Alien : la Fox fête les 40 ans du film culte, et rappelle que la saga est bien paumée

Geoffrey Crété | 7 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 7 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Pour fêter les 40 ans du xénomorphe, après Alien, le huitième passager en 1979, la Fox a soutenu 6 courts-métrage en hommage à la saga.

Alien 5 de Neill Blomkamp annoncé puis enterré, des suites de Prometheus et Alien : Covenant annoncées puis mises de côté, une mauvaise série d'animation tirée du jeu vidéo Alien : Isolation, la licence entière rachetée à la Fox par Disney : la saga est une grosse interrogation ces derniers temps.

Alors que le film culte Alien, le huitième passager de Ridley Scott fête ses 40 ans, la Fox a néanmoins voulu marquer le coup. En collaboration avec un petit studio nommé Tongal, un concours a donc été lancé à travers le monde en 2015 pour sélectionner des projets situés dans le monde d'Alien, pour en tirer des courts-métrages d'une dizaine de minutes.

 

Photo Harry Dean StantonAu nom du père, du fils et du saint-alien

 

Six projets ont été retenus par le studio, avec chacun un budget de 30 000 dollars, pour une diffusion sur IGN et YouTube.

Une bien belle initiative, propice à élargir le monde du xénomorphe, et offrir des points de vue nouveaux, étonnants et libérés de toute nécessité de business et de suite. Sauf qu'à l'arrivée, c'est tout le contraire.

Retour sur ces six films.

 

ATTENTION SPOILERS  !

 

photoAvec les compliments du chef

 

ALIEN : CONTAINMENT

Une navette de secours échappe à l'explosion d'une station spatiale. A son bord : quatre inconnus, qui ne savent pas exactement ce qui s'est passé. Mais très vite, ils comprennent que le danger les a suivi...

Le premier court-métrage est une douche froide : un suspense éventé, une mécanique vue mille fois entre la saga et toutes les pales copies, des effets attendus, une mise en scène très simple, une conclusion facile... Réalisé par Chris Reading, Containment est donc un morceau beaucoup trop basique et scolaire pour marquer, surtout pour un spectateur qui connaît les règles de cet univers.

La déception est d'autant plus grande que le démarrage est beau. Ce large plan sur une planète gazeuse, où l'immense station spatiale a des allures de fourmi, est une petite merveille. L'explosion, suivie de l'apparition de la navette de secours, est une réussite plastique. Le silence pesant des premiers instants est malin, et Gaia Weiss est plus que convaincante dans la peau d'un personnage naturellement réduit au minimum.

 

photo ContainmentL'héroïne du premier court-métrage

 

Containment se contente malheureusement de rejouer les motifs importants de la saga (paranoïa, chestburster, naissance d'une héroïne, fascination pour le xénomorphe qui doit être protégé pour d'obscures raisons), sans offrir de point de vue nouveau, ou justifier cette histoire plutôt qu'une autre.

Les limites de la mise en scène, de la direction artistique et des effets sautent finalement aux yeux dès que la menace prend vie. La gestion du personnage d'Albrecht (Sharon Duncan-Brewster), qui tombe malencontreusement sur le bouton de la porte, traîne par terre et meurt de manière un peu risible, est grotesque. Et la scène post-générique, inutile.

 

photo Containment"N'ouvrez pas ces courts-métrages"

 

ALIEN : SPECIMEN

Planète LV-492. Botaniste de garde dans une serre, Julie constate que son chien, formé pour repérer les éventuels dangers, est concentré sur un nouvel arrivage. Lorsque la zone est mise sous quarantaine, elle comprend qu'il y a une réelle menace.

Impression presque aussi familière que pour Containment avec Specimen, réalisé par Kelsey Taylor. Après le chestburster, place au facehugger, menace de ce court-métrage centré sur un seul personnage cette fois.

L'intérêt vient ici du décor : celui d'une serre, dans les sous-sols d'un complexe sur une planète inconnue, avec un chien qui se révèlera être une machine qui saigne blanc, dans la pure tradition des androïdes. Un élément amusant qui donne une petite dimension supplémentaire à l'univers.

 photo, Jolene Andersen Le casting est là encore un point fort

 

Là encore, le court-métrage bénéficie d'une solide interprétation, avec Jolene Anderson. Mais malgré le travail sur l'ambiance, et une gestion relativement maîtrisée du décor et du suspense, Specimen est un autre cas d'exploitation facile et sans imagination de la mythologie. Il y a le même problème que dans Containment : l'impression d'avoir sous les yeux un simple fan film, réalisé par un admirateur de la saga qui se contente de la singer, l'imiter, et non se l'approprier, ou encore la questionner et la tordre.

C'est donc une petite promenade de santé plus que balisée, même si globalement efficace. La gestion de le menace est moins paresseuse que dans Containment par exemple, avec l'obscurité et la rapidité de la bestiole qui servent le rythme, et quelques moments amusants (le facehugger posé dans les plantes) équilibrent des effets assez laids. Absolument rien de remarquable donc, mais un peu plus de matière à frissonner et être captivé.

 

photoDes effets pas très heureux



ALIEN : NIGHT SHIFT

Colonie minière, district LV-422. Un routier de l'espace est retrouvé désorienté après avoir disparu. Un collègue suggère un dernier verre pour la route, et convainc le patron d'un dépôt de fournitures de la colonie de les laisser entrer. Mais la situation dérape...

Le pire court-métrage de la fournée ? Réalisé par Aidan Brezonick, il a le malheur d'arriver après Containment et Specimen, qui répètent déjà la formule la plus basique de la saga. Night Shift use donc les nerfs du spectateur avec son énième petite histoire cousue de fil blanc.

Mais au-delà de ce facteur, Night Shift est limité à tous les niveaux. Passé le premier plan très soigné (mais qui insiste inutilement sur l'avant-plan, quitte à en gâcher la construction), la direction artistique est d'une banalité effarante. Impossible de croire à cet entrepôt vide où se battent trois boîtes sur les étagères. Impossible de croire à ce décor trop propre, et ces deux employés dont la mission est très vague. Tout sonne faux à l'image.

En plus de reprendre les codes les plus simplets de l'univers, le court-métrage change quelques règles, comme le chestburster qui n'explose pas la cage thoracique ici, privant ainsi la scène de la violence attendue - et nécessaire.

Enfin, la conclusion est un énorme aveu de faiblesse. L'idée de sortir la carte de l'apocalypse est éventuellement amusante, et utile vu les moyens limités, mais ce design sonore grossier et parfaitement artificiel achève Night Shift.

 

photo Alien dans le supermarché vide

 

ALIEN : ORE

Sur une colonie minière isolée, aux conditions météorologiques extrêmes, des ouvriers descendent dans les profondeurs pour chercher un minerai précieux. Parmi eux : Lorraine, qui court après une prime pour assurer l'avenir de sa fille et ses petits-enfants. Mais au fond de la mine, se cache quelque chose d'horrible...

Après le pire, le meilleur ? Réalisé par les jumelles Kailey et Sam Spear, Ore a quelques atouts évidents : une caractérisation des personnages simple mais plus satisfaisante, un décor qui sort de l'ordinaire, et la première apparition du xénomorphe sous forme adulte.

Loin des éternelles coursives de vaisseaux et bureaux grisâtres, l'histoire se déroule autour d'un décor de mine, sur une planète hostile. Le climat terrible de la colonie, l'ascenseur poussiéreux, les galeries obscures, la sueur et la poussière : le gros soin apporté à l'ambiance est une vraie petite réussite. C'est d'autant plus convaincant que les personnages sont bien dessinés et interprétés (notamment Mikela Jay), avec un point de vue ouvrier qui rend hommage à Alien, centré sur un groupe de simples travailleurs coincés par la politique de leur employeur.

 

photo, Mikela JayMikela Jay

 

De même, l'image naturellement diabolique de la société, en hommage à Aliens, le retour, est classique mais très efficace. Ore est joliment emballé, avec une très belle transition entre la planète et le décor de la mine pour ouvrir les festivités, un montage précis, et une direction artistique globalement soignée.

Seul hic : les effets visuels très moyens, que même la mise en scène et le découpage ne peuvent entièrement masquer à la fin. N'en reste pas moins un court-métrage très soigné, et nettement plus professionnel et solide que les précédents.

 

photoDans la mine, l'enfer



ALIEN : HARVEST

Les survivants d'un équipage se dirigent vers la navette de secours, avec seulement un détecteur de mouvement pour espérer en réchapper...

Sacrée déception. Le court-métrage de Benjamin Howdeshell commence bien, avec une palette de couleurs et une ambiance aussi familières qu'excitantes. Quatre survivants, un détecteur de mouvement et des couloirs sombres, animés par une alarme et un compte à rebours : simple, efficace. Sans plus attendre, le film tue l'un des personnages, avec un xénomorphe très réussi grâce au choix de la matière - et pas des effets numériques. L'idée semble être d'offrir un pur et simple cauchemar, perspective aussi alléchante que bienvenue.

Mais très vite, Harvest déraille, à commencer par ses personnages ridicules. La mort du premier est un peu grotesque tant la logique de ses actions et le rapport à l'espace est curieux, tout comme l'accès de courage de la femme enceinte. Même chose plus loin, lorsque les personnages hurlent quasiment pour communiquer, alors que le bon sens devrait les inciter à chuchoter, au minimum.

 

photoQuelques images solides

 

L'affaire ne s'arrange pas avec la réapparition de l'alien, qui n'aura jamais été aussi lent et mou. Ainsi, après une lutte contre deux femmes dont une enceinte, il lâche sa proie, qui semble plus amochée par le choc et l'acide qu'autre chose.

Enfin, le twist où l'héroïne se révèle être un androïde, et un méchant androïde comme le démontre son sourire diabolique parfaitement grotesque... Tout ça n'a pas trop de sens ("Est-ce qu'on a tourné en rond ?"), et ne donne jamais de vraie profondeur ou suspense.

Harvest souffre en plus d'une mise en scène très brouillonne. Le montage s'emballe pour masquer les effets (mal servis par le découpage et la lumière) et créer artificiellement de l'action, à grand renfort de musique et lumière qui clignote. Le résultat est un peu facile et vain, rejouant des motifs éculés, et avec nettement moins d'ingéniosité et efficacité.

 

photoDommage pour Agnes Albright

 

ALIEN : ALONE

Seule, abandonnée sur un vaisseau, Hope occupe ses journées comme elle peut. Elle est fascinée par la seule pièce dont l'accès lui est interdit par l'ordinateur central. Sa curiosité la mène à finalement y entrer, et découvrir ce qui serait peut-être un moyen de mettre fin à sa solitude...

Le seul court-métrage à proposer un angle différent, avec l'histoire d'une androïde oubliée, livrée à elle-même, qui s'attache à un facehugger, son seul compagnon. L'idée est aussi étrange que troublante, transformant la source du mal et de bien des cauchemars, en équivalent d'un animal de compagnie dépressif car affamé. Le risque est de flirter avec le grotesque, mais Alone s'en sort globalement bien, dans l'écriture, dans l'interprétation et dans la mise en scène.

 

photoLe meilleur ami de l'homme l'androïde 

 

Il y a une vraie ambition dans le court-métrage de Noah Miller, qui joue avec intelligence la carte de l'attente, du silence et de la voix off pour mettre en place son univers. De quoi sortir du lot après tous les précédents films, trop souvent axés sur l'action et l'idée de peur et angoisse. Le talent et le charisme étrange de Taylor Lyons, parfaite en androïde machiavélique masquée derrière une apparence de petite chose mi-femme mi-enfant, y est pour beaucoup. La direction artistique rétro-futuriste est particulièrement satisfaisante, avec de vrais vieux écrans.

Alone rappelle Prometheus et Alien : Covenant avec son focus sur un androïde qui traite les humains comme des cobayes, et occupe sa solitude comme David au début du prequel. Mais il y a là quelque chose de plus enfantin et innocent avec le personnage de Hope.

Alone a des limites techniques, avec quelques effets pas très fins masqués par le montage, mais reste parmi les plus intéressants et les moins fades de la série.

 

photo Taylor Lyons

 

BILAN

Personnages féminins forcés, lumières éteintes et colorées, logo Weyland collé de tous les côtés, forme alien qui passe en un éclair à l'image pour le frisson, exploration basique voire paresseuse de la mythologie... Les courts-métrages anniversaire d'Alien laissent une grosse impression d'inutilité et de remplissage.

Il y avait là l'occasion de véritablement s'amuser avec la mythologie du xénomorphe, multiplier les points de vue, témoigner d'une liberté vis-à-vis d'une saga si respectée et trop souvent bêtement copiée. Il y avait aussi l'opportunité de raviver une flamme éteinte, après les prequels de Ridley Scott qui partagent tant les fans, et divers annonces pas très claires - notamment des séries.

Loin de créer une quelconque attente ou excitation, ces courts-métrages anniversaire semblent au contraire prouver que la franchise n'est plus qu'une vache à traire. Pire : qu'elle est réduite à un monument trop important pour être véritablement revisité, mais pas assez précieux pour être protégé. 

Le rachat de la licence par Disney devrait sans nul doute ouvrir (et fermer) des portes dans les prochaines années. Pour le meilleur et pour le pire.

 

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Tout savoir sur Alien, le huitième passager

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
18/05/2019 à 16:35

@MERCI POUR CET ARTICLE SUR CES COURTS

Ils sont tous disponibles gratuitement sur Youtube, comme évoqué dans l'intro :)

MERCI POUR CET ARTICLE SUR CES COURTS
18/05/2019 à 14:02

etant un grand fan de l'univers MERCI POUR CET ARTICLE. Ou peut on voir ces courts en France svp?

Sébastien
12/05/2019 à 14:49

C'est fou cette manie de vouloir obstinément "revisiter" des franchises qui n'ont plus rien à dire. Les franchises sont déjà des sous-produits de l'original, avec des variantes très limitées. Qu'est-ce qu'il y aurait à "revisiter"? Est ce qu'on revisite "les Temps Modernes"? "Psychose"? Ah oui, vu le résultat... Waouh...Est-ce qu'on va faire 20 suites de Blade Runner? de Star Wars? Oups, j'ai vomi.
Est-ce qu'on retourne dans le ventre de sa mère? Est-ce que quelqu'un de censé a envi de manger son caca?
Non mais voilà, quoi. Arrêtez de vous astiquer le jonc sur les ramonages de franchises, c'est fatiguant et vain. Passez à autre chose les mecs.

Dwigt
08/05/2019 à 01:26

Disney n'a pas racheté la licence Alien à la Fox.
Disney a racheté Fox dans son ensemble (sauf quelques-unes de leurs chaînes de télé), et Alien en fait fatalement partie. Ça ne veut donc pas dire du tout qu'ils ont aujourd'hui des plans sur la relance des films. À vrai dire, ils doivent être autrement plus intéressés par le sujet des X-Men ou des 4 Fantastiques, qui pourraient rejoindre le MCU.

Alien
07/05/2019 à 23:27

Svp au moins un film encore pour la superbe creature la plus belle,reine de toutes que j'ai vu a ce jour, mais pas du gachis! Les 2 premiers resterons gravés. Dans l'histoire,.apres les autres ont les as regardés car fans..mais quel déception..finissez en beauté au moins! Merci

Geoffrey Crété - Rédaction
07/05/2019 à 22:21

@Aqui

Vous êtes ici sur un site qui passionnément défendu Prometheus et Alien : Covenant dès la sortie (et a été copieusement moqué et insulté pour ça), a publié un dossier pour dire qu'Alien, la résurrection est un excellent film trop souvent sous-estimé, qu'Alien 3 est un épisode certes chaotique mais passionnant, qui explique qu'Alien : Isolation est une merveille de jeu vidéo...

Qu'on trouve ces courts-métrages globalement inintéressants, et la série animée tirée d'Alien : Isolation totalement ridicule, ne saurait être un indicateur absolu.

Donc pour le "descendre cet univers à chaque occasion", on vous invite à nous lire en fait :)

Rorov94
07/05/2019 à 20:16

Je me rappel dans les 90'il y avait une superbe pub PEPSI avec un alien!réalisée par le génie Joe Pytka il me semble...
Puis il y a le superbe court -métrage BATMAN vs ALIEN un classic underground!
Sans oublier la captation d'une pièce de théâtre de début d'année par des gosses ricains qui ont tout simplement refait ALIEN sur scène devant leurs profs et leurs parents!
Véridique!vu sur youtube/daylimotinon.ÉNORME!même le xenomorphe est splendide!supérieur à ces shorts cuts indignes de la FOX.

Gnafron
07/05/2019 à 19:21

Bonsoir à tous, l'épisode SPECIMEN me fait étonnement penser au contexte de la fameuse scène du jardin botanique qui n'a jamais été tourné pour l'épisode 4 (conceptualisé par Mr Sylvain Despretz).
https://avp.fandom.com/wiki/Alien_Resurrection_deleted_scenes

Aqui
07/05/2019 à 19:11

Je vous trouve bien durs pour une intention si louable.
Et puis descendre cet univers à chaque occasion ne va pas faire d'Ecran Large un meilleur site, au contraire quand on tombe dans le bashing systématique ça devient très limite et dommage à mon sens.

Atree
07/05/2019 à 19:08

Scott bosse toujours sur la suite de Covenant paraît il ? Sinon l'angle pris par Prometheus semblait prometteur... Covenant à malheureusement toujours plus le cul entre deux chaises mise à part David trop d'éléments comme le liquide noir, Shaw et la Foi, les Ingénieurs ont été éjectés du récit....

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