Le Parfum : Histoire d'un meurtrier - Critique

Patrick Antona | 29 septembre 2006
Patrick Antona | 29 septembre 2006

Adapter Le Parfum, roman culte, relevait d'une gageure qui semblait pour beaucoup hasardeuse, la difficulté essentielle étant de retranscrire sur l'écran les aventures quasi-olfactives d'un serial-killer, nommé Jean-Baptiste Grenouille, oeuvrant dans la France du 18° Siècle. Non seulement Tom Tykwer (Cours Lola cours) relève le gant avec panache mais son film ne trahit en rien l'essence du roman ni les émotions qu'il était censé véhiculer.

 

D'entrée, Le Parfum séduit par sa reconstitution historique, réaliste, qui permet au spectateur d'être plonger dans un Paris que l'on imagine bien près du réel. Même si le réalisateur en fait parfois un petit peu trop, surtout dans la représentation de la populace (un abus de palette numérique), le charme opère et à aucun moment on ne se sent face à un spectacle artificiel comme ce fut le cas avec Marie-Antoinette et son Versailles en « toc ». Quant au défi de faire ressentir l'importance des odeurs, Tom Tykwer le passe aussi avec succès, en jouant sur le jeu des couleurs et le montage (la scène de la naissance) ou de la pure mise en scène avec des mouvements de caméra astucieux voire spectaculaires (la poursuite à cheval).

 


C'est au niveau de l'incarnation du personnage principal que Tykwer prend le plus de risques par rapport au roman. Grenouille, tel que décrit par Patrice Süskind, est un être quasi-repoussant et presque animal. Le cinéaste allemand opte pour un traitement bien différent. L'acteur Ben Wishaw (Layer Cake) possède un faciès en lame de couteau et une allure presque angélique. Ce choix assez radical prendra d'ailleurs tout son sens dans la dernière partie du film et montre que Tom Tykwer a vu juste, dépassant ainsi d'une certaine manière le roman original. Coup double également pour le réalisateur puisque Wishaw livre une performance remarquable. Par son regard pénétrant ou ses gestes convulsifs lorsqu'il « ressent » une odeur, le comédien nous permet de comprendre les motivations pourtant dramatiques et criminelles du personnage. Car l'obsession première de Grenouille qui est de créer le parfum ultime s'accompagne de l'assassinat de jeunes filles dont il garde l'essence corporelle, conservée dans un linge qu'il va ensuite distiller, tels des pétales de fleur.

 


Toute l'ambiguïté des actes coupables de Grenouille est d'ailleurs superbement traitée par Tykwer, les corps des victimes arborant un visage reposé à leur découverte, comme si elles s'étaient livrées à un acte d'amour. Il était alors important que le casting féminin soit au diapason. Dans le festival de beautés offert à nos rétines, on retient avant tout la somptueuse chevelure rousse de Rachel Hurd Wood (Laura), incarnation idéale de l'innocence et de la jeune fille curieuse du monde et cible de l'obsession primale de Grenouille.

 

Résumé

Malgré quelques libertés d'adaptation relativement maîtrisées (la scène de la caverne trop vite évacuée mais dont les éléments capitaux sont distillés au détour d'autres rebondissements), un final quelque peu décevant (pour cause d'avant dernière séquence dantesque), Le Parfum de Tom Tykwer conserve son statut de conte moral tout en étant un superbe spectacle visuel et sensitif. Une œoeuvre passionnante et foisonnante qui possède du sens et fait réfléchir sur la condition humaine.

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