Critique : Precious

Stéphane Argentin | 17 mai 2009
Stéphane Argentin | 17 mai 2009
Spécialiste des sujets brulants pour avoir produit À l'ombre de la haine (2001) et The Woodsman (2004) qui traitaient du racisme et de la peine de mort pour le premier, de la pédophilie et de la réinsertion sociale pour le second, Lee Daniels prend cette fois-ci lui-même la caméra en main pour réaliser un Precious encore plus ambitieux de par les thématiques brassées. Inceste, violence domestique, sida, pauvreté, échec scolaire... rares sont en effet les sujets (sensibles) qui ne soient pas abordés.

Et pourtant, au milieu de cette débâcle quasi totale que beaucoup vivent au quotidien, certains gardent espoir et font tout pour s'en sortir. C'est le cas de Precious, personnage imaginé en 1996 par une dénommée Sapphire dans un roman intitulé Push. Adolescente afro-américaine de 16 ans avec un fort embonpoint, mère d'un premier enfant mongolien et enceinte d'un deuxième, tous deux d'un père incestueux qui battait sa femme et a depuis quitté le doux nid familial, Precious frise l'illettrisme, vit dans un taudis de Harlem et sert de souffre-douleur, de larbin et à l'occasion de punching-ball à sa mère, chômeuse cocaïnomane qui se contente d'empocher les allocs.

Loin de se complaire dans le misérabilisme, Precious saisit au bond l'opportunité offerte à son personnage titre de s'extirper de cette spirale infernale par l'entremise d'une classe de soutien / rattrapage pour dresser un portrait sans concession d'une jeunesse en perdition. Au milieu de tant de noirceur et aux détours de nombreuses séquences fortes parfois à la limite de l'insoutenable, le film sait ménager plusieurs bouffées d'oxygène, tantôt comiques tantôt oniriques (les rêves / fantasmes dans lesquels se réfugient Precious), s'éloignant en cela de l'âpreté social sans concession du cinéma des frères Dardenne qu'un tel parcours ne manquera pas d'évoquer.

Porté par une comédienne d'une incroyable justesse émotive et combative, Precious vise juste d'un bout à l'autre et ce en dépit de scènes lacrymales un peu trop appuyées auxquelles il sera toutefois bien difficile de résister (cf. la discussion finale entre la mère, la fille et l'assistante sociale). Pour preuve, le film a déjà conquis le cœur des festivaliers de Sundance, maître étalon en matière de cinéma US dit « indépendant », d'où il est reparti auréolé de trois prix (Meilleur film, Meilleure actrice et Prix du public). Des récompenses amplement méritées au regard de la préciosité cinématographique et sociale de ce Precious.

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