The Endless, Cube, Blair Witch... ces petits coups de génie, anomalies incroyables dans le système

La Rédaction | 26 avril 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 26 avril 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La sortie de The Endless est l'occasion de revenir sur quelques autres pépites hallucinées du cinéma américain, qui ont créé la surprise avec de tout petits budgets et beaucoup d'imagination.

C'est l'une de petites pépites qui mérite l'attention ce mois-ci : The Endless, un film d'horreur et d'angoisse sorti de nulle part et qui est arrivé en DVD, Blu-ray et VOD le 24 avril en France, après avoir été un petit phénomène aux Etats-Unis. Notre critique est à lire par ici.

Troisième film de Justin Benson et Aaron Moorhead après les inédits Resolution et Spring, en plus d'un segment de V/H/S : ViralThe Endless est un choc d'autant plus grand que c'est un pur film indépendant, produit avec un micro-budget mais une maxi-inventivité.

Du genre et des génies : retour sur quelques autres petites merveilles, assemblées avec trois bouts de ficelle filmique et beaucoup de talent.

 

 

DARK STAR

Budget : 60 000 dollars (moins de 300 000 avec l'inflation)

John Carpenter. Avant de décoller avec Assaut et surtout Halloween, la nuit des masques, c'est une folle histoire dont rêvent tous les apprentis réalisateurs. Etudiant en cinéma, il écrit avec Dan O'Bannon le scénario de Dark Star : l'histoire d'un vaisseau spatial en mission, dont l'équipage s'ennuie gentiment jusqu'à ce qu'un nuage éléctromagnétique ne mette leurs vies en péril.

C'est d'abord un court-métrage de 45 minutes, qui coûte environ 1000 dollars et est bouclé en 1972. Une fois diplômé, Carpenter cherche à en tirer un long-métrage et c'est grâce à John Landis qu'il attire l'attention d'un distributeur et producteur canadien. Ils décident de remonter le film et tourner de nouvelles scènes, pour arriver à une durée classique.

Le budget gonfle jusqu'à 60 000 dollars, ce qui reste très réduit. Dan O'Bannon (qui remontera une version director's cut en 92) décrira parfaitement la situation, en disant qu'ils avaient transformé le film d'étudiant le plus impressionnant du monde, en film professionnel le moins impressionnant du monde. Le scénariste, également acteur ici, pourra se consoler en tirant de cette idée un futur chef d'œuvre co-écrit avec Walter Hill : Alien, le huitième passager, qui reprend beaucoup d'éléments de Dark Star de manière plus sérieuse et noire.

Le film sortira une première fois en 1974, puis à nouveau en 1979, pour surfer sur la popularité de Carpenter et O'Bannon, avec Halloween et Alien. Dark Star deviendra alors vite un petit film culte.

 

photo

 

LE PROJET BLAIR WITCH

Budget : 60 000 dollars

Le cas d'école devenu une référence, concocté par Daniel Myrick et Eduardo Sánchez alors qu'ils n'étaient encore qu'étudiants. Voyant qu'un documentaire sur le paranormal était souvent plus effrayant qu'un film d'horreur, le duo décide de combiner les deux et créer une boîte de production pour se lancer, avec l'aide de quelques personnes.

Huit jours de tournage, un scénario de 35 pages et beaucoup d'improvisation plus tard, Le Projet Blair Witch est né. Repéré à Sundance, le film est acheté par Artisan Entertainment pour 1,1 million de dollars, alors qu'il n'en a coûté que 60 000. La fin a failli être changée avant la sortie, avec l'option d'une conclusion plus gore. Mais tout le monde a accepté de rester sur l'originale, qui laisse le spectateur face au silence troublant et au hors-champ ultime.

Le coup de génie reste aussi cette manœuvre marketing jouant sur la frontière entre réel et fiction (avec une utilisation massive d'internet à une époque où c'était encore rare), avec faux rapports de police, flyers pour récolter des informations sur les disparus, et même la mention de "disparu(e), présumé(e) mort(e)" pour le casting sur IMDb. Ou comment se montrer ingénieux et malin, sans dépenser une centaine de millions en promo comme un blockbuster.

Avec près de 250 millions récoltés en salles, et plusieurs suites, Le Projet Blair Witch est l'un des films les plus rentables de l'histoire du cinéma.

 

Photo HeatherImage gravée dans la mémoire

 

CUBE

Budget : 250-350 000 dollars

Vincenzo Natali avait l'idée de Cube avant de réaliser son premier court-métrage, Elevated, mais aura eu du mal à trouver un producteur intéressé par son étrange histoire de personnes prisonnières d'un cube (qui devait à l'origine être peuplé de monstres). Avec un budget de 250-350 000 dollars, Cube prend finalement vie, mais dans l'urgence.

Sans surprise vu les moyens, le tournage sera une épreuve : le plateau est constitué d'un seul cube, et la magie des éclairages, du découpage et du montage fera le reste, pour créer un labyrinthe incroyable à l'écran. Mais dès le premier jour, le décor menace de tomber en morceaux, une seule porte est capable de supporter le poids d'un acteur, obligeant le réalisateur à revoir ses plans. Deux équipes tournent en continu, jour et nuit, voire même en parallèle. 

Le futur réalisateur de Cypher et Splice dira avec le recul : « J'avais une idée très précise de ce que je voulais faire, ça devait se faire de manière très carrée. Mais ça a été chaotique. Heureusement j'avais un contrôle créatif donc même si le film est imparfait, notamment techniquement, l'âme est intacte. » 

Avec un budget de 250-350 000 dollars, Cube encaisse plus de 8 millions dans le monde, et se paye une belle carrière en vidéo pour devenir culte. Vincenzo Natali n'a alors que 28 ans. Il a déjà signé un film culte, depuis devenu une référence, souvent copiée, jamais égalée (cf Resident Evil).

 

Photo L'enfer, c'est les autres dans le cube

 

BELLFLOWER 

Budget : 17 000 dollars

Derrière Bellflower, il y a un homme : Evan Glodell. Réalisateur, scénariste, producteur, monteur et acteur, il a passé environ trois ans sur le film avec une toute petite équipe à ses côtés, pour raconter l'amitié de deux hommes qui travaillent passionnément sur la construction d'une voiture type Mad Max, avant qu'une histoire d'amour avec une femme ne vienne ouvrir une spirale de chaos et destruction.

Bricoleur dans l'âme, Evan Glodell a assemblé cette voiture nommée Medusa, construit son lance-flamme, a construit deux caméras et créé des objectifs... Au-delà des moyens très limités, c'est presque une philosophie : s'approprier tout ce qui constitue le cinéma, s'en emparer pour le personnaliser, et poser son identité à tous les niveaux, jusqu'à la matière même de l'image. L'esprit indépendant par excellence.

Bellflower n'a pas eu le même succès que d'autres phénomènes de cette liste, même s'il a été plus rentable vu son budget minime, et qu'il a été très remarqué en festival.

 

Superbe affiche

 

PRIMER 

Budget : 7000 dollars

C'est l'un des petits génies du cinéma américain contemporain, que Steven Soderbergh décrivait comme "le fils illégitime de David Lynch et James Cameron" à Entertainment Weekly. Shane Carruth a impressionné dès son premier film, Primer, sorti en 2007 pour offrir une version terre-à-terre du voyage dans le temps, créé par accident par quatre chercheurs.

Avec une approche anti-spectaculaire et ultra-sérieuse (les discussions entre les scientifiques, le look de la machine elle-même, les décors très urbains et sobres), Primer redynamise ce motif éculé de la science-fiction. Caruth joue l'un des rôles principaux, en plus d'être scénariste, réalisateur, producteur, directeur de la photo, monteur et même compositeur. L'homme-orchestre ultime donc, qui a dirigé ce tournage de cinq semaines avec une équipe de seulement quelques personnes. Il lui aura fallu près de deux ans de post-production pour terminer son premier long-métrage, qui fera sensation.

Plus de 840 000 dollars en salles (soit une rentabilité folle), un passage remarqué à Sundance (Grand prix du jury), des négociations difficiles avec le distributeur (Carruth souhaitait garder le contrôle sur son film) : Primer est un pur produit du ciné indé. Depuis, Shane Carruth a réitéré l'exploit avec Upstream Color, film halluciné sur une histoire d'amour cauchemardesque et dingue. Vivement qu'il revienne, vite, surtout vu les ambitions évoquées jusque là (il a failli réaliser un film d'aventure maritime avec un casting hollywoodien).

 

Poster

 

THE ENDLESS

Ce n'est pas le premier film de Justin Benson et Aaron Moorhead, remarqués avec Resolution en 2012. C'est d'ailleurs ce premier long-métrage (centré sur un homme qui vient en aide à son ami, qui tente de se sevrer de la drogue dans une cabane isolée) qui a établi l'univers partagé avec The Endless, où deux frères reviennent dans une étrange secte où ils ont passé quelques années.

Co-réalisateurs, co-producteurs, les deux hommes se partagent l'affiche dans les rôles principaux. Benson est également scénariste, Moorhead assure la photographie, et les deux ont collaboré au montage et aux effets spéciaux. Là encore, un pur esprit indé, avec 18 jours de tournage et beaucoup, beaucoup de préparation et répétition en amont pour ne pas perdre de temps (une répétition dans un appartement a été si bruyante et intense qu'un voisin a appelé la police).

Le budget n'a pas été dévoilé, mais Resolution avait coûté seulement 3000 dollars, et a été conçu sur le même modèle. A l'image, c'est une réussite spectaculaire, tant les deux réalisateurs maîtrisent le cadre, la narration, les effets et le suspense. Hybridant le film d'horreur, fantastique et de science-fiction, en se jouant souvent adroitement des limites de leurs moyens, Moorhead et Benson s'imposent définitivement comme un duo à suivre de près. Aux Etats-Unis, c'est la sensation pour la presse, et un modèle à suivre pour tous les aspirants réalisateurs.

 

photoUne des nombreuses images troublantes de The Endless

 

Bien sûr, il existe des tonnes de films de ce type, bricolés par des réalisateurs et artistes de talent dans leur coin. Ce n'est qu'une petite sélection, qui donne quelques repères plus ou moins connus, symboles d'un septième art qui se renouvelle constamment.

The Endless, en DVD, Blu-ray et VOD depuis le 24 avril en France.

Ceci est un article publié dans le cadre d'un partenariat. Mais c'est quoi un partenariat sur Ecran Large ?
 
 
 

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commentaires
MystereK
30/04/2019 à 14:37

MX overdoses SW ? Il y en a 1 par année, ça ne rentre pas réellement dans la définition du mot overdose. Pareil pour le MCU, il y a eu combien de films sortis en 2018 ? 200 ? 300? Combien de MCU ? Il y a eu 7 films de super-héros inlus du MCU, du DC et Indestructibles 2... 7 c'est pas non plus l'overdose... Il y a eu beaucoup plus de comédies que de films de super-héros. Faut relativiser... Conjuring pareil, 1 ou deux films par ans, c'est vriament pas énorme.

Des reboots et des sequels il y en a eu depuis le début du cinéma, ses tout débuts. Dès que le cinéma a commencé à devenir un spectacle et que la technique à écoluer en qualité et en cout, il y a eu des suites et des remakes pour profiter d'un succès. C'est normal, il faut gagner de l'argent pour produire d'autres films.

Mx
28/04/2019 à 13:06

En effet, entre les avalanches de remakes, reboots et autres sequels, sans parler de loverdose star wars, cnjuring universe et autres prods mcu, c quand même bien de revenir aux sources du cinoche, le VRAI cinoche de genre, original et subversif, qui interpelle.

Concernant the endless, lecteur de mad, j'en avais entendu parler avant votre article, et surtout je connaissais les réals avec la bande-annonce de spring, qui m'avait bien scotché, et c vrai que ces réals ont un univers bien à eux, qui mérite d'être suivi.

darkpopsoundz
27/04/2019 à 12:42

Merci pour cet article!
Je ne vais pas écrire "ça fait du bien des perles au milieu de l'océan de m*rde Star Wars et Marvel" bien que je le pense furieusement et que de toute façon je l'ai déjà écrit. :P
Plus sérieusement vous m'avez donné l'eau à la bouche pour The Endless et Primer, qui seront donc mon programme de ce soir. :-)

MystereK
27/04/2019 à 08:35

The Endless est une perle ! Les scénaristes/réalisateurs/acteurs sont des personnes archi sympathique qui plaisantent volontiers avec les spectateurs lors des festivals et sont tout à fait accessible. Toute leur filmo est géniale, jettez vous sur SPRING:

Le Waw
26/04/2019 à 23:57

Merci pour ce bel article. Ça change enfin des news Marcel et de Star Wars dont je suis pourtant accroc. Le ciné ce n'est pas que des blockbusters et avec ce type de sujet vous faites honneur au ciné. En fait des news c'est bien, mais quand c'est au trois quarts du temps consacré aux mêmes sujets c'est usant. En tout cas bien cool.

furst
26/04/2019 à 20:54

Et aussi El Mariachi (la version mexicaine), Roberto Rodriguez pour financer son film faisait le cobaye pour des labos pharmaceutiques. Est ce une légende?

toto
26/04/2019 à 19:58

Les gars,
C'est pour ce genre de truc que je continue à venir ici. Malgré les 15 articles Marvel par jour (Ouais, je sais, on doit tous remplir le frigo). Merci.