Critique : La Vie des autres

Vanessa Aubert | 29 janvier 2007
Vanessa Aubert | 29 janvier 2007

Maigre est la production de films allemands qui traverse le Rhin et reste assez longtemps sur les écrans pour laisser le temps aux spectateurs français de s'y intéresser. Peu nombreux sont également les réalisateurs qui à l'instar de Tom Tykwer réussissent à étonner (Cours, Lola cours) puis à confirmer notre étonnement (Le Parfum). Florian Henckel von Donnersmarck risque bien de faire partie de ceux-ci car son premier film La vie des autres est d'une maîtrise rare.

Alors qu'il pouvait surfer sur la vague de la comédie-portrait d'une génération trentenaire, le jeune réalisateur se tourne au contraire vers le passé de son pays et son image peu glorieuse. Outre les multiples documents, témoignages et livres dans lesquels il s'est plongé, il a poussé la crédibilité jusqu'à tourner dans le QG de la STASI (Service de renseignements et d'espionnage de la RDA), aucun film n'y ayant jamais été autorisé jusqu'alors. Ses souvenirs et ceux des membres de son équipe sont même venus renforcer les déclarations d'autres témoins de cette époque. L'implication de Florian Henckel von Donnersmarck se ressent d'ailleurs dans ses images. Rien n'est laissé au hasard. Un générique paraissait superflu, il l'élimine et plonge ses spectateurs dans un angoissant couloir direction interrogatoire. Il colle au caractère épuré de l'Allemagne de l'époque et donne, du coup, davantage de force à son histoire.

Ancré dans un contexte historique fort, le scénario également signé par Henckel von Donnersmarck, réussit à mêler divers genres sans pour autant risquer de n'en avoir aucun. L'histoire d'amour des deux artistes est traitée avec pudeur et sans mélo. La découverte de la vie et de l'art à travers les écouteurs de l'agent Wiesler se révèle subrepticement loin de toute dramaturgie exacerbée. Même le suspense arrive sans roulement de tambour et apparaît naturellement. Seule la musique de Gabriel Yared accompagne les évènements sans les dénaturer. Les choix de Henckel von Donnersmarck semblent toujours justes jusque dans la distribution. La prestation d'Ulrich Mühe, pourtant délicate car peu parlante, est à couper le souffle. Son ancien compagnon dans Amen de Costa-Gavras, Sebastien Koch, Martina Gedeck, Ulrich Tukur en lieutenant colonel ont également un jeu précis sans doute aidé par des personnages eux aussi très bien définis.

Justesse, précision, maîtrise, des mots peu habituels pour caractériser un premier film. En harcelant Yared après un mémoire de cinéma sur Le talentueux M. Ripley, en travaillant 4 ans sur le sujet de son premier film, en poussant les portes de l'ancienne STASI, Florian Henckel von Donnersmarck a démontré sa détermination pour faire émerger un film fort déjà multirécompensé. Nominé aux Oscars, La vie des autres (The lives of others ou Das Leben den anderen) risque bien de faire ombrage à nos Indigènes français également en lice pour le meilleur film étranger. Vérification le 25 février et en attendant de retenir le nom de ce réalisateur, souvenez-vous de la date de sortie et du titre de son film : le 31 janvier, La Vie des autres.

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