Critique : Giallo

Thomas Messias | 1 septembre 2009
Thomas Messias | 1 septembre 2009

Il n’y a plus guère de doute possible : Dario Argento a perdu toute sa fierté. Il ne fallait déjà pas en avoir beaucoup pour nommer son dernier navet en date en référence à un genre qu’il a contribué à populariser dans les années 70. La justification du titre Giallo vaut à elle seule son pesant de cacahuètes : giallo est le mot italien pour jaune, qui en anglais se dit Yellow, qui est le sobriquet du tueur en série du film, nommé ainsi car il a la jaunisse, celle-ci étant à l’origine de son envie de tuer de belles femmes. Giallo met en parallèle le calvaire d’un mannequin séquestré par Yellow et la course-poursuite menée par sa sœur obstinée et un inspecteur blessé par la vie. Course-poursuite est un bien grand mot : bien que les heures de la pauvre donzelle soient comptées, personne n’a l’air réellement pressé de la retrouver. Emmanuelle et Adrien préfèrent visiblement aller boire des Campari pour échanger des banalités à propos de leur passé, ou aller s’aventurer au fin fond d’un marché de poissons lorsqu’ils ont besoin de se faire traduire trois mots de japonais. C’est tellement plus classe.

Même en décrivant une à une les innombrables aberrations contenues dans ce qu’il est difficile de nommer scénario (pas d’enchaînement dramatique, aucun rebondissement, et une étrange absence de fin), il est impossible de décrire l’ampleur du massacre. Giallo surpasse aisément en nullité tous les nanars précédemment réalisés par Argento, faisant de la réplique foireuse un sacerdoce et du plan improbable un leitmotiv. Si Elsa Pataky est à peu près potable en scream queen (elle n’a pas grand-chose d’autre à faire que crier), le duo Brody – Seigner semble se livrer à un concours de surenchère dans le non-jeu. Difficile de garder son sérieux devant ce festival permanent de répliques gratinées, énoncées par l’un ou l’autre en regardant l’horizon pour se donner l’air triste. On croyait que ça n’existait que dans les parodies – et encore, les parodies peu inspirées – mais Dario est heureusement là pour remettre ce style délicieux au goût du jour.

La poilade est totale mais le mystère demeure : et si, par perversité ou par dépit, Argento avait délibérément conçu son film comme un massacre absolu, un puits de néant et de bêtise engendré pour faire perdre deux heures de leur vie à des spectateurs désireux de rire un bon coup ? Très sincèrement, on doute qu’il puisse en être autrement, tant la présence conjointe de Brody (acteur sérieux) et Seigner (actrice discutable mais souvent bien conseillée par son époux) semble indiquer qu’il n’y avait pas que de gros bœufs sans cervelle sur le plateau. Il est toujours douloureux de voir des artistes qu’on aime bien, ou qu’on a beaucoup aimés à l’époque, se fourvoyer et atteindre d’irréversibles et indépassables sommets de ridicule. Il serait donc temps qu’Argento prenne sa retraite, ou qu’il avoue enfin que ses dernières œuvres, en particulier celle-ci, n’étaient que du foutage de gueule volontaire.

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