Critique : Chacun son cinéma

Thomas Messias | 31 octobre 2007
Thomas Messias | 31 octobre 2007

Ça n'est pas très rentable et ça n'intéresse pas grand monde ; pourtant, parce que ça donne l'air prestigieux, certains producteurs désoeuvrés continuent à financer des projets comme ce Chacun son cinéma, assemblage bancal de 33 courts-métrages autour de la salle de cinéma. Commandé par Gilles Jacob pour être projeté lors du festival de Cannes, le film ne brille pas par son goût du risque, la moyenne d'âge des metteurs en scène engagés dans le projet étant particulièrement élevée, aucun jeune réalisateur n'ayant été convié. Et s'il est toujours délicat de dégager une impression d'ensemble d'un tel film, il convient tout de même d'affirmer que Chacun son cinéma sent la paresse et la naphtaline, beaucoup de cinéastes se contentant d'un hommage poli et circonspect au lieu qui leur a pourtant permis de trouver leur vocation.



Aucun réalisateur ou presque n'a modifié son style d'un iota, partant du principe qu'un tel projet ne mérite pas qu'on lui consacre un effort surhumain. Signalons tout de même les tentatives osées de Jane Campion (qui se plante malheureusement en se prenant pour David Lynch) et David Cronenberg (qui livre le segment le plus décalé et inconfortable, conformément à son habitude). Quant aux autres, ils se content de faire ce qu'ils ont toujours fait, avec cependant des fortunes diverses. Quatre cinéastes ont choisi de se mettre en scène, pour autant de réussites. D'abord Nanni Moretti, qui nous offre quelques tranches de vie dans la plus pure tradition de ses journaux filmés ; ensuite Lars Von Trier, qui met en oeuvre le fantasme de la majorité des cinéphiles dans le morceau le plus drôle du film ; Cronenberg, donc, qui met en scène son suicide avec une délectation sans pareil ; et Elia Suleiman, qui transporte sa gueule de Droopy sous les lumières des projecteurs, renouant avec l'humour à froid d'Intervention divine.



Quelques coups de coeur pour terminer : les malheurs d'une ouvreuse face à un couple de baiseurs en salle par Andrei Konchalovsky, le drôle de ressenti d'une aveugle (la décidément parfaite Luisa Williams) par Alejandro Gonzalez Inarritu, et enfin (et surtout) le cinéma-sur-vélo de Chen Kaige, qui offre en deux minutes plus d'émotion que dix Cinema paradiso. La beauté de ces quelques moments-là fait oublier les longueurs et les ratages de Chacun son cinéma, le genre de film qu'il vaut mieux voir en DVD pour bénéficier du chapitrage.

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