La Marche : Critique

Christophe Foltzer | 25 novembre 2013
Christophe Foltzer | 25 novembre 2013

La Marche est un film franco-belge pensé à l'américaine : Un contexte chargé (la France de 1983), un mouvement qui crée la surprise (la marche contre le racisme et pour la tolérance), des outsiders qui doivent dépasser leurs propres différences, un adversaire clairement identifié (le gros paysan raciste et moustachu), une histoire de rédemption, des bons sentiments à la pelle, des violons, et le triomphe final attendu. Rien de répréhensible en soi, mais une simplification des enjeux et une émotion quelque peu forcée qui handicapent le film plus qu'ils ne le servent (genre le personnage de Malik Zidi, agent des RG touché par le mouvement). Tout est un peu trop facile, il n'y a jamais de réel conflit dans le groupe (ce qui aurait pourtant dû se produire, d'un strict point de vue dramatique), on se vautre quand même pas mal dans le consensuel et la tolérance d'hypermarché, et le métrage a cela d'énervant qu'il nous assène son propos comme un cours d'éducation civique renforcé pendant quasiment 2 heures. Alors oui, on a compris que le racisme c'est mal, qu'un homme qui n'aime pas les étrangers est un homme qui se trompe de colère et que les fils d'immigrés sont des français comme les autres. On est d'accord avec tout ça, mais le film nous promettait une grande aventure humaine à 5km/h et du coup, on se sent un peu floué. D'autant que les quelques personnages inventés pour l'occasion (le guitariste un peu voyou en tête) n'apportent pas la profondeur bienvenue et ne se dépareillent jamais du cliché qu'ils représentent. Et cela, sans mentionner la confusion évidente entre la fiction et le réel, quelque peu gênante pour un sujet de cette importance.

 

 

Pourtant, allez savoir pourquoi, le film fonctionne. On accepte de se faire sermonner pendant 2 heures, on accepte les dialogues limites et la démonstration naïve. Pire, on est prêt à en redemander encore un peu. Et cela on le doit au talent du réalisateur Nabil Ben Yadir, dont on a bien du mal à croire qu'il ne s'agit là que de son second film, tant sa maîtrise technique est évidente. Son film est solide, sa mise en scène globalement inspirée (bien qu'un peu trop télévisuelle à certains moments) et formellement il n'y a pas grand-chose à redire. Du très bon boulot comme on aimerait en voir plus souvent et qui transpire l'amour du cinéma. A l'honneur aussi, les comédiens, tous très bien choisis, tous bien dirigés à quelques exceptions près. Ils sont tous convaincants et attachants et on sent vraiment qu'ils incarnent leurs personnages. Même Jamel, c'est pour dire. Et pour une fois, les dialogues typés « banlieue » sonnent vrais, justes et sont dits avec naturel et, mine de rien, ça fait un bien fou. Tout en renforçant encore plus l'immersion du spectateur puisque ce dernier a la possibilité d'intégrer la Marche tout en douceur, sans avoir l'impression de voir des comédiens jouant des jeunes de banlieue et créant ainsi une distance le coupant de toute identification. Les dialogues, à ce titre, s'ils n'évitent pas les phrases choc pompeuses et ridicules, étonnent par leur authenticité et leur fluidité.  

 

 

Contre toute attente, La Marche est un film à conseiller. Pour sa valeur historique évidente et par le simple fait que grâce à lui, les vrais marcheurs ont été décorés récemment et l'évènement remis sous les projecteurs. Pour sa facture formelle également, ample, globalement solide et pleine d'ambitions que l'on ne voit que trop rarement dans le cinéma français actuel (il se passe définitivement quelque chose avec la jeune génération de réalisateurs). Pétri de bonnes intentions, gavé de bonne humeur malgré un côté donneur de leçon un peu lourd et simpliste, La Marche se révèle bien plus que ce qu'on en attendait et la cartouche qu'il se permet de mettre à SOS Racisme sur la fin n'est pas la moindre de ses qualités.

 

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