'est presque le kamoulox de la comédie française. Une fille un peu grosse qui abandonne le foot pour la pole dance parce qu'elle en a marre d'être un garçon manqué, une meilleure amie qui a un môme mais veut pouvoir tirer un coup et être aimée quand même, un meilleur ami puceau qui n'a aucune idée de s'il est gay ou hétéro, une prof de pole dance un peu bourgeoise mais décalée, une famille qui s'inquiète que cette barre de pole dance soit le signe que leur douce Nour soit devenue une pute...

Vue comme humoriste à droite à gauche, passée dans quelques films comme Pattaya et Hibou, Melha Bedia devait décoller avec ce premier rôle, dont elle est co-scénariste avec Frédéric Hazan (co-scénariste de Dominique Farrugia sur Bis), devant la caméra de Katia Lewkowicz (Pourquoi tu pleures ?). C'est plutôt un crash tant ce Forte semble être la création malade et titubante d'un générateur de comédie aléatoire, qui reprend absolument tous les mauvais clichés du genre sans une once d'esprit, de recul ou de folie, comme si le film arrivait dans un paysage vierge de ces blagues, gags, stéréotypes et petites leçons de vie qui donnent moins envie de rayonner que de se pendre.

Le double sens du titre (elle est grosse mais elle est déter) est un bon indicateur du programme, dont tout l'humour repose sur : c'est drôle et curieux cette fille un peu grosse qui se prendrait presque pour Shakira. Sauf qu'à la place du rire, il y a la gêne, et surtout l'ennui.

 

photo, Melha Bedia"Plus un geste. Sa vision est basée sur le mouvement"

 

COMÉDIE GRAMATIQUE

Une comédie sur l'acceptation, les différences et l'importance de s'aimer avant de pouvoir être aimé, pourquoi pas - même si c'est plus rapide et efficace de lancer un épisode de RuPaul's Drag Race. C'est le fondement de bien des films cultes, et un message plus ou moins niais n'a jamais empêché un scénario d'être bon, et des acteurs d'être drôles. Le problème de Forte est donc moins l'idée que le traitement de toute cette farce, censée questionner la féminité, les genres, et les stéréotypes dans la société.

Entre la meilleure amie tellement cool qu'on dirait pas qu'elle est maman, la prof un peu bourge qu'on dirait pas qu'elle a été danseuse dans un club dans sa jeunesse, et la danseuse de pole dance super sexy qu'on dirait pas qu'elle est banquière, les scénaristes y vont avec leurs gros sabots pour que ce soit clair. Ce qui donne d'ailleurs lieu à beaucoup de scènes écrites avec les pieds, où le message gentillet passe avant toute autre chose - au hasard, le talent et le timing comique.

 

photo, Melha BediaDe l'importance de vérifier la concurrence avant de se lancer

 

Forte a tellement de trains de retard dans la comédie qu'il semble ouvrir une brèche dans l'espace-temps. Le gag de la barre dans le métro est connu de vos grands-parents avec Playtime et de votre petite nièce via Instagram. Celui d'un coming in (un coming out dans l'autre sens, oui), a déjà donné lieu à une comédie très oubliable : Toute première fois. Le coup d'une héroïne garçon manqué qui s'aventure dans le monde fou de l'épilation et de la sensualité, et découvrira que les femmes féminines ne sont pas juste des pouffes : c'est une ficelle tellement usée qu'elle est plus fine que celle d'un vieux string. Ce n'est pas Sandra Bullock dans Miss Détective qui dira le contraire. Sans parler de tout ce refrain sur le dépassement de soi et écrire ses propres règles.

Bien sûr, tout ça est le terreau de la comédie, et en reprendre les codes est logique. Mais encore faut-il y apporter quelque chose, et lui donner vie, comme si c'était la première fois. Dans Forte, il n'y a absolument rien qui semble avoir été réinventé, amélioré, ou simplement agrémenté d'une petite dose de modernité, avec un quelconque regard sur le monde ou le genre. Du début à la fin, c'est un carambolage de scènes vues mille fois avant, et rarement avec si peu d'inspiration. 

 

photo, Melha Bedia"Et en plus, Quotidien est à moitié off en ce moment"

 

WEAKSHOW

Tout ça aurait pu être un peu sauvé par les acteurs, mais là encore, gêne puissance 10. Que même Valérie Lemercier soit ennuyeuse à souhait en prof mi-pouffe mi-bourgeoise, en dit long sur le ratage. Elle aurait pu invoquer aussi bien Lady Palace que ses talents de one woman show et danseuse, et même ce degré de paresse aurait été plus réconfortant. Elle devra se contenter d'une perruque et une poignée de répliques étranges, à coup de viol flatteur et ciseaux lesbiens, qui hésitent tellement à aller franco dans le grotesque que chaque scène se termine dans un mur de non-rire.

Même chose du côté des seconds rôles, puisque Jonathan Cohen et Alison Wheeler, plutôt doués dans leur genre, tournent en rond avec trois fois rien pour exister. Il faut voir la scène de drague, entre une télécommande dans un kilo de papier-bulle et un inconnu qui déménage, pour se dire que le manque stupéfiant d'énergie donnerait presque le tournis. A la limite, Bastien Ughetto s'en sort un peu mieux, puisque c'est le seul personnage éventuellement touchant, qui ressemble plus à un être humain qu'à une balise TF1.

 

photo, Melha Bedia, Alison WheelerLe fun, l'amitié, le kebab, le cool

 

Ni vraiment utile ni vraiment indispensable de s'attarder sur Melha Bedia, qui a le rôle le plus tarte du film bien sûr. Difficile de faire des miracles avec tant de scènes classiques et de dialogues basiques. Reste qu'elle a elle-même co-écrit tout ça, ce qui laisse songeur.

Néanmoins, un bon point va à la réalisatrice Katia Lewkowicz pour le travail sur l'ambiance du film, avec notamment une photo signée Jacques Ballard, qui est loin de l'habituelle horreur de téléfilm blanchâtre où tout est suréclairé, jusqu'à la poubelle au fond de la pièce. Ici, il y a un travail de mise en scène qui, indépendemmant du scénario, n'est pas anodin pour un tel programme. Le choix des décors, qui occupera bien l'esprit des Parisiens fans de Stan Smith, démontre aussi un certain soin à ce niveau. C'est bien trop peu, mais ça fait presque diversion entre deux baillements.

 

Affiche

Résumé

2020 tient peut-être là l'un des pires films de l'année. Recyclage minable de tous les poncifs de la comédie basique, Forte est une épreuve de 90 minutes, dont à peu près personne ne ressort indemne.

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Lecteurs

(1.8)

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commentaires
Rorov94
20/04/2020 à 20:24

Quand le cinéma français se maintient dans «l'entre-soi»!
Pathétique,minable,moche...
Hâte de voir le remake américain avec LIZZO!

Bud
19/04/2020 à 14:33

Je vous trouve un peu dur.
Le film n'est pas parfait, loin de là, mais il a une forme de simplicité qui le rend sympa. ça se prend pas au sérieux. Après, oui c'est sur, on peut reconnaitre toutes les comédies US "pompées", mais la mise en scène et le jeu assez juste des acteurs sauvent le film du naufrage.
C'est peut-etre pas beaucoup, mais c'est déjà ça.

ddd
19/04/2020 à 14:31

cff

satan LaTeube
19/04/2020 à 09:37

Déjà rien que de voir la tronche immonde de l'actrice principale, tu sais que t'as pas envie de voir le film !!

Infusion
18/04/2020 à 16:50

Toujours un nanard de moins dans la liste des nanars français diffusé au cinéma. Il faudra qu'on m'explique un jour la logique économique d'un tel film qui n'aurait dans tous les cas pas dépassé 150.000 entrées dans les salles. À 3 euros maximum la place revenant aux producteurs, comment amortit t'on un film à 4 ou 5 millions d'euros ? 90% de financement provient des subventions et de canal+ ?

Dirty Harry
18/04/2020 à 11:29

Le message gentillet passe avant...oui c'est le problème auxquels nos décideurs sont devenus les filtres : "avoir un message" (sous entendu vendre un truc labellisé humaniste donc toujours un peu le même discours convenu). Et du coup on se retrouve avec ce genre de film qui est produit...

MarcGoudy
18/04/2020 à 10:58

Ah ben voilà, cette critique résume exactement mon ressenti après avoir vu ce film. Je n'aurais pas dit mieux.

Bubble Ghost
18/04/2020 à 01:01

Vu... Bah... C'est vrai que c'est pas fou fou, à grosse ficelle mille fois vu, et qu'on peut trouver le temps long, à pas mal de moments... Mais bon... Ce n'est pas non plus déshonorant pour autant. Loin de là, même... Ce n'est tout de même pas du Onteniente, quoi... C'est quand même joliment mis en image. Plutôt mignon et chaleureux, même si c'est souvent gnan gnan. Et très très loin d'être aussi lourdingue et gênant, que je me l'imaginait. ça ne mérite pas tant de critiques acerbes et assassines... Et si c'est vraiment ça, le pire film de l'année, alors 2020 sera un cru exceptionnel, pour le cinéma français... Mais si 4 Zéro sort cette année, c'est plutôt mal barré ^^

Country 44
18/04/2020 à 00:49

J ai beaucoup aimé

Ded
17/04/2020 à 23:13

Oups effectivement ! Le temps de me taper les commentaires.... Pourtant, j'ai deux qualités : la mémoire et l'autre je ne sais plus...
Rendons donc à César... avec mes plus plates excuses ;0)

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