Critique : 11:14 / Onze heures quatorze

Laurent Pécha | 30 novembre 2007
Laurent Pécha | 30 novembre 2007

Racontant quarante minutes décisives dans la vie de cinq personnages (et autant d'acteurs impressionnants : Patrick Swayze, Rachael Leigh Cook, Hilary Swank, Henry Thomas…) dont les actes vont, à 23h14, se croiser et influer les uns sur les autres, 11:14 fait preuve d'une maturité et d'une maîtrise vertigineuses d'écriture et de mise en scène. La précision chirurgicale du scénario parvient à imbriquer ces différents récits en un seul, sans jamais perdre le spectateur en route. Mieux, Marcks évite le piège récurrent du film à twist, en épargnant à son public une ribambelle de rebondissements imprévisibles. À l'inverse, il fait participer de manière très ludique son audience, en la laissant reconstituer les pièces d'un puzzle dont tous les éléments sont disponibles à l'écran... à un moment précis.

Sec et rythmé (le film ne dure « que » une heure vingt, et profite d'un score stimulant de Clint– Requiem for a dream –Mansell), 11:14 n'a ainsi que la prétention de nous distraire avec une sophistication et une intelligence finalement modestes, ou du moins le paraît-il. Si, forcément, viennent à l'esprit des références telles que Go, Magnolia, Cours Lola cours, After hours ou Pulp fiction, le jeune cinéaste a la présence d'esprit de ne pas aborder frontalement ces modèles (plus ou moins) écrasants. Car, au final, ce ne sont pas tant les personnages et leurs dilemmes qui intéressent Marcks, mais bel et bien cet instant fatal où leurs actions se rejoignent et créent l'imprévisible, le chaos. En optant pour une telle optique, le réalisateur prenait le risque de ne signer qu'un brillant exercice de style sans âme (ce qui n'est déjà pas si mal). Mais c'était sans compter avec la maestria d'un scénario qui surpasse la rigueur d'écriture de la série estampillée « temps réel » qu'est 24. Diabolique récit en boucle qui n'en a pourtant pas l'air, 11:14 gère en effet le réalisme temporel de son intrigue de telle façon qu'il est rigoureusement impossible (du moins à la première vision) de prendre la structure narrative en défaut.

Seule légère (mais alors très légère) ombre à ce tableau d'excellence, l'apparent jugement moralisateur du cinéaste envers ses personnages. En effet, les actes répréhensibles sont systématiquement sanctionnés de façon plus ou moins définitive. Si l'on n'ira pas jusqu'à dire que Marcks a volontairement choisi de condamner les protagonistes selon un schéma puritain typiquement américain, le doute peut planer dans les esprits. Mais que cela ne vous empêche pas d'apprécier cet épatant premier film qui aura mis un sacré paquet de temps avant de débouler dans nos salles obscures après sa présentation au festival de Deauville 2003.

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