Critique : La Griffe du passé / Pendez-moi haut et court

Laurent Pécha | 9 septembre 2004
Laurent Pécha | 9 septembre 2004

Au cours de son immense carrière, Robert Mitchum a croisé des femmes fatales. Mais rarement de la trempe de Kathie Moffat (magnifiquement campée par Jane Greer).

Celle qui fait courir tout le monde dans La Griffe du passé (ou Pendez-moi haut et court, selon les aléas des sorties ciné ou diffusions TV), représente ce qui se fait de mieux dans le genre. Belle, forcément (sa première apparition suffit à convaincre Mitchum mais aussi le spectateur qu'elle doit être suivie où qu'elle aille), mais aussi ingénue manipulatrice qui, l'air de rien, décide du sort et des mouvements de chaque homme qui pose le regard sur elle. Dire que La Griffe du passé est un des fleurons du film noir devient alors superfétatoire. Surtout que derrière la caméra, on retrouve Jacques Tourneur. Le maître du fantastique des années quarante (La Féline) délaisse ici le genre qui a fait sa gloire. Non sans en garder certaines techniques spécifiques, comme l'attestent les scènes de forêt où la magie du clair obscur cher au réalisateur fait merveille.

Tourneur, bien aidé par un scénario multipliant les rebondissements, signe donc un modèle du genre. Les règles d'or y sont appliquées à la lettre : tous les protagonistes se méfient les uns des autres, guettant la moindre occasion de tirer profit de la crédulité de l'autre. Le héros, campé avec une décontraction absolue par Robert Mitchum et son inamovible imperméable, est à moitié conscient, voire totalement conscient (dans la deuxième partie) de la manipulation dont il est victime. Mais les beaux yeux de Jane Greer sont bien trop irrésistibles. Son pendant maléfique, interprété brillamment par un Kirk Douglas alors débutant (il s'agit de son deuxième film), est dans le même état de dépendance face à cette incarnation absolue de la beauté.

Ce qui fascine dans le genre du film noir, et à plus forte raison ici, c'est ce sentiment immédiatement palpable que l'issue ne peut être que fatale pour les protagonistes. Cette tragédie inéluctable donne le supplément d'âme à ces films, les rendant ainsi mythiques. Si vous ne devez voir qu'un seul film noir dans votre vie, ce doit être La Griffe du passé. Mais attention, quand on goûte au genre avec un tel film, il est bien difficile de faire machine arrière. À l'instar du héros campé par Mitchum, on se laisse définitivement prendre au jeu. Mais ici, c'est seulement pour notre plus grand plaisir.

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