DC Classics : Batman contre le fantôme masqué, ou le grand chef d'œuvre encore inégalé du Chevalier Noir

Prescilia Correnti | 17 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Prescilia Correnti | 17 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que les super-héros, ce n'est pas que des blockbusters hollywoodiens avec de belles gueules, Ecran Large revient sur des classiques de l'animation super-héroïque. De Batman à Superman, en passant par Wonder Woman et Green Lantern, la rubrique DC Classics vous fera (re)découvrir ces films cultes.

 

 

DE QUOI ÇA PARLE ?

Film dérivé de la série animée de 1992, Batman contre le fantôme masqué est souvent considéré comme étant le meilleur film d'animation autour du personnage. Pour l’anecdote, le métrage a été rediffusé dans les salles de cinéma américaines à l’occasion de son 25e anniversaire. Certaines critiques avaient même suggéré que le long-métrage d’animation de Bruce Timm et Eric Radomski avait une meilleure histoire que les films Batman et Batman, le défi de Tim Burton quelques années avant lui.

Dans une ville toujours aussi sombre, délabrée et purulente côté criminalité, un parrain de la pègre est sauvagement assassiné par un mystérieux homme en noir. Le nouveau procureur qui vient tout juste d’être nommé, accuse immédiatement Batman. Pendant que tout Gotham traque le Chevalier Noir afin de le coffrer pour ces meurtres, seul le commissaire Gordon croit encore à son innocence et décide de s'éclipser de cette histoire.

Bruce Wayne/Batman aurait été dans un sacré pétrin sans la venue d’une ancienne connaissance et ex-fiancée, portant le doux nom d’Andrea Beaumont. Une époque bien lointaine et joyeuse, à l’opposé de son existence à présent noire et fade, dont il se rappelle avec nostalgie et tristesse. Un temps où il a failli renoncer à devenir un justicier.

 

photoUn nouvel ennemi qui se prend pour l'Ange de la Mort

 

D'OÙ ÇA VIENT ?

Pour comprendre la réussite de Batman contre le fantôme masqué, il faut remonter un peu plus loin dans l’histoire de la chauve-souris de DC. Laquelle a alors commencé à adopter une posture super-héroïque à partir du long-métrage de Tim Burton. Nous sommes donc en 1989, et Batman se voit offrir son premier grand film hollywoodien en étant campé à l’écran par Michael Keaton.

Trois ans plus tard, Burton sort un deuxième volet des aventures du Chevalier Noir, Batman, le défi. Entre temps, la popularité de Batman explose. La Warner Bros et DC entament une première série animée qui sort elle aussi en 1992, et qui est auréolée de succès. Et c’est justement cette dernière qui va pousser les studios à pondre un nouveau long-métrage d’animation seulement une année après.

 

Photo Kim Basinger, Michael KeatonA l'époque du Batman de 1989

 

Alan Burnett (qui chapeautait la série animée Batman) est donc chargé d’écrire un scénario pour Batman contre le fantôme masqué. L’idée originale du film s’articule autour de la capture de Batman par ses anciens ennemis emprisonnés à l’Asile d’Arkham, afin qu’il soit jugé pour ses actes. La raison : ceux-ci souhaitent lui démontrer qu'il est responsable de leur condition, et de facto qu'ils soient devenus des criminels notoires.

Somme toute, l’incroyable histoire de la relation entre Batman et le Joker. Comme le dit si bien Alan Burnett dans un making-of de la série animée Batman, c’est "l’antimatière et la matière qui s’affrontent. Le Joker est l’antithèse de Batman, et l’un ne va pas sans l’autre." 

Néanmoins, pour en revenir à l’idée de départ, celle-ci est jugée trop compliquée et intellectuelle, car elle implique le fait que Batman reste immobile une grande partie du film, ce qui n’est pas assez vendeur. Toutefois, le pitch sera repris bien des années plus tard pour un épisode intitulé "The Trial".

 

Photo Michael Keaton, Jack NicholsonL'histoire d'un "Je t'aime, moi non plus"

 

Alan Burnett décide donc de se recentrer sur Batman, sur des ennemis moins populaires de son catalogue, et d'y incorporer "une histoire d’amour avec Bruce Wayne, de celle dont il est impossible de s’ôter de l’esprit, car l’aspect romantique n’avait jamais été raconté durant les anciennes séries télévisées". Et c’est bien là ce qui fait l’une des forces indéniables de ce long-métrage d’animation, mais nous y reviendrons plus tard.

Bien que le Joker soit présent dans Batman contre le fantôme masqué, le Clown Prince du Crime n’est jamais au centre de l’intrigue, mais n’intervient que comme outil au développement de l’histoire. A ce titre, le principal méchant du film de Bruce Timm et Eric Radomski est principalement inspiré de la mini-série de comics créée par Mika Barr et illustrée par Alan Davis et Todd McFarlane, Batman : Year Two, l'héritage du faucheur ; et qui met en place le vilain nommé The Reaper. Côté scénario, l’histoire de Batman contre le fantôme masqué était encore inédite.

 

photo"Tout ça semble intéressant mais accélère"

 

ET CA A MARCHE ?

Au final, le film est prévu pour sortir dans les salles de cinéma américaines tandis qu’en France, le métrage d’animation sortira directement en VHS. Un an de production sépare la sortie de Batman, le défi (1992) et celle de Batman contre le fantôme masqué (1993). Achevé en seulement huit mois, le film a bénéficié d'un beau petit budget de 6 millions de dollars.

De quoi largement permettre aux cinéastes quelques libertés créatives, dont ce superbe plan-séquence, en travelling arrière, lors de l’introduction. Laquelle survole la ville de Gotham, sous fond de musique élaborée par l'incroyable Shirley Walker.

Lors de son premier week-end dans les salles, le film Batman contre le fantôme masqué parvient à être diffusé dans près de 1 506 salles, et récolte pas moins de 1,19 million de dollars. Malheureusement, il ne rentrera pas dans ses coûts puisqu'il ne totalisera que 5,6 millions de dollars à la fin de son exploitation (9,78 millions avec inflation). Pour l'information, Batman encaissait 48 millions (97,7 millions avec inflation) et Batman, le défi engrangeait 80 millions (143 millions avec inflation) au box-office domestique.

Batman contre le fantôme masqué sera nommé aux Annie Awards dans la catégorie du meilleur film d'animation en 1994. Mais il sera devancé par le long-métrage incontournable de cette année : Le Roi Lion.

 

photo"Batman ? C'est ton seul et unique amour à l'appareil"

 

POURQUOI C'EST GÉNIAL

Oubliez les pseudos contes de fées noirâtres de Tim Burton. Le réalisme de Christopher Nolan. Le fétichisme de Zack Snyder. Batman contre le fantôme masqué est sans nul doute l’une des plus belles œuvres dédiées au Chevalier Noir de DC comics. De son écriture maîtrisée à la perfection à l’élaboration de ses personnages, de leurs traits de caractère à un graphisme soigné et léché, Bruce Timm (à la réalisation), Paul Dini (à l’écriture) et Alan Burnett (qui co-produit et co-écrit) livrent la plus incroyable des histoires sur la genèse de Batman.

L’histoire a beau être classique, elle n’en reste pas moins finement bien menée du début à la fin. C’est bien simple : en seulement une heure et demie de film, les scénaristes et réalisateurs parviennent à établir une meilleure dualité entre Bruce Wayne et Batman, que n’a pu établir Christopher Nolan au travers de sa trilogie de The Dark Knight.

Kevin Conroy, qui double le super-héros dans la version originale, ne peut qu’exprimer au mieux la dualité du protagoniste :"Bruce Wayne et Batman doivent être deux figures distinctes. L’une est plus sombre, mystérieuse, noire et reflète la partie la plus ténébreuse d’un homme ".

 

photoUn homme triste mais un justicier magnifique

 

A l’instar d’un Oncle Ben dans Spider-Man qui doit sûrement en avoir ras-la-casquette de voir sa mort rejouée un millier de fois, Thomas et Marta Wayne doivent eux aussi en avoir marre de voir leurs meurtres rejoués sans cesse. Cependant, comment passer à côté du facteur sine qua non de la transformation d’un Bruce Wayne en futur justicier de la ville ?

Cette fois dans Batman contre le fantôme masqué, cette exploration des origines de Batman est plus poussée et devient terriblement passionnante. On repense notamment à cette séquence incroyable où Bruce tente de déjouer le crime de petits malfrats et réalise une chose : non, en fait il ne fait pas assez peur pour intimider ses ennemis.

Là, réside tout la beauté de ce personnage emblématique qui choisit non pas d’imposer la justice au travers d’un costume synonyme de paix, courage et bravoure (Superman, Wonder Woman, Green Lantern), mais qui insuffle l’effroi et l’inquiétude.

 

photoLa naissance d'un justicier

 

Batman contre le fantôme masqué atteint le paroxysme de sa maestria lors de ces séquences de flashbacks  (romanesques) inspirés de Citizen Kane d' Orson Welles, qui parviennent à percer avec une infinie tendresse le côté désemparé et esseulé de Bruce Wayne. Alors qu’il a juré devant la tombe de ses parents de venger leur morts et anéantir le crime à Gotham, il fait la rencontre d’une jeune demoiselle du nom d’Andrea Beaumont (Dana Delany).

"Nous voulions une histoire encore jamais racontée du passé de Bruce Wayne, et puis il rencontre cette merveilleuse, drôle, charismatique et magnifique jeune femme." A cet instant, le récit se scinde alors en deux parties, l’une mêlant avec habileté les flasbacks de l’existence heureuse du milliardaire de Gotham, et l’autre le récit de l’histoire triste, fade, incolore.

 

photoUne belle histoire d'amour tragique

 

Batman contre le fantôme masqué se révèle être un véritable voyage émotionnel dans la psyché de l’homme qui a renoncé à toute forme de normalité et d’amour dans sa vie. Profondément tragiques et shakespeariennes, les séquences de flaskbacks nous montrent ce qu’aurait pu être Bruce Wayne s’il avait renoncé à sa vie de justicier. C’est-à-dire un homme heureux. Vivant. Alan Burnett dit bien :" Nous voulions montrer cette histoire sur cette fille qui a failli empêcher Bruce Wayne de devenir Batman".

Pourtant, le destin rattrape toujours son élu, et malheureusement (ou heureusement), le milliardaire renfilera son costume de chauve-souris. Le métrage a su décortiquer les états d'âme de son protagoniste et nous montrer que derrière ce regard froid et vide, se cache une personne triste, reliée par un serment qu'elle s'est fait à elle-même, et qui ne parviendra jamais à se défaire de son passé.

 

photoSéquence inspirée de Batman : Year One de Frank Miller

 

La simplicité du personnage de Batman, un faillible être humain sans pouvoir, créé un terreau émotionnel crédible et terriblement touchant, qui parvient à être sublimé au travers de la beauté du format d'animation. Chose que ne peut espérer atteindre Christopher Nolan, emprisonné dans son carquan de réalisme.

Parce que Batman est ce qu'il est : un homme obsessionnel, obnibulé par sa quête de vengeance. Dans le long-métrage, Bruce Wayne le dira lui-même sur la tombe de ses parents : "Je n'ai jamais compté et espéré être heureux."

 

photo"Mes condoléances pour votre fardeau"

 

Le parallèle est d’ailleurs flagrant entre le moment où Bruce Wayne est un homme comblé au bras de son épouse, dans une Gotham prospère, encline à devenir une ville futuriste à la Metropolis de Fritz Lang, et l’instant où Batman naît définitivement et où Gotham se pare d’une robe de salubrité infectieuse , devenant définitivement sombre.

Cette approche animée permet aux créateurs de réaliser une oeuvre sombre, baroque et puissante. 25 ans plus tard, Batman contre le fantôme masqué n'a pas pris une ride et laisse encore flotter les effluves d'un parfum nostalgique de l'époque glorieuse de la série animée de 90.

 

 

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commentaires
donbuba
29/11/2018 à 11:09

super dessin animée et de plus avec une musique incroyable pour un film à l'époque

El Santo
26/11/2018 à 10:47

Bruce Wayne qui supplie devant la tombe de ses parents en leur demandant s'il a le droit d'être heureux, de ne plus être obsédé par sa vengeance et vivre une vie normale, Du Batman comics pure jus. Clair que ce film mérite d'être dans les tops des films dans les alentours de Dark Knight et Batman le défi, sans avoir l'impression de géner. Juste un très bon film avec la pointe de noirceur et de violence supplémentaire qu'ils n'avaient pas le droit de mettre dans la série déjà bien glauque pour l'époque. Précieux.

Hildegarnic
18/11/2018 à 16:34

On a tous dit sur ce film (que je valide), mais je lui préfère de loin SubZero

Pulsion73
18/11/2018 à 13:59

Merci à la rédaction pour l'analyse de ce film génial qui n'a pas vieillit, surtout sur le fond. Ça m'a vraiment fait plaisir de lire ce petit dossier et m'a rappelé de très bons souvenirs, la musique de Shirley Walker que je re écoute de temps en temps, je ne m'en lasse pas. Je rêve de voir cette histoire adaptée en live au cinéma. Sans transition, je suis également preneur pour un dossier sur kidding. ^^.

007boy
17/11/2018 à 22:36

Le film est souvent rediffuse sur canal plus family ou toonami

C. Ingalls
17/11/2018 à 21:18

Petit rectificatif :
En 1993, le film n'est pas sortie en DVD, car ce support n'existait pas encore... il n'est sortie qu'en VHS en France.

Babar77
17/11/2018 à 20:28

Film magnifique

Pseudo
17/11/2018 à 20:23

Cherche.. t es sur internet ducon

Geoffrey Crété - Rédaction
17/11/2018 à 20:23

@Dieu me patafiole !

C'est prévu oui !

Dieu me patafiole !
17/11/2018 à 20:02

@EL
Par hasard, comptez-vous sortir un dossier sur la première saison de Kidding ?

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