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La Morsure : critique de la Boum des vampires

Par Judith Beauvallet
17 mai 2024
MAJ : 19 mai 2024
7 commentaires

Présenté hors-compétition au festival de Gérardmer en janvier 2024, La Morsure a fait son chemin jusque dans les salles depuis le 15 mai. Pour sa première réalisation,  Romain de Saint-Blanquat raconte l’histoire de Françoise, une jeune fille qui, à la suite d’un cauchemar, est persuadée qu’il ne lui reste plus qu’une nuit à vivre. Bien décidée à exploiter au maximum les quelques heures qui lui restent, l’adolescente rejoint clandestinement une mystérieuse fête aux côtés de son amie Delphine. Avec Léonie Dahan-Lamort (dont le nom pourrait à lui seul avoir été toute l’inspiration de son personnage) en tête d’affiche, ce coming of age émo charme malgré ses imperfections.

La boum pour les gothiques

Situant son action dans les années 60, Romain de Saint-Blanquat s’amuse à reproduire dans son film toute une esthétique cinématographique de l’époque : le grain et le contraste de la photographie, le ratio de l’image et même la diction des comédiens, dont le phrasé et le style de jeu sonnent délicieusement surannés. Placé sous le signe évident de la nostlagie, La Morsure nous plonge dans des archétypes de films d’horreur (l’austère pensionnat pour jeunes filles, le mystérieux conducteur isolé, le manoir beau et menaçant…) mais en les revisitant façon La Boum, en se concentrant sur les fantasmes et les angoisses de l’adolescence.

 

 

A mi-chemin entre Twilight et Le Vourdalak (et penchant heureusement plutôt vers la qualité du second), ce film de timide vampire est une caricature de film de genre à la française, touchant les codes de l’horreur du bout du doigt pour plutôt initier des dialogues mondains. Et pourquoi pas ?

Jouant à fond la carte de l’image auteurisante et référencée mais sans perdre de vue qu’il est de bon ton de ne pas trop se prendre au sérieux quand on fait du genre à petits moyens au ton embourgeoisé, le réalisateur s’en tire bien, malgré un cocktail risqué.

 

La Morsure : photoLes femmes en bleu

 

plus émo que globine

Cela dit, certains aspects du film laissent le spectateur sur sa faim. Que ce soit le discours ambigu sur l’attirance réciproque entre Françoise et un homme adulte dont on ne sait jamais s’il s’apprête à profiter de la situation, la relecture à peine effleurée du vampire (en est-il vraiment un ?) en ado humble et falot, la potentielle violence qui n’éclot jamais à l’écran… malgré le charme de l’ensemble, la retenue contemplative trouve parfois ses limites.

C’est aussi le cas dans l’éveil sexuel de Françoise, qui est la quête principale du personnage : si le film prend le parti intéressant de ne pas idéaliser les choses, et évite de faire de son héroïne une parodie d’ingénue ou de séductrice, il peine aussi terriblement à faire ressentir une véritable sensualité. Peut-être à force d’être trop prisonnier de son travail esthétique et de la théâtralité de sa direction d’acteurs ? Quelque part, La Morsure souffre un peu de trop laisser transparaître le fantasme quelque peu vieille France qui se cache derrière son maniérisme et sa bascule toute timide dans le véritable gothique. De fait, un léger ridicule remporte parfois la bataille face à l’attrait du ton désuet et emprunté du film.

 

La Morsure : photo, Maxime Rohart, Léonie Dahan-LamortLes Vic et Matthieu dark

 

L’ado, les sens

Néanmoins, le film parvient à séduire, et pas seulement pour son ambiance qu’une Mylène Farmer en début de carrière n’aurait pas reniée dans ses clips. La raison est toute simple, et c’est celle du point de vue. Alors que les récits de coming of age et de premières expériences romantiques et sexuelles chez les adolescents sont souvent prétextes à la condescendance ou au voyeurisme dans le cinéma, occultant souvent les véritables chemins de pensées qui peuvent traverser l’esprit des personnes de cet âge, La Morsure prend l’élégant risque d’adopter un premier degré sans détour.

Oui, il peut sembler absurde que Françoise soit persuadée de bientôt mourir à cause d’un rêve. Oui, ses caprices et ses passions soudaines, volatiles, fantasmagoriques, irrationnels et autocentrés, frisent le ridicule. Mais les cinéastes oublient trop souvent la dimension fantastique d’un cerveau adolescent à fleur de peau, où tout est drame ou ravissement extrême. Le film écrit et réalisé par Romain de Saint-Blanquat assume totalement d’épouser ce ton, sans y pointer l’immaturité mais en y cherchant la poésie. Et, en réalité, rarement l’adolescence aura été si bien représentée au cinéma qu’à travers le récit, certes un peu gênant et maladroit comme l’est cet âge, des pulsions morbides de Françoise.

 

La Morsure : photo

Rédacteurs :
Résumé

En adoptant le regard décalé de sa protagoniste, Romain de Saint-Blanquat parvient à passer au-delà du ridicule qui menaçait son maniérisme et son approche trop sage du genre. Bien plus récit d'une crise d'adolescence que d'une prédation vampirique, La Morsure mise tout sur son charme suranné et sur la présence de Léonie Dahan-Lamort, ce qui n'est pas un mauvais calcul.

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Pierre_Oh

Je me suis tellement ennuyé devant ce film…

Mathilde T

J’espère qu’il ne sera pas confiné aux salles typa art et essai, il semble mériter tellement mieux !

Saavik

Un jean rollin bien filmé

Cidjay

Romain de Saint-Blanquat !!!
Quel beau nom de la haute !

Adam

@morcar : ironie ou t’as pas lu les critiques sur la filmo de Snyder ?