Moonrise Kingdom : critique dans la lune
« C'est le temps de l'amour, le temps des copains et de l'aventure » chante Françoise Hardy tandis que deux pré-adolescents échangent un premier baiser sur la plage. Présenté en ouverture du 65e Festival de Cannes, Moonrise Kingdom marque le retour de Wes Anderson à un cinéma de fiction, deux ans après l'animé Fantastic Mr. Fox.
Il y suit la fugue de deux petits adultes échappés de Rushmore, Sam et Suzy, sur une île de la Nouvelle Angleterre. Lui a quitté son camp de scout, elle sa maison familiale. Et de lancer alors à leur poursuite les adultes, parents, policiers et autres chefs scouts. Le temps de quelques jours, le cinéaste filme alors avec beaucoup de tendresse la naissance d'un premier amour, pas encore adolescent ni sexué. Entre eux, l'attirance est là certes mais elle est surtout la marque d'une grande solitude, d'un besoin pressant de reconnaissance. Âgés seulement de douze ans, Sam et Suzy souffrent ainsi d'un mal typiquement andersonien, une mélancolie précoce tels les rejetons de la Famille Tenenbaum. Il est grand temps de fuir une existence qui ne leur convient déjà plus.
Pour son nouveau film, Wes Anderson en appelle aussi bien au conte initiatique qu'à la littérature jeunesse. Comme si tout d'un coup, Holden Caulfield, l'adolescent fugueur de J.D. Salinger dans l'Attrape-coeurs rencontrait la Wendy de James M. Barry et se réfugiaient tous deux sur l'île des enfants perdus. A l'exception que chez le cinéaste, au pays imaginaire, ce sont les adultes les enfants et les enfants les adultes. Pourquoi, sous prétexte que l'on a douze ans, ne pourrait-on pas vivre des histoires comme les grands ? Moonrise Kingdom rejoue ainsi la fuite des amants maudits à hauteur d'enfants dans un film d'aventure sous xanax. A la manière de Sa majesté des mouches ou Max et les Maximonstres, il y filme dès lors la violence du monde de l'enfance où les bâtons ne seraient pas uniquement de bois mais entourés de clous. Faisant brutalement surgir le rouge écarlate du sang au sein d'un film à la tonalité jaune.
Si on pleure devant Moonrise Kingdom face à la clairvoyance de ces petits êtres, on rit aussi par cette façon singulière qu'a Wes Anderson de désamorcer une situation par l'utilisation du gag en hors champ, donnant un recul nécessaire à l'intrigue et un sentiment de douce absurdité. Car, au fond, si tout cela n'était juste que le calme avant la tempête, la vraie, celle qui menace les côtes de l'île ? A la manière de Shutter Island, le film distille ainsi peu à peu une étrange atmosphère de fin du monde où les manifestations météorologiques seraient le reflet des humeurs des personnages. Et d'installer une tension toujours plus palpable jusque dans son bouleversant climax.
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(3.5)