Un pays qui se tient sage : critique matraquée

Simon Riaux | 7 septembre 2021 - MAJ : 07/09/2021 18:21
Simon Riaux | 7 septembre 2021 - MAJ : 07/09/2021 18:21

Un pays qui se tient sage, ce soir à 22h40 sur Canal+.

En rassemblant, collectant, contextualisant des centaines d’heures d’images de violences policières alors que les Gilets Jaunes défiaient la puissance publique, David Dufresne est devenu l’emblème d’un journalisme de terrain capable d’interpeler le pouvoir politique. Un journalisme dont on se demandait un peu où il était passé, qui préfère s’appuyer sur ce qu’il constate dans la rue que sur les rapports qu’en transmettent les sous-préfectures. À cette démarche salutaire s’ajoute désormais un long-métrage, intitulé Un pays qui se tient sage

flash balls

C’est avec une certaine appréhension qu’on aborde le long-métrage, quand bien même son auteur n’est pas un perdreau de l’année en matière de cinéma. Rendre compte d’une actualité longtemps tue, à la perception fragmentée au sein de la Cité et l’amalgamer en un propos cohérent sont deux choses radicalement différentes. Maltraiter l’une peut endommager l’autre, pulvériser toute possibilité de penser un problème donné. Mais dès son ouverture, Dufresne rassure. Rassure et sidère. 

Deux hommes, éborgnés, le regard levé vers un écran, observent des images. Des images de violence, puis le témoignage d’une femme à la colère sourde. Un dispositif simple, qui contient le premier puissant principe de mise en scène du métrage : amener les images des violences policières et des manifestations, sur grand écran. Autant de thèmes que le cinéma aborde ou accueille régulièrement, comme en témoigne le succès public des Misérables, mais qui n’ont jamais pris cette forme, dont l'évidente simplicité impressionne autant qu'elle abasourdit, dans un premier temps.

 

photoFast shoot

 

En choisissant d’utiliser une matière organique et brute, à savoir les images captées par les manifestants eux-mêmes, via leurs smartphones, Dufresne accomplit un pur geste de cinéma, extrêmement fort, qui consiste à faire surgir le réel, son expression la plus directe, sur l’écran du cinéma, d’ordinaire réservé à l’illusion. Cette irruption, ce surgissement, provoque un vertige puissant, une émotion de cinoche, qui permet à son pendant, à savoir un discours extrêmement intelligent et bien construit, de prendre le relais.

Déconnectées de leurs représentations habituelles, dans le vernis vermoulu des chaînes d'infos en continu ou la gangue de petits écrans portables, ces séquences sont ainsi restituées dans ce documentaire nécessaire.

 

photoFilmer à bout portant

 

GRENADE À MOBILISATION  

Alternance d’images prises sur le vif, toutes plus ravageuses les unes que les autres, puis de témoignages ou points de vue émis par différents intervenants, Un Pays qui se tient sage fait le choix, radical, de ne jamais indiquer qui parle. Représentant syndical de la police, sociologue, historienne des luttes ou écrivain de science-fiction, chacun est dépouillé de son statut pour ne plus avoir à nous donner que la matière première de son discours. Le verbe, qu'il souligne l'image, s'y fracasse ou la contredise, devient alors le pilier de l'expérience qui lui redonne toute son importance.

Une décision qui tranche avec la quasi-intégralité des documentaires ou reportages sur le sujet et oblige le spectateur à appréhender chaque témoignage non pas en fonction de son émetteur, mais bien pour ce qu’il est, comme une pensée à priori équivalente à celles qui la précèdent. Dès lors, détourner les yeux devient éthiquement impossible, tandis que le film accomplit la mission qu’il s’était fixée, immortaliser l’instant crucial où la violence policière est apparue pour ce qu’elle était, et favoriser l’avènement d’une réflexion urgente sur la nature de son action et de sa mission. 

Et c’est enfin la grâce du travail de Dufresne, de tenir en un mouvement unique, un travail résolument engagé qui témoigne d’une crise grave et de générer l’espace nécessaire au débat et par conséquent à la mise en mouvement, en actes, du citoyen spectateur.  

 

Affiche officielle

Résumé

En faisant du cinéma l'écrin d'images aussi brutes que dévastatrices, David Dufresne leur redonne un impact terrible, qu'il accompagne d'un discours articulé et brillant sur l'urgence de la réflexion citoyenne qui découle de la crise actuelle du maintien de l'ordre à la française. Cinématographiquement puissant et intellectuellement salvateur.

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
08/09/2021 à 13:04

@Kobalann

Je répondais simplement au premier message.

"Pourquoi laisser a Simon Riaux toutes les critiques sur les films qui abordent les sujet policiers ??" -> en réalité, 3 films récents que vous avez cités donc

"Ou sinon on aimerait voir ce que pense vos autres chroniqueurs sur ces sujet la..." -> j'ai donné mon avis sur Les Misérables par ex, pour reprendre un de vos trois exemples

"Par contre la pluralité des opinions dans vos embauches c'est envisageable ?" -> ce n'est pas envisageable, c'est la réalité depuis des années. Voir la diversité des avis qu'on trouve sur les articles, notamment quand l'équipe met son opinion sur les critiques des autres (ce qui permet de voir les désaccords réguliers dans la rédaction, qu'on assume et revendique en expliquant continuellement que la subjectivité est le moteur de notre job)

Kobalann
08/09/2021 à 13:00

@Geoffrey Crete
je dit juste que les 3 que j'ai cité sont plus emblématiques (par leur audience ou leur récupération) et qu'ils sont signés Simon Riaux rien de plus

Geoffrey Crété - Rédaction
08/09/2021 à 12:52

@Kobalann

Oui donc on parle bien de 3 films récents, et pas tous les films traitant ce sujet sur Ecran Large.
Sachant que mon avis sur Les Misérables est sur la critique de Simon, pour répondre à l'idée que seul son avis compterait vs les autres dans l'équipe.

On pourrait aussi citer Divines, qui se déroule clairement dans un cadre proche, avec la police qui y joue un rôle central. Critique que j'ai écrite.

Kobalann
08/09/2021 à 12:40

@Geoffrey Crete
Je constate juste : films de sujets de société police traitant de la période récente :
Un pays qui se tient sage : Simon Riaux
Les misérables : Simon Riaux
Bac nord : Simon Riaux

Geoffrey Crété - Rédaction
08/09/2021 à 12:18

@Kobalann

Effet et illusion d'optique. On se partage tous les films sur les mêmes critères - qui a le temps, l'envie, et a aimé. J'ai écrit sur La French, et Simon sur Bac Nord (que j'avais moins aimé que lui), pour parler de Cédric Jimenez par ex puisqu'il est dans l'actu.
Je repense aussi à Polisse. Simon n'avait pas écrit sur ce film, car il n'aime pas du tout - contrairement à la majorité de la rédaction.

Et la pluralité est tellement là qu'on a des avis de l'équipe sur les critiques, et qu'on nous reproche régulièrement de dire tout et son contraire dans les articles - entre la critique publiée à la sortie et un article qui en reparle un an après par ex.

Kobalann
08/09/2021 à 12:01

@geoffrey Crete
Par contre la pluralité des opinions dans vos embauches c'est envisageable ?
Ou sinon on aimerait voir ce que pense vos autres chroniqueurs sur ces sujet la...
Pourquoi laisser a Simon Riaux toutes les critiques sur les films qui abordent les sujet policiers ??

Geoffrey Crété - Rédaction
08/09/2021 à 10:14

@Dsluc

Cette critique a été publiée en septembre 2020 pour la sortie du film, donc rien de neuf "depuis quelques semaines". Et l'impartialité n'a jamais été notre moteur : écrire sur un film, publier une critique, c'est avoir un avis, ce qui est la plus pure subjectivité - qu'on revendique sans problème.

Deep State Psy Op yellow vest
08/09/2021 à 09:33

ba les gilets jaune sont suspects, d'être les marionnettes pour la plupart inconscientes de l'Etat bien Profond
le journaliste n'a rien compris
Action Reaction Solution
comme en 1789, toujours pareil
des types veulent une 6 eme Republique enfin hardcore, ( action), 100% officiellment satanique cette fois ci
donc ils exasperent les Français depuis 3 generations, et finissent par provoquer des symptomes de pre guerre civile, et des emeutes etc,,,l'affaire covid fait parti du deal, donc guerre civile pour bientôt,(reaction),
pour ramener la paix sociale, : Grand Reset avec des Ronces et loi martial, Etat fasciste à la sauce Chinoise ou nord coreenne, avec la 6 eme republique Luciferienne , çà sera la derniere republique, c'est ce qu'ils veulent, ils creent les problemes et apportant la Solution , oh qui sont gentils les republicains ah qu'ils l'adorent leur Republique et ses valeurs

fuck
08/09/2021 à 09:27

Les abrutis jaunes qui crient au facho pour un oui ou pour un non pullulent sur ce forum;

Dsluc
08/09/2021 à 09:27

Et beh, la ligne éditoriale semble avoir changé depuis quelques semaines ici. C'est dommage, j'aimais bien le côté impartial de la chose.

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