La Terre et le Sang : critique à scier par terre sur Netflix

Simon Riaux | 25 janvier 2023 - MAJ : 26/01/2023 11:15
Simon Riaux | 25 janvier 2023 - MAJ : 26/01/2023 11:15

S’il y a bien un genre qu’on se languit de voir les cinéastes français investir, c’est le cinéma d’action. Et quand l’un d’entre eux en fait quasiment une profession de foi, on ne peut que le suivre avec grand intérêt. C’est la raison pour laquelle l’arrivée de La Terre et le Sang était guettée avec curiosité, tant on espérait que son réalisateur Julien Leclercq pourrait y donner la pleine mesure de son talent. 

SIÈGE AUTO 

Il raconte ici quelques heures mouvementées de la vie de Saïd (Sami Bouajila), entrepreneur au cancer fraîchement diagnostiqué, qui serait sur le point de vendre sa scierie si une bande de dealers surarmés ne se pointait pour y récupérer la cocaïne qu’y a planqué un de ses employés. De prime abord, on est agréablement surpris par la gravité qui se dégage du décor, de ses habitants, comme des multiples influences affleurant ici et là. 

En effet, ses paysages vallonnés, où s’étendent les pins comme un mauvais présage sur les personnages, évoquent immédiatement l’Amérique post-industrielle de Rambo, quand l’unité de lieu renvoie instantanément à un certain Assaut de John Carpenter. La caméra, sans doute consciente des fantômes qu’elle invoque, se garde bien de singer ces maîtres, préférant les laisser à la lisière du champ, et infuser progressivement l’image et la tonalité du récit, pour le plus grand plaisir des cinéphiles un peu las des dialogues dans les salons de St Germain des prés. 

À l’aise avec son décorum, le metteur en scène l’est également avec ses comédiens. Technicien accompli, Leclercq sait comment filmer ses deux acteurs principaux, Sami Bouajila et Eriq Ebouaney, jamais meilleurs que quand l’image joue de leurs physiques - de la stature de l’un, ou de la mine burinée de l’autre. Il en va de même pour l’action, jamais bon marché en dépit d’un budget qu’on devine modeste, se reposant toujours sur le cadrage pour maximiser ses effets. 

 

photo, Sofia LesaffrePromenez-vous dans les bois, mais plus vite que ça

 

FAIRE PEU DE TOUT BOIS

Malheureusement, ces belles intentions et ces quelques indéniables réussites sont en grande partie étouffés par d’autres choix, bien moins heureux, qui desservent grandement l’ensemble. Tout d’abord, si le film n’est pas verbeux, il souffre tout de même de dialogues artificiels, voire sur-explicatifs, dont on pouvait largement se passer. 

D’autant plus que la mise en place soigneuse de l’intrigue est tout à coup abandonnée, le contexte socio-économique, la maladie et d’autres pistes psychologisantes ne résistant pas à quelques coups de mitrailleuse bien placés. L'impression d'avoir alors assisté à une diversion très scolaire, pensée uniquement pour nous faire patienter avant un trop court jeu de massacre, est plutôt amère. Quand s’opère la bascule du drame au film de siège, les orientations de La Terre et le Sang jouent de plus en plus contre l’immersion du spectateur.

 

photo, Sami BouajilaSami Bouajila s'enflamme

 

Ce dernier se demande ainsi pourquoi on l’a immergé dans ce décor de scierie, finalement bien peu mis à contribution (on y découpe vite fait un bras, quand l’espace offrait moult possibilités salissantes), quand les affrontements, s'ils font leur possible pour assurer un peu de spectacle, ont finalement des airs de renoncement presque hors-sujet ; c'est à l'image d'une poursuite qui ne compense jamais tout ce qu'une paire de scies sauteuses aurait pu nous apporter de joies rougeoyantes.

Alors que la montée en puissance de la violence progresse, la photographie du film demeure étonnamment terne, atone, ses tons désaturés distanciant terriblement de ce qui se déroule à l’image (un problème déjà patent dans Gibraltar, ou L'Assaut). Et c’est avec une grande déception qu’on assiste à l’ultime affrontement qui clôt le film, dont l’emphase paraît inversement proportionnelle à la chair dont la narration est dénuée. 

 

Affiche officielle

Résumé

Jamais désagréable, La Terre et le Sang nous laisse malheureusement avec un profond sentiment d'occasion manquée, tant le film peine à tirer le meilleur de ses multiples atouts.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.3)

Votre note ?

commentaires
Bran 71
19/10/2023 à 05:20

Ce film est nul ! Je m’attendais à tellement mieux mais c’est franchement pas fou …

Rauman
26/01/2023 à 07:04

Toujours désagréable, un téléfilm sans atout.

Flo
06/06/2022 à 13:25

Sami Bouajila dans un siège sanglant face à des envahisseurs armés ? On pense au superbe « Nid de guêpes » bien sûr, la même logique de Western moderne. Avec cette fois l’acteur en grande vedette et dans sa belle maturité en plus…
Mais ça s’arrête là. L’inconvénient étant que les partis pris du film de Julien Leclercq ne sont pas toujours menés jusqu’au bout, quand ils ne se retournent carrément pas contre le film.
Que ce soit cette étrange photographie Cacao, tout en différentes teintes de marron.
Ou bien sa sécheresse qui se symbolise à peine par le la surdité et le mutisme de la fille, et donc par un récit censé aller à l’essentiel et vers la physicalité…
Mais qui passe alors par une écriture de personnages très grossière (un méchant dont la caractéristique est de briser des cous, ce n’est pas très cinégénique), par des scènes d’action transcendants difficilement le contexte rural de l’histoire (mention moyenne à la scène de poursuite avec le tracteur, et à celle de la chute finale par la fenêtre, absolument pas excitantes), et qui ne donne pas non plus un arc narratif progressif satisfaisant à ses protagonistes. Assez misanthrope comme film.
Ne reste que Sami, toujours fascinant à voir.

Miami82
03/06/2022 à 13:18

Le pitch de départ ressemble fortement à une histoire vraie arrivée il y a 2 ans en France, en Mayenne. Une histoire de cocaïne retrouvée par l'exploitant d'une acierie et les dealers à sa poursuite.

JeSuisMort - Critique à côté de la plaque
02/06/2022 à 09:16

"D’autant plus que la mise en place soigneuse de l’intrigue est tout à coup abandonnée, le contexte socio-économique, la maladie et d’autres pistes psychologisantes ne résistant pas à quelques coups de mitrailleuse bien placés."
Je suis mort, le mec te parle de films d'action tant attendu en France et il te fait un laius sur de la théâtralisation, et mec les meilleures d'action américains, sont pas Rambo ce sont Die Hard, L'Arme Fatale, Les ailes de l'enfer, The Rock... Y a rien de psychologique, juste des flingues, des cascades, des explosions, des bagarres,... UN FILM D'ACTION QUOI, pas d'arts et d'essais.
C'est n'imp le cinéma en France et c'est pas avec des critiques aussi à côté de la plaque que ça va s'améliorer.
Quand tu vas voir les spectacles au Puy du Fou tu t'attends pas à une pièce de théâtre dramatique, non mais je suis mort.
Ce film est un bon petit film d'action sans prétention et ta critique avec tes photos au ton atone et le manque de psychologie, tu te reconvertis et fait des critiques de films d'art et d'essais mais pas d'actions mdrrrrrr

Dirty Harry
22/04/2020 à 10:28

Pour ma part j'attends toujours qu'on découvre le talent de Julien Leclercq, juste un mec malin qui a fait son trou dans le milieu mais qui n'a rien pondu de notable jusqu'ici.
Pour le moment tout ce qu'il a fait, Florent Emilio Siri l'a fait en mieux...(Leclercq devrait organiser un barbeuc avec Olivier Megaton pour envisager des projets ensemble car ils boxent dans la même catégorie).

DominikCherbourg
21/04/2020 à 23:10

@joe nie
Philippe Noiret fait très bien l'affaire dans le vieux fusil qui est un super film. il a une gueule de Vénère???

DominikCherbourg
21/04/2020 à 23:09

@Joe Nie
Salut.
Sérieux???
Le dernier Rambo?
C'est une daube sans nom. Nul de chez nul.
Par ailleurs autant j'ai trouvé le film moyen sans être nul, autant j'ai trouvé Bouajila super dans son rôle. Comme dans tous ses rôles d'ailleurs.
On n'a pas besoin de gueules "vénères"... D'ailleurs ça veut dire quoi une gueule vénère?
Philippe Noiret fait trèsz bien l'affaire dans le vieux fusil aui est un super film. il a une gueule de Vénère.
Par ailleurs Apocalypto est un très grand film donc le même est de trop (selon ce que tu veux dire derrière ce mot).
Salut

Sami lemon
21/04/2020 à 22:33

Bonsoir
En France, seuls les migrants arabes et africains sont des trafiquants de drogue et des meurtriers?
Les statistiques disent le contraire.

Raptor
21/04/2020 à 19:30

@Dateuss
joe nie, Tek et Clint ont tout dit... Autant sur le cinéma de Leclerc (problèmes de scénario, films de technicien froids/ternes et personnages pas attachants) que sur ton cinéma à toi. Si j'adore Nid de Guêpes mais que j'aime pas La Terre et le Sang, c'est parce que j'ai pas compris qu'il y avait des acteurs et actrices d'origine nord-africaine au casting du premier film, sans doute ?! Ridicule. L'auteur de la critique EL (Simon Riaux) a par ailleurs adoré Les Misérables (que j'ai pas aimé du tout mais là n'est pas la question) alors tu aurais dû y réfléchir à deux fois avant de poster ton premier message. Tout est pardonné.

Plus
votre commentaire