Le Jour où la Terre s'arrêta : retour sur un petit classique indémodable de la science-fiction

Geoffrey Crété | 3 janvier 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 3 janvier 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le Jour où la Terre s'arrêta de Robert Wise de 1952 ressort en salles, dans une version restaurée.

C'est l'une des images les plus emblématiques de la science-fiction : l'extraterrestre Klatuu et le robot Gort du Jour où la Terre s'arrêta de Robert Wise, classique de 1951 (sortie en 1952 en France) qui a marqué le genre et les esprits, et notamment donné lieu à un remake hautement dispensable avec Keanu Reeves en 2008.

Pour la ressortie cette semaine en version restaurée de l'adaptation de la nouvelle Farewell to the Master de Harry Bates, petit retour sur un film culte à (re)voir.

 

 

LE JOUR OÙ LA TERRE SE RÉVEILLA

Lorsqu'un vaisseau spatial se pose à Washington en juillet 1951, la Terre s'arrête de tourner une première fois. L'armée est déployée pour affronter cette éventuelle menace venue d'ailleurs, même lorsqu'un être à forme humaine, Klaatu, se présente et déclare venir en paix. Le tir accidentel d'un soldat nerveux déclenche l'arrivée de Gort, un robot qui neutralise armes et tank grâce à un rayon laser.

La Terre s'arrête de tourner de manière plus littérale quand Klaatu décide de couper l'électricité de toute la planète, afin de prouver son identité et ses pouvoirs. L'alien est venu visiter l'Homme pour une seule raison : le mettre en garde. Face à leur armement nucléaire et autres technologies, plusieurs peuples extraterrestres s'inquiètent et tenaient à avertir la Terre que la paix n'était plus un choix, mais une obligation. En cas d'irresponsabilité et de risque pour d'autres civilisations, l'humanité sera anéantie.

 

Photo Hugh Marlowe

 Klaatu (Michael Rennie) et Gort

 

L'ÉNIÈME TENTATION DU CHRIST

Bien au-delà de ses effets désormais très vieillots, Le Jour où la Terre s'arrêta a traversé les époques grâce à ses différents niveaux de lecture. Comme de nombreux autres classiques de la science-fiction, il est né du trouble provoqué par la Guerre froide, période floue et paranoïaque où le spectre d'une attaque nucléaire plane sur les consciences, et où l'Autre, celui qui vient d'ailleurs malgré une apparence normale, est susceptible d'être une terrible menace.

C'est d'ailleurs là l'impulsion première du producteur Julian Blaunstein, qui a cherché parmi quelques centaines de nouvelles de science-fiction le matériau susceptible d'offrir la bonne histoire. Ironie du sort : la chasse aux sorcières qui a notamment touché Hollywood, pour traquer les personnes soupçonnées de communisme, a failli coûter sa place à Sam Jaffe, interprète du professeur Barnhardt dans le film. Le célèbre Darryl F. Zanuck le gardera, mais l'acteur traversera malgré ça une période difficile dans les années 50.

L'autre lecture inévitable est religieuse. Un prophète venu vendre la paix et l'amour, qui prend le nom de John Carpenter (JC donc, en plus de "carpenter" qui signifie charpentier), tué et ressuscité : difficile de ne pas y voir un parallèle. Ce que le scénariste Edmund North a confirmé, expliquant qu'il avait voulu glisser des éléments en pensant qu'ils seraient suffisamment discrets pour ne pas attirer l'attention. Le comité de censure de l'époque à néanmoins souhaité atténuer la chose, et obligé Robert Wise et Edmund North à ajouter une ligne de dialogue lors de la résurrection de Klaatu, pour préciser qu'elle était temporaire et exceptionnelle.

 

Photo Michael Rennie

 

"KLAATU BARADA NIKTO"

Le Jour où la Terre s'arrêta a rencontré un certain succès à sa sortie. Avec un budget d'à peine un million de dollars (moins de dix millions avec l'inflation en 2017), il a attiré plus d'un million de spectateurs en France, et engrangé près de 4 millions dans le monde.

Mais le film de Robert Wise avec Michael Rennie et Patricia Neal a surtout marqué des générations entières de cinéphiles et cinéastes. Joe Dante notamment clame son immense admiration pour ce classique : "Peu de films de science-fiction des années 1950 sont aussi érudits, intelligents et soignés. Ce film est unique." Le grand écrivain Arthur C. Clarke le classait comme le septième plus grand film de science-fiction, juste avant 2001 : L'Odyssée de l'espace. Klaatu et Gort résonnent depuis des décennies dans la science-fiction et les films de genre : Star Wars, Battlestar Galactica, X-Men, TronEvil Dead 3 - L'Armée des ténèbres et quantité de jeux vidéo ont placé des hommages plus ou moins évidents au film, et notamment au fameux "Klaatu Barada Nikto" final.

 

Photo Patricia Neal, Michael Rennie

 

Malgré une tonalité et un discours qui peuvent a priori sembler plats, le film est plus complexe, et pose de lourdes questions sur les limites de la liberté et de la peur comme instrument de la paix. La question de l'équilibre de la terreur est centrale, et reste tristement d'actualité plus d'un demi-siècle plus tard. 

La musique inoubliable de Bernard Herrmann et la lumière chiadée de Leo Tover permettent eux aussi au film de traverser les époques, et de conserver une force certaine. Foncez donc, pour les plus chanceux Parisiens : Le Jour où la Terre s'arrêta ressort dans une version restaurée ce 3 janvier.

 

Affiche ressortie 2018

Tout savoir sur Le Jour où la Terre s'arrêta

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commentaires
Alyon
05/01/2018 à 13:52

Fabuleux souvenir, bravo pour ces coups d'œil dans le rétroviseur !! Cela me fait penser à "La chose d'un autre monde" qui m'a traumatisé gamin.
Well done comme souvent!

jacktyhenipper
05/01/2018 à 12:20

klaatu verata Nhhumm !! je l'ai dit hein!! dixit ASH in the army of darkness
Merci pour cet article ,un monument de la SF avec planète interdite ou les survivants de l'infini
Tous ses films qui ont marqués mon enfance.

Geoffrey Crété - Rédaction
04/01/2018 à 15:30

@Krokmitten

Merci à vous de l'avoir lu et commenté ;)

Krokmitten
04/01/2018 à 15:28

Merci de m'avoir offert ce très bon article Geoffrey. Que de souvenir! Ce film a marqué mon enfance...

Geoffrey Crété - Rédaction
03/01/2018 à 21:37

@Ded

Et de deux merci alors !

On le fait régulièrement pour revenir sur des classiques, notamment lorsqu'ils ressortent en salles (Carrie, Rencontres du troisième type, Videodrome) ou selon l'actu (Mondwest), mais on note qu'on a au moins deux personnes très emballées ;)

Ded
03/01/2018 à 19:01

Déjà habitué inconditionnel de Dvdclassik, je ne peux que vous encourager dans cette voie.
Et de deux !...

Geoffrey Crété - Rédaction
03/01/2018 à 15:26

@Hasgarn

Merci ! On aimerait qu'il y ait plus de lecteurs pour soutenir ça... mais votre message va droit au coeur de la rédac !

Hasgarn
03/01/2018 à 15:23

Je soutiens votre démarche de faire un retour sur des films aujourd'hui considérés comme des classiques et avec raisons.

Un très bon article !