Critique : Rien que pour vos cheveux
A ceux dont le dernier souvenir en date du Mossad au cinéma était le méticuleux Munich
de Spielberg, passez votre chemin. Pour les autres, curieux et autres
déviants prêts a tout nouveau type d'expérience, le dernier Adam
Sandler pourrait vous surprendre. Cependant loin de ces dernières
performances dont Punch-Drunk Love est le point
culminant, il nous offre ici un rôle à la démesure du Saturday Night
Live l'ayant vu naitre. Et pour cause, que peut-on possiblement espérer
d'un film dont le personnage principal, agent star de l'anti-terrorisme
israélien, feint sa propre mort pour fuir à New York entreprendre une
carrière de coiffeur-styliste ? Réponse : Tout, absolument tout.
Et dans le registre de la comédie, Sandler fait très fort en
s'adjoignant au scénario les services de Judd Apatow, nouveau grand
manitou du domaine, avec lequel il coordonne une galerie
de personnages tenant lieu de communauté israélo-palestinienne exilée en
plein New York, représentant les laissers pour compte du rêve
américain. Une situation propice aux piques plus ou moins finaudes,
étalant du stéréotype discutable par couches entières (pour un conflit
dont on peut pourtant difficilement rire), cependant désamorcée dans
une scène
où une fois rassemblés, les protagonistes se trouvent une unité en
constatant avec un certain humour qu'ils
sont tous plus ou moins considérés comme des terroristes au pays de
l'Oncle
Sam.
L'autre bonne surprise du film, c'est John Turturro, éternel second
rôle qui incarne ici le Phantom, némésis absolu du personnage, dont le
plus grand fait d'arme aura été de créer une chaine de kebab dont il
est la star. Un Turturro qui cabotine comme pas permis, en ersatz de
dictateur à l'accent à couper au couteau, parfaitement à l'aise aux
cotés d'Adam Sandler dans une production régressive à laquelle on ne
pourra vraiment reprocher qu'un humour frivole en-dessous de la
ceinture très prégnant, mais carrément réjouissant en ces temps de
disette (si on se laisse aller).
Trimballant un air ubuesque de bout en bout, Adam Sandler parvient
magnifiquement à nous faire croire à son rôle de héros lassé des
guerres et cherchant un réconfort autre dans la satisfaction de ses
dames. Mais là où l'on finit par vraiment parler de plaisir, c'est
dans la démonstration des talents du sieur, aussi habile des ciseaux
que du tennis avec grenade, au style de combat dégénéré
particulièrement efficace. Et attendez de constater avec quelle aisance
le film bascule dans le kitch, rappelant ces vieilles bandes turques
des années 70 parodiant les succès du moment, bande-son à l'appui, pour
oser parler de plaisir coupable...
Avec un sens de la comédie sans temps morts, des
seconds rôles déchainés (Turturro en tête, mais aussi Rob Schneider et
Kevin Nealon de Weeds) et toujours une blague à base d'humus sous la main, You don't mess with the Zohan
est au final une excellente pantalonnade pour les esprits déviants sommeillant en chacun de nous. Mike Myers a presque du souci à se
faire.
Lecteurs
(5.0)10/06/2023 à 01:18
Un chef d'oeuvre