John Wick : pourquoi les scènes d'action de la saga mettent une fessée à la concurrence ?

Simon Riaux | 22 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 22 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

A l’occasion d’un troisième chapitre dont le succès semble d’ores et déjà assuré, John Wick s’impose comme une invincible déclaration d’amour au cinéma d’action. Mais pourquoi les bastons de cette trilogie nous ont-elles marqués à ce point ?

 

 

LE CHOIX DES ARMES

Quand Chad Stahelski et David Leitch (qui ne co-réalise que le premier chapitre) donnent vie à John Wick, ils le font avec des décennies d'expérience à travailler la matière première du cinéma d’action en tant que coordinateurs des cascades. C’est sans doute dans ces deux CV que réside l’ADN de John Wick, que nous allons détailler ci-après.

Mais avant d’analyser les éléments les plus “cinéphiles" de l’anatomie de notre anti-héros massacreur, il convient d’observer comment ces films “vengent” des artisans lassés de voir des bagarres homériques charcutées par la mode de la shaky cam et du montage syncopé.

 

 

Les deux réalisateurs s’efforcent donc de travailler en privilégiant les plans longs, et en pensant les innombrables mise à mort perpétuées par le héros comme les notes d’une mélodie. Or, toute bonne mélodie se doit, pour charmer le tympan du spectateur, de varier les notes et les tempos.

C’est pourquoi la saga John Wick alterne si fréquemment entre fusillades, combats rapprochés, et délires entrainant la destruction des décors. Férocement ludique, chaque métrage redéploie en permanence ses enjeux physiques pour mieux varier les plaisirs. Et c’est avec sidération que dans John Wick : Parabellum, nous découvrons Keanu Reeves capable d’exécuter un gros balèze à coup de bouquin, décocher des tatannes de cheval (littéralement), jouer du couteau, ou entamer un ballet de mort avec deux bergers allemands. De riffs endiablés en solo dévastateurs, John varie toujours les plaisirs.

 

photo, Keanu ReevesToi aussi, retrouve les 74 objets que John peut transformer en arme létale

 

CECI EST MON CORPS

Soigner ses chorégraphies et en renouveler les mécaniques, voilà qui est juste et bon, mais encore faut-il savoir les mettre en valeur. Et Chad Stahelski a fait montre d’un sens du découpage et de la composition souvent bluffant. Le secret des scènes d’action délirantes de la saga tient dans la volonté féline de limiter les coupes, ainsi que les axes employés, pour maximiser la visibilité, préserver au maximum la fluidité des joutes.

 

 

Mais John Wick : Parabellum sait aussi jouer des potentialités rythmiques du montage, tant il est frappant de constater comment sont structurées les séquences plus cadensées. Lors du gunfight canin situé à Casablanca, véritable morceau de résistance du troisième volet, il est frappant de voir que les coupes n’interrompent jamais les gestes, mais soulignent au contraire leurs enchaînements, ou démultiplient leur impact.

Ainsi, il est souvent frappant de constater comme le corps de Keanu Reeves agit à la manière d’une baguette de chef d’orchestre, insufflant à la caméra son humeur et au montage ses élans.

 

Photo Keanu ReevesGrand écart entre western, cinéma asiatique trip cartoon

 

KILLER KEATON

Enfin, ce corps au centre du déchaînement ultraviolent de John Wick et ses deux suites n’est pas un simple muscle délivrant des performances cinégéniques. Comme l’indiquait la séquence d’ouverture du deuxième chapitre, ce corps est un pur objet de cinéma, héritier glorieux de Buster Keaton.

 

 

 

Le comique et cascadeur, aux films d’un génie et d’une précision toujours sidérants, est le géniteur de toute la grammaire filmique de ce bon Monsieur Wick. D’ailleurs, l’humour toujours bien présent au coeur de la licence, y fonctionne selon le même schéma. Qu’il tue avec un crayon, qu’il fourre un assassin au plomb ou bourrine un concurrent dans des escaliers romains, le combattant devient un pur cartoon, une anatomie plastique dont les folies ont des airs de gags. Le résultat est fascinant, entre grâce et grotesque et prend une dimension supplémentaire dans John Wick : Parabellum.

En invitant à bord la crème de la baston asiatique, le film hybride l’énergie de Buster Keaton et la démence d’une tout autre école, martiale, stylistique et cinématographique. Le résultat est excessif et peut se permettre de rejeter toute notion de drame, tout travail des enjeux scénaristiques pour se transformer en pur trip expérimental, assaisonné au sang.

 

 

 

Affiche française

Tout savoir sur John Wick : Parabellum

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commentaires
KARA
25/05/2019 à 18:20

La saga John Wick pour ma part est le chaînon manquant justement entre le cinéma d'action américain, qui se veut un tant soit peu réaliste dans ce qu'il est physiquement possible de faire réellement, et le cinéma d'action asiatique presque de fantaisie câblée.
Là où les artistes martiaux asiatiques sont très souvent dépendant du câblage, les scènes d'action de John Wick restent physiquement réalisables, tout en empruntant le côté chorégraphique et "dansant" des films d'action asiatiques.
Pour ma part, des films comme Chocolate ou encore Raging Phenix sont parmi les plus impressionnants que j'ai vu en terme de démonstration physique de cascadeurs et chorégraphies martiales. On peut citer plus récemment la saga des Ipman et son spin-off, ou encore kung fu killer. Par contre désolé, je ne suis absolument pas fan de the Raid. ok les scènes d'action sont très cool mais classiques de ce que l'on voit dans le cinéma d'action thaïlandais, mais entre deux bastons, je me suis ennuyé ferme...

boubiedu06
23/05/2019 à 18:35

Franchement c'est très très TRES en dessous de The raid

JayT
22/05/2019 à 21:16

@Tenia et Kolby

Bonnes précisions vous avez raison. Secundo je parle de HK en mentionnant un film coréen (Bittersweet Life) qui de surcroit n’est pas axé uniquement sur l’action (il y a peu de scènes mais elles sont mémorables).
J’aurais plutôt du parler du courant de films comme Ong Bak ou The Raid qui capitalisent sur l’action pure et dure (et également moins le scénario). D’ailleurs on a souvent comparé Dredd au premier Raid pour sa construction verticale (un batiment des étages des levels).
J’apprécie également les 2 premiers John Wick mais il y a encore un petit je ne sais quoi qui leur manque et que j’espère trouver dans Parabellum ou pourquoi pas d’autres projets à venir.

Dans tous les cas si vous avez d’autres exemples de film d’action non stop méconnus, je suis toute ouïe car il y a un secteur à prendre dans ces plaisirs coupables.

On pourrait citer Hardcore Henry bien fichu mais ô combien épuisant sur la durée.

C’est pas si simple de faire de purs films d’action non-stop en fait.

Kolby
22/05/2019 à 18:55

@tenia
@jayT
Interdiction formelle de comparer film hk a celui de John wick. Le chinois a la chorégraphie et le sens du combat. La rédaction fait plutôt allusion et je pense a ses confrères américain comme Mr wolf , jack reacher et même mission impossible vue qu'ils vont dans le même sens. Ce qui a été la formation de staleski faire comme le cinemaHK. Et avec John wick c'est mission impossible accomplie au tiers...
Raison pour laquelle n'attend avec impatience triple head vue que c'est un mix entre Hollywood et HK

tenia
22/05/2019 à 18:01

@ JayT : Time and Tide et Bittersweet Life sont tout de même des films moins purement centrés sur l'action. Un paquet du film de Tsui Hark enquille les effets de style au-delà des pures scènes d'action (même le fameux plans des grenades est assez individualisé, et non intégré dans une chorégraphie ou le montage d'une séquence), tandis que A Bittersweet Life dépasse allègrement le pur film d'action pour s'orienter vers le film noir complet. D'ailleurs, y a combien de grandes scènes d'action dans le film ? 3 ? 4 ?
Ca n'enlève rien à leurs qualités respectives, mais ce ne sont pas, disons, Police Story, ou plus récemment Dredd, c'est-à-dire des films réellement et pleinement articulés autour de cela.

JayT
22/05/2019 à 17:24

@Alan Smithee

Oui tu n'as pas tort mais pour peu qu'on soit rompu aux films HK de la bonne époque (cela irait donc de la Shaw aux années 93 selon moi), John Wick n'apporte rien de bien nouveau même s'il le fait très bien (en dépit d'un scénario vraiment mince) et surtout une bonne part de violence frontale.

Mais c'est loin des claques que j'ai pu me prendre avec un Time and Tide ou un Bittersweet Life pour reprendre un style un peu plus récent et équivalent à l'odyssée de John Wick.

Pulsion73
22/05/2019 à 15:49

A la question posée dans le titre de l'info je répondrai par une autre question : Parce qu'en dehors des MI, la concurrence est faible ?

Alan Smithee
22/05/2019 à 14:53

@JayT

Oui mais John Wick sans atteindre les sommets du cinéma de Hong Kong est un bol d'air frais vu le marasme dans lequel est le cinéma d'action américain hormis Mission Impossible

JayT
22/05/2019 à 14:26

Ok les scènes d'action dans les John Wick sont démentes mais on a déjà vu bien mieux dans le cinéma d'Hong Kong et consorts.