La jeune fille et la brume : comment l'Espagne est devenue le haut-lieu du film noir européen

La Rédaction | 16 mars 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 16 mars 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

L’Espagne est depuis bien longtemps le terreau de quantité de films noirs, thrillers et polars, mais il semble que depuis quelques années, le public français (re)découvre la production ibérique avec un intérêt renouvelé. Alors que sort le 21 mars chez nous l’excellent La Jeune Fille et la Brume, l’occasion était trop belle de se demander comment et pourquoi l’Espagne est devenue le berceau idéal de toutes ces noires investigations.

 

SOMBRES DECORS

La remarque peut sembler évidente, d’une banalité à pleurer, mais l’Espagne est naturellement pourvoyeuse de décors qui en appellent naturellement au cinéma de genre. Le fantastique s’est déjà fait un bonheur d’explorer les recoins du pays et d’investir ses symboles, des grands espaces. On se souvient que [Rec] avait su repenser l’image de l’immeuble madrilène, avec une belle réussite.

 

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Dans toutes les bonnes crèmeries dès le 21 mars

 

Il en va de même du côté du thriller. La colère d'un homme patient, Raul Arévalo passe de l’anonyme banlieue madrilène aux plaines calcinées de Salamanque, cœur d’un néo-western amère et terriblement cinégénique. Que Dios nos perdone, pour sa part, choisit de transformer Madrid en cité labyrinthique et baroque, tandis que La Isla mínima fait du post-franquisme un gigantesque marais à ciel ouvert.

Ces éléments se retrouvent et fusionnent dans La jeune fille et la brume, où le néo-réalisateur Andrés M. Koppel se sert d’une île des Canaries pour mêler quantité d’images issues de différents mouvements du thriller, qu’il s’agisse de la brume du titre, des intérieurs cliniques des bâtiments officiels ou des routes anxiogènes où défilent les véhicules de nos personnages durant d’interminables virées nocturnes.

Difficile de ne pas voir comment et pourquoi ces lieux servent à merveille de réceptacle au cinéma noir, qui semble idéalement pensé pour s’y lover.

 

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POST-FRANQUISME ET NOIRS SECRETS

C’est en 1974 qu’un général Franco agonisant transmet le pouvoir à Juan Carlos, qui sera couronné Roi d’Espagne en 1975 après la mort du dictateur. Si cette transition put s’opérer dans une relative douceur, et permis au pays de progressivement s’affranchir du régime franquiste en s’épargnant des soubresauts extrêmement violents d’une nouvelle guerre civile, elle devait aussi faire germer bien des questionnements et spectres.

Et comme chaque médaille a un revers, cette transformation positive n’est pas allée sans beaucoup de poussière sanguinolente sous quantité de tapis. Ce genre de phénomènes et de transformations laisse bien sûr quantité de traces dans une population déjà traumatisée par un régime dictatoriale d’une grande violence, et cette dernière trouve vite le besoin de les exorciser.

Voilà qui est évidemment connecté avec la résurgence du fantastique mais aussi du polar. La jeune fille et la brume le narre jusque dans son titre : cette coexistence du mystère, d’une innocence promise à être pulvérisée…

 

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GUERRE DES GENRES DANS L’ESPAGNE D’APRES LA CROIX

Le régime franquiste était un régime catholique, et un régime catholique obsédé par la question du genre, par le sexe, terrifié par les femmes, poussant certains prêtres de petites villes à découper leurs ruelles entre trottoirs masculins et féminins. La nécessaire réappropriation de la séduction, de la figure du corps féminin est logiquement passée par le film noir ibérique.

En témoigne par exemple La Nina de Fuego, errance surréaliste autour d’un personnage de vamp quasi-mystique, film proprement hallucinatoire qui rappelle combien cette nation de cinéma aura su tracer un sillon qui lui est propre. La jeune fille et la brume ne se situe pas dans cette mouvance surréaliste, mais son univers extrêmement soigné visuellement, l’intelligence avec laquelle il imbrique les rapports hommes/femmes rappelle que de Álex de la Iglesia à Pedro Almodóvar, cette question aura été parmi les plus matricielles du cinéma espagnol.

 

Affiche officielle

Tout savoir sur La jeune fille et la brume

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commentaires
indy75
16/03/2018 à 17:48

Le producteur français : vous avez quoi comme projet actuellement ?
Le réalisateur français : Un thriller bien noir et une comédie.
Le producteur français : Bien. C'est quoi le pitch de la comédie ?

C'est un court résumé mais assez parlant sur les envies du cinéma français aujourd’hui.

Et si c'est un premier film, je vous en parle même pas.

Euh
16/03/2018 à 17:01

Résidant en Espagne, je confirme, la production même de certains tout petits films est à mille lieux de la France, au niveau passion, précision et respect des spectateurs.
En revanche :"on se souvient que [Rec] avait su repenser l’image de l’immeuble
madrilène, avec une belle réussite." ..non c'est filmé dans un vieil appartement barcelonais typique ...