Indiana Jones 4 mérite-t-il toute cette haine ? (Spoilers : non)

Geoffrey Crété | 30 juin 2023
Geoffrey Crété | 30 juin 2023

Tout le monde déteste Indiana Jones 4... ou pas. Parce que ce Royaume du crâne de cristal ne mérite peut-être pas tant de haine que ça.

Notre critique d'Indiana Jones 5, la fin parfaite (?) pour la saga

Tout le monde aime Les Aventuriers de l'arche perdue et La dernière croisade. Tout le monde devrait réévaluer Indiana Jones et le Temple maudit, même si Spielberg lui-même rejette le film. Et si Indiana Jones et le Cadran de la Destinée va forcément diviser le public, Indiana Jones 4 restera très certainement comme l'épisode le plus détesté et critiqué.

Le fils d'Indiana Jones, Shia LaBeouf, les singes et les lianes, les aliens êtres interdimensionnels... Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal a eu son lot de critiques, et Steven Spielberg, George Lucas et Harrison Ford ont plus ou moins admis qu'ils comprenaient les attaques.

Mais le film mérite t-il tant de haine ? Pour nous, non. Même s'il a clairement des défauts.

 

 

 

L'ARC PERDU

Les Aventuriers de l'Arche Perdue en 1981, Indiana Jones et le Temple Maudit en 1984, Indiana Jones et la dernière croisade en 1989. L'aventurier incarné par Harrison Ford appartient à une autre époque, révolue pour certains, et loin de correspondre au paysage hollywoodien de 2008, année où est sorti Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal.

Le retour du héros imaginé par George Lucas au début des années 70, puis développé quelques années plus tard avec Steven Spielberg qui rêvait alors de réaliser un James Bond, était pourtant discuté dès les années 90. Avec une intention claire qui a survécu aux années et différentes versions du scénario : rendre hommage aux vieux films de science-fiction.

 

Photo Harrison FordRefaire un film sans que tout s'écroule

 

Il n'y a qu'à lire une des versions du scénario de Jeb Stuart datée de 1995, intitulée Indiana Jones and the Saucer Men from Mars (Indiana Jones et les petits hommes verts de Mars), pour voir combien l'ADN du projet a peu évolué : abandonné par sa future épouse devant l'autel, l'aventurier devait la poursuivre alors qu'elle partait à la demande du gouvernement sur la piste de mystérieux cylindres aliens au Nouveau Mexique.

Indiana Jones y affrontait des russes, des fourmis légionnaires (une idée abandonnée de La Dernière Croisade selon Lucas) et des aliens aux pouvoirs psychiques ; survivait à une explosion nucléaire dans un frigo ; et se battait sur une rampe d'essai de missile. Soit un résumé grossier d'Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal.

George Lucas a alors engagé Jeffrey Boam, scénariste d'Indiana Jones et la dernière croisade, et les versions se sont enchaînées sous le regard circonspect de Spielberg et Harrison Ford, peu emballés par la perspective d'un épisode avec des aliens. La sortie d'Independence Day en 1996 a donné une raison officielle d'abandonner l'idée.

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photo, Harrison FordHarrison n'y croit pas fort

 

LA NOUVELLE CROISADE

2000. Steven Spielberg repense à Indiana Jones lorsque son fils lui demande quand arrivera un nouvel épisode. Il évoque l'idée avec Harrison Ford, George Lucas, Kathleen Kennedy et Frank Marshall et très vite, la bande retrouve l'enthousiasme. La quête d'un scénariste sera compliquée, avec notamment un essai avec M. Night Shyamalan qui ne donnera rien.

Alors présenté comme le nouveau Spielberg suite au succès de Sixième sens, Shyamalan expliquera en interview à SciFi.com en 2002 : "On m'a demandé, mais ça n'a pas marché... avec tout le monde. C'était quelque chose de très, très compliqué de nous réunir tous les quatre, avec George Lucas, Steven Spielberg et Harrison Ford, et nous mettre d'acord. Je ne pense pas que c'était la chose à faire pour moi."

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photoAussi moche que l'alien de Signes

 

La situation semble s'arranger avec Frank Darabont en 2002. Le réalisateur et scénariste de La Ligne verte et Les Evadés écrit Indiana Jones and the City of Gods, qui reprend de nombreux éléments des versions des années 90 (des aliens, des fourmis, des agents soviétiques, le frigo), mais avec de nouveaux éléments : le retour de Marion (Karen Allen), les fameux crânes de cristal (qui devaient servir pour un épisode jamais fait de la série Les Aventures du jeune Indiana Jones) ou encore le professeur Oxley.

Lors du climax, un alien proposait aux élus d'exaucer leurs souhaits : celui qui voulait restaurer la grandeur du nazisme voyait son cœur arraché par un faux Hitler, celui qui voulait être craint de tous était transformé en grenouille empoisonnée, et le cerveau de celui qui voulait tout savoir fondait (idée finalement reprise dans le film).

Indy, lui, était sauvé par Marion, et réalisait que seul son amour comptait : il détruisait le crâne, provoquant le décollage du vaisseau enfoui et épousait finalement Marion.

 

Photo Karen Allen, Harrison FordLe couple superstar de la saga

 

Spielberg aime, semble prêt à se lancer, mais George Lucas n'est pas de son avis, et les deux hommes ont pour principe de ne pas avancer s'il y a désaccord. Darabont en gardera un souvenir amer, et dira à MTV en 2007 que l'expérience a été douloureuse, et que Lucas est fou, en gros.

Spielberg propose d'engager David Koepp, scénariste de Jurassic Park et La Guerre des mondes. C'est là que l'antagoniste devient une femme, que les Nazis sont remplacés par des russes, et que le personnage de Mutt Williams arrive. Darabont avait proposé que Marion et Indy aient une fille de 13 ans, mais l'idée avait été écartée. Indiana Jones and the City of Gods devient alors Indiana Jones and the Kingdom of Crystal Skulls

 

Photo Shia LaBeouf Le fils d'Indiana Jones aurait pu être une fille

 

INDY LE MAUDIT

Si Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal a déçu et exaspéré de nombreux fans dès sa sortie, le phénomène a été amplifié par les déclarations de l'équipe. En 2010, Shia LaBeouf partage son ressenti avec The Los Angeles Times, et considère que le public est suffisamment intelligent pour savoir quand un film est raté. Il affirme que Harrison Ford partage son opinion et qu'il est lui aussi mécontent du quatrième opus. LaBeouf assume sa part de responsabilité et l'éventualité d'un coup de fil de Spielberg suite à ses mots, mais il insiste pour dire que le cinéaste reste un génie, qui devrait donc n'avoir aucun mal à reconnaître l'échec.

Ce à quoi Harrison Ford répondra dans une interview avec Details : "Je pense qu'il a été un sacré idiot. En tant qu'acteur, je pense que c'est mon devoir de défendre un film sans passer pour un abruti. Shia est ambitieux, attentif, talentueux, et il apprend comment gérer une situation unique et compliquée".

 

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal : Photo Harrison FordOne Punch Old Man

 

En 2011, Spielberg explique à Empire qu'il comprend ceux qui n'ont pas aimé le MacGuffin des crânes de cristal puisque lui-même n'a jamais aimé l'idée. "George et moi avons eu de grandes disputes sur ça. Mais je suis loyal envers mon meilleur ami. Quand il écrit une histoire en laquelle il croit - même si je n'y crois pas - je tourne le film comme il l'a envisagé. J'ajouterai ma petite touche, je choisirai les acteurs, je filmerai comme je veux, mais je serai toujours du côté de George pour l'histoire. Je ne le combattrai jamais sur ça".

Et assume au passage sa part dans l'histoire en déclarant que l'idée du héros dans le frigo est de lui. "Blâmez-moi, Ne blâmez pas George. C'était mon idée stupide".

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photoLa touche Spielberg

 

George Lucas, lui, restera à défendre son bébé. A USAToday, après la sortie du film, il dira : "Quand on fait un film comme ça, une suite très attendue, les gens s'attendent à quelque chose d'incroyable. Et ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'un film. (...) Comme avec La Menace fantôme, les gens ont tendance à être plus durs. On ne reçoit pas beaucoup d'éloges avec un film comme ça. On ne peut que perdre".

 

Photo Karen Allen, Harrison FordPromenade en famille

 

Les problèmes d'indiana jones 4

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal est-il donc si affreux, même avec quelques années de recul ? La réponse penche vers le oui. Déjà parce que le quatrième épisode semble bien pâle en terme d'action et d'imagination comparé aux précédents.

Hormis une très amusante séquence d'introduction dans le fameux hangar aperçu à la fin des Aventuriers de l'Arche Perdue, le film aligne des scènes bien simplettes (la poursuite entre voiture et moto dans la ville) et des rendez-vous un peu manqués (l'exploration du cimetière qui, hormis quelques gymnastes et scorpions numériques, manque d'idées).

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photo, Cate BlanchettQuand tu cherches qui blâmer

 

L'idée de ramener Karen Allen pour consolider la vie personnelle du héros est jolie, mais Marion n'a finalement pas grand chose à faire (hormis l'une des cascades/idées les plus absurdes de la saga), tout comme le fiston incarné par Shia LaBeouf.

Même chose pour Cate Blanchett qui sous ses airs amusants de méchante de BD (perruque, épée, pouvoirs psychiques et accent russe), demeure trop unidimensionnelle et sage pour emballer.

 

Indiana Jones et la dernière croisade : photoOn a revu le film (et sa fin)

 

Impossible évidemment de ne pas s'attarder sur le couloir d'action au milieu du film, où les héros fuient dans la jungle, poursuivis par les méchants russes. Véhicules lancés à toute vitesse, combats à mains nues ou à l'épée, passage serré sur une falaise, sauvetage à base de lianes, rencontre peu ragoûtante avec une armée de fourmis féroces, conclusion épique sur un tronc bien pratique : sur le papier, c'est du pur Indiana Jones, aussi drôle qu'épique, qui rappelle La dernière croisade.

En réalité, c'est une marée d'images de synthèse plus ou moins laides, qui transforme ce moment de bravoure en gêne estampillée Hollywood. Difficile de comprendre ce qui s'est passé.

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photo, Shia LaBeoufCette scène

 

le problème des aliens

Le climax est à l'image de cette longue scène. D'un côté, une débauche d'effets spéciaux : des pierres et trésors qui s'envolent dans un tourbillon surnaturel, une Cate Blanchett qui s'évanouit dans un éclair de lumière, une pyramide qui s'écroule, un vaisseau qui décolle, un raz-de-marée qui remplit une cuvette. De l'autre côté, une bien maigre réalité : les héros sautent à travers une porte, attendent sur des marches, se pressent dans un couloir, remontent avec de l'eau et tombent sur le sol sans trop d'inquiétude. La fin du Royaume du Crâne de Cristal souffre d'une mollesse certaine.

Le premier plan du film, avec la bestiole numérique et futur running gag qui entretient la tradition du clin d'œil au logo Paramount, annonçait la couleur numérique du blockbuster, qui se confirmera donc par la suite. C'est d'autant plus dommage que le film a la bonne idée d'assumer clairement l'âge de Harrison Ford dans les dialogues, et notamment dans la scène dans le hangar (Indy qui évoque le temps qui a passé, se loupe lorsqu'il veut atterrir dans la voiture d'Irina).

 

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal : photoInspection générale

 

Il y a aussi une petite boutade sur la nature même de la superproduction, lorsque le héros demande à Mac, le traître ridicule incarné par Ray Winstone, les raisons de son retournement de veste. "Qu'est-ce que je peux dire... Je suis capitaliste, et ils paient", rétorque t-il, en montrant du doigt les russes... mais aussi l'écran. De là à y voir un message sur l'industrie, il n'y a qu'un pas.

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal a donc logiquement déçu, moins parce qu'il est un mauvais blockbuster (le spectacle reste assuré, on va dire) qu'un mauvais Indiana Jones. Reste maintenant à savoir si Indiana Jones et le Cadran de la Destinée changera les choses : sera t-il encore plus détesté que le quatrième ? En tout cas, le cinquième épisode prend lui aussi de gros risques, là encore à la fin de l'histoire.

 

Tout savoir sur Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal

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commentaires
jdakota
30/11/2023 à 09:02

des défauts et des trucs bancals mais avec du Spielberg dedans et les idées de mise en scène qui vont avec. Le 5 est plus cohérent mais sans aucune de ces petites pépites que seul Steven sait créer.

Geoffrey Crété - Rédaction
03/07/2023 à 13:02

@Cidjay

Bien sûr oui

Cidjay
03/07/2023 à 12:35

@écranLarge : Les effets spéciaux dégueulasses de Indy 4 sont à l'images de ceux de Ant-man 3. (avec cette espèce de flou lumineux débordant partout et foirant complètement les incrustations sur fond vert.)

Si on enlève les moments de honte, les FX dégueux et le scénario maigrelet...
oui, c'est pas mal !
un peu comme si on enlevait Evangeline Lily dans "Le Hobbit 2 et 3"...

Donc qui sait, peut-être que dans 10 ans, vous nous direz que Ant-Man 3 ne méritait pas tant de haine.

Morcar
03/07/2023 à 10:03

@Altaïr Demantia, je ne pense pas qu'Indy 4 ait été fait pour l'appât du gain, mais juste parce que Lucas et Ford (Spielberg moins) ont eu envie de retrouver une nouvelle fois le personnage. Tu fais bien de parler de la prélogie car j'ai toujours vu les réactions vis à vis d'Indy 4 similaire à celles vis à vis de la prélogie, c'est à dire totalement exagérées de la part de gens qui ne voient même pas que ce qu'ils reprochent à Indy 4 pourrait l'être aux trois précédents aussi.
Et si la postlogie Disney a permis à certains spectateurs de réévaluer la prélogie Star Wars, peut-être qu'Indy 5 fera la même chose pour Indy 4 (même s'il n'est pas mauvais non plus, mais je devine que certains vont le détester de toute façon).

De mon avis, le meilleur point de vue vis à vis de ces franchises est celui des plus jeunes spectateurs qui découvrent ces films en même temps. Mes enfants ont tout autant aimé les 6 Star Wars et les 4 Indy, et ils ont apprécié depuis en salles la postlogie Disney (tout en lui trouvant des défauts malgré tout) ainsi qu'Indy 5 qu'on est allés voir le jour de la sortie. Leur avis n'est pas biaisé par la nostalgie. Ils ne surestiment pas la qualité des anciens films comme le font beaucoup de ceux qui ont grandi avec Indy, et donc ils jugent les films réellement à égalité, et à peu de choses près les voient à qualité égale.

Bond
01/07/2023 à 17:54

Pour moi la fin du 5 est beaucoup ridicule que celle du 4

Eusebio
01/07/2023 à 17:35

Franchement : si, si.
:D

Altaïr Demantia
01/07/2023 à 12:34

Revu la semaine dernière après La dernière Croisade, que je trouvais déjà très moyen mais qui avait l'intelligence de fermer le cycle.

Si aucun film ne mérite un sentiment aussi fort que la haine, sauf peut-être pour la Prélogie ^^
cet Indiana Jones sent déjà l'exploitation cynique de la saga pour faire un p'tit sou, encore un p'tit sou. Et même si Spielberg est aux commande, le problème reste encore et toujours Lucas et ses obsessions en matière d'histoires.

Rien ne va dans ce film. Mais vraiment rien. C'est débile, incohérent, caricatural, plein de facilités à rendre aveugle. Pas besoin de haine pour dire que c'est quand même du caca. Le plus gros problème du film ce sont les effets spéciaux numériques immondes qui font qu'il a l'air plus daté que les deux premiers qui sont encore faits à l'ancienne.

Oh, un cimetière en plan d'ensemble qui fleur bon le numérique sa mère. Et puis tout d'un coup le cimetière devient un décor de studio, l'éclairage a changé, les textures ne sont plus les mêmes....

Et on pourrait continuer comme ça toute la journée.

Alors, après, une fois passé tous les défauts qui sont légion, il faut le dire, il reste le divertissement décérébré. Oui, on peut passer un bon moment devant ce blockbuster standardisé avec une troupe d'acteurs en roue libre cabotinants comme des fous. Harrison Ford fait toujours du Harrison ford et c'est pour ça qu'on aime Indy, et retrouver Karen Allen est génial même si c'est du pur fan service.

Mais franchement...

Samaël
01/07/2023 à 08:45

Pas grand-chose à sauver. Les personnes secondaires sont des caricatures, il y a du fan service en permanence, l'intrigue elle-même est molle. Shia est insupportable, Cate Blanchett et John Hurt cabotinent en roue libre.....nul!

Kelso
01/07/2023 à 00:11

Pas si nul effectivement mais le passage avec les lianes qui fait vraiment trop dessin animé m'à vraiment sorti du film, un peu comme le passage dans le Hobbit avec les tonneaux dans la rivière, on n'y crois pas du tout et ça en devient risible.

Ethan
30/06/2023 à 23:23

OUI
Arnaque

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