Batman : The Killing Joke - pourquoi c'est grandiose, incroyable et incontournable

Prescilia Correnti | 30 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Prescilia Correnti | 30 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Près d'un an après la sortie Joker de Todd Phillips, nous nous sommes replongés dans Killing Joke. Un incontournable de l’histoire de Batman et du Joker.

C’est qu’il est un arc bien curieux et étrange que celui de Killing Joke. Sorti il y a près de 30 ans en 1988, Killing Joke est donc né de l’imagination de Brian Boland avec l'aide d’Alan Moore. Ce dernier décrira lui-même quelque temps plus tard après sa parution que c’est un comics « quelque peu maladroit, mal jugé et dépourvu d’importance humaine réelle ».

En d’autres termes, peut-être était-il un peu trop sombre, trop sévère, au point de ne pas être au niveau des autres monuments littéraires de l’écrivain comme Watchmen, V pour Vendetta ou La Ligue des gentlemen extraordinaires. Pourtant, Killing Joke jouit encore aujourd’hui d’une popularité hors-norme, si ce n’est carrément dantesque. Tim Burton dira d’ailleurs que Killing Joke est sa bande dessinée préférée : « c’est le premier comics que j’ai aimé ».  

À coup de millions d’exemplaires vendus, le célèbre comicbook (re)donne une interprétation au Joker, au point de marquer définitivement son histoire. Ils nous livrent une histoire haletante, violente, peinture d’une société moderne qui pousse l’homme au centre de l’histoire à devenir complètement. Un peu comme le Joker de Todd Phillips ? Alors, comment en une journée, un être humain peut tomber dans la folie ? C’est justement ce dont nous allons parler.

 

 

LA MEILLEURE DES BLAGUES

Dès les premières pages de Killing Joke, il est difficile de savoir où l’on va. Est-ce un comics sur le Joker ? Sur Batman ? Sur le Joker ET Batman ?  Brian Boland et Alan Moore nous propulsent directement dans l’enfer d’Arkham tandis que le Chevalier Noir surgit de l’ombre afin de trouver le Joker. Tout devient un peu plus clair lorsque l’on commence à entrevoir le sombre plan du Joker pour piéger le Commissaire Gordon et prouver une de ses théories qui lui est chère.

Si Killing Joke retient donc notre attention, c’est avant tout parce les deux auteurs ont été les premiers à présenter au grand jour le passé du célèbre antagoniste de Gotham. Bien que Brian Boland préfère appeler sa genèse une « histoire parmi tant d’autres que le Joker se crée dans son esprit déluré », le comicbook nous offre enfin un aperçu clair de son passé. Nous découvrons ainsi, au fil du récit entremêlé avec Gordon, la tragique histoire de la naissance du Joker. 

 

Alan Moore, Brian BolandC'est qu'on aurait presque de l'empathie

 

Avant de devenir le criminel le plus notoire de Gotham, nous apprenons donc qu’« il » était un assistant-laborantin ayant tout plaqué pour poursuivre sa carrière de comique. Convaincu d’avoir du talent. Malheureusement, il n'en a pas et ses shows peinent à attirer un public.

Ses patrons ne le « rappellent » jamais et le voilà de nouveau à la rue avec une femme enceinte jusqu’au cou, prête à accoucher dans trois mois, et une nouvelle bouche à nourrir. Alors qu’il rêve de les sortir de ce trou à rat putride qui sent la pisse et le rat crevé, « il » décide de se joindre à un groupe de mafieux et de les aider à piller une réserve dans l’ancien laboratoire d'usine chimique pour lequel il oeuvrait.

 

Alan Moore, Brian BolandTous les chemins mènent à l'usine chimique

 

Ce qui est intéressant, c’est que Brian Boland et Alan Moore arrivent à donner un peu de contexte au Joker au fur et à mesure du récit. Sans trop nous en donner à la fois, on dévore par petit morceau la triste histoire de ce malheureux bougre, dont une seule mauvaise journée l’aura conduit à une folie totale. On parvient à le voir plus humain, un homme simple, un peu niais dans l’espoir de poursuivre ses rêves fous, trop gentil pour voir qu’il s’embarque dans un traquenard dont l’issue sera fortement fatale (voire funeste) et qui comme n’importe quelle autre personne ne souhaite que le bonheur de sa femme et la prospérité de son futur enfant.

Le reste s’enchaîne très vite. L’opération tourne mal, l’un de ses comparses est tué et « il » se jette dans un lac artificiel rempli de produits chimiques. Altérant ainsi la couleur de sa peau, de ses cheveux, des rictus de son sourire…Incontournable. 

 

Alan Moore, Brian BolandEn même temps, il y avait de quoi péter un boulon

 

UNE JOURNÉE DE FOLIE

Tout l’intérêt de la pléiade du Joker, de son cirque, de son jeu du chat et de la souris avec Batman et Gordon, c’est bien toute sa prétendue démonstration que le « le plus sain d’esprit des hommes peut sombrer dans la folie en une seule journée. » En soi, n’est-ce pas ce que veut démontrer Todd Phillips dans son film ? Que même le plus joyeux des hommes, face à la cruauté de son monde, entouré de personnes détestables et égocentriques, peut perdre l’étincelle d’humanité qu’il avait en lui et devenir soit un fou marginal, soit un mouton suivant bêtement l’exemple.

Killing Joke, est, à quelque chose près, la même chose. Sauf qu’ici, le cobaye du processus de déshumanisation de l’être humain n’est autre que le Commissaire Gordon. Ce dernier, après avoir été kidnappé de force dans son appartement se retrouve donc nu comme un ver, attaché façon bondage, et obligé de plier genoux face à un Joker complètement déluré et récitant un monologue aliéné sur la folie elle-même, assise sur une pile de poupées désarticulées et sans tête. 

 

Alan Moore, Brian BolandQuand même plus sympa que dans Game of Thrones

 

Ce qui est particulièrement appréciable avec l’histoire de Brian Boland, c’est la manière totalement assumée et perfide avec laquelle le Joker se plaît à torturer et malmener James Gordon, ou plutôt son jouet en l’état actuel. On ne saura d’ailleurs jamais si ce dernier a réellement violé sa fille ou non. La page retranscrite n’affiche que des portions bien sélectionnées des photographies prises par le Joker et diffusées au Commissaire Gordon. Le dénouement restera donc à votre entière appréciation. 

 

Alan Moore, Brian BolandUn peu et on dirait presque les mêmes yeux que Marianne

 

C’est cette violence, cette frénésie d’horreur, de bouillonnement de rage dont peut faire preuve le Joker autant que Batman qui donne à Killing Joke une ligne de lecture totalement captivante. D’un côté, nous ressentons de l’empathie pour ce pauvre bougre dont la vie est ruinée en une fraction de seconde et de l’autre, on meurt d’envie de voir Batman arrêter l’ennemi numéro 1 de Gotham, devenu incontrôlable.

Brian Boland et Alan Moore nous livrent un antagoniste aliéné et fascinant dont on dévore avec avidité le récit. Est-ce que finalement l'enfer ne se trouve pas dans le monde réel ? Joker ne comprend pas comment les gens ne deviennent pas dingues comme lui ?

 

Alan Moore, Brian Boland"Rigole à la vie" 

 

UNE CHAUVE-SOURIS VERTE

Pour terminer cette (longue) explication de pourquoi Killing Joke est un comics culte, nous terminerons sur cette partie. Pour la simple et dernière bonne raison que Brian Boland et Alan Moore nous expliquent pourquoi Batman et le Joker sont deux êtres inséparables. L'un n'allant pas sans l'autre et inversement. L'un ne vivant pas sans l'autre. Car l'un ayant créé l'autre et chacun se donnant une raison de vivre et d'exister. 

Alan Moore, Brian BolandEt l'ombre planait toujours derrière lui


Nous apprenons donc que, au cours d'une course poursuite dans l'usine chimique, Batman, essayant involontairement d'aider son ennemi à s'arrêter, l'avait en réalité poussé à se jeter dans le bassin. Ainsi est né le pire ennemi de Batman et ironiquement, un besoin existentiel pour Batman de combattre le crime. Si après ça vous osez encore dire dans votre couple que ça va mal.

Cette relation néfaste est d'ailleurs le levier du comics dès les premières pages où l'on aperçoit au travers de cette scène mythique un Batman, bien décidé à comprendre et régler sa situation compliquée avec le Joker. À savoir qu’en d’autres, il est certain que la fin du jeu se trouve ici.

"J'ai réfléchi dernièrement. À propos de toi et moi. À propos de ce qui va nous arriver à la fin. On va s'entretuer, n'est-ce pas ? Tu me tueras peut-être. Je vais peut-être te tuer. Peut-être plus tôt. Peut-être plus tard. Je voulais juste savoir si j'essaierais vraiment d'en discuter et d'éviter ce résultat. Juste une fois."

Vous pouvez retrouver notre critique de Joker par ici. Ainsi que notre dossier sur les jeux Arkham de Rocksteady. 

 

Alan Moore, Brian BolandLes histoires de couple, toujours difficile

Affiche US

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commentaires
Alfred
01/09/2020 à 22:59

En 1988, les comics sont toujours soumis à l'auto-censure du CCA. En 1988, le label Vertigo (la branche indé et expérimental de l'éditeur) n'existe pas encore chez DC, les Elseworlds (les What if de DC) arriveront l'année suivante (avec Gotham by Gaslight de Mike Mignola, excusez du peu).

Ce que raconte Moore et Bolland - toute cette violence graphique et psychologique - avec un personnage aussi emblématique que Batman, dans un comics "canon" mais sans le sceau du CCA- cet histoire s'insère dans la continuité, Barabara Gordon peut en témoigner - est juste inconcevable à l'époque. (Watchmen concerne des personnages obscur et Dark Knight est un futur possible).

Trente ans après on peut penser que ce comics est un peu mal branlé, mal dessinée, mal écrit. Mais c'est une date importante, ce récit a ouvert des portes, à permis à d'autres auteurs de s'exprimer. il a modifié le visage de toute une industrie.

Pour prendre un exemple plus parlant, en lisant certains commentaires, c'est - à une autre echelle - comme si on disait "oui, les demoiselles d'Avignon" de Picasso, c'est sympa, mais il aurait pu faire mieux, sa compo bof quoi."

Pour finir, je ne surestime pas The Killing Joke. c'est un processus en marche depuis au moins deux décennies dans l'industrie qui permet à cette BD d'exister, Et elle aurait peut-être pu être faite par d'autre. Mais on ne peut pas la balayer d'un revers de la main.

Alfred
01/09/2020 à 11:53

Faudrait arrêter de se la jouer Top Chef.

Batman Killing Joke n'est pas la meilleur histoire jamais écrite sur le Joker, ni la moins bonne. C'est juste un comics essentiel dans l'histoire du comics book. Au même titre que le Flash of two Worlds, Dark Knight, Watchmen,, etc (pour aller vite et ne parler que de DC).

Que Moore désavoue aujourd'hui cette création n'est pas étonnant vu les soucis qu'il a avec DC. Et ce qu'il reproche surtout c'est l'héritage qu'il a involontairement laissé. participant à la vague "Grim and Gritty" des années 80-90. Alors qu'il espérait démontrer que l'on pouvait tout faire avec les super héros (démonstration qui trouvera son accomplissement avec ses comics ABC).

Pour qui s’intéresse aux comics, à leur histoire, à l'industrie qu'il y a derrière (se rappeler de sa date de publication, 1988), cette lecture est obligatoire. Et au demeurant c'est une très bonne histoire.

Détracteur
01/09/2020 à 01:08

Cette critique est un parfait exemple de vos goûts. Creux et inintéressant. C'est une très mauvaise histoire avec une très mauvaise fin. Tt comme the joker. Je vous conseille plutôt the dark knight (le comics ou le dessin animé. Pas les films) je doute quand même que vous puissiez en apprécier la qualité, qui est si supérieur

Flo
31/08/2020 à 14:24

...la réelle Fin de Batman : si le Joker arrive à le faire rire, c'est qu'il a gagné, il l'a rendu fou.

RobinDesBois
31/08/2020 à 09:34

"Tout l’intérêt de la pléiade du Joker, de son cirque, de son jeu du chat et de la souris avec Batman et Gordon, c’est bien toute sa prétendue démonstration que le « le plus sain d’esprit des hommes peut sombrer dans la folie en une seule journée. » En soi, n’est-ce pas ce que veut démontrer Todd Phillips dans son film ? Que même le plus joyeux des hommes, face à la cruauté de son monde, entouré de personnes détestables et égocentriques, peut perdre l’étincelle d’humanité qu’il avait en lui et devenir soit un fou marginal, soit un mouton suivant bêtement l’exemple."

Si Killing Joke a été une influence incontestable pour le Joker de Phillips je ne crois pas que ça soit ce que le film souhaite démontrer. Si je me rappelle bien (le film ne m'a pas laissé un souvenir impérissable j'ai bien aimé mais je le vois pas non plus comme un chef d'oeuvre) on apprend à travers le regard non fiable du Joker que celui ci a été élevé par une mère déséquilibrée et que c'était un enfant battu. La succession d'événements malheureux qui se produisent sur un court laps de temps ont certes été déclencheurs de sa frénésie de violence mais à priori le gars avait déjà de sacré problème psychologiques et par dessus le marché il est schizophrène donc c'est pas le même cas de figure que dans Killing Joke même si la base d'une très mauvaise journée est reprise.

jb681131
30/08/2020 à 22:26

Hmmm,

Oui les dessins de Boland sont top.
Mais comme le dit Moore lui même "quelque peu maladroit, mal jugé et dépourvu d’importance humaine réelle".

Le récit à seulement du succès car c'est d'Alan Moore, que pour la 1ère fois on a les "origines du Joker" et que la couverture est aguicheuse.

Mais ça reste reste très loin du meilleurs récit sur le Joker ! Donc pour moi, pas du tout incroyable. C'est comme dire qu'Avatar c'est incroyable et incontournable.

Mister J
30/08/2020 à 16:51

@Wesh94 des pauvres jaloux? La recette du gentil avant... Je ne sais pas tu as qu’elle âge et quel vécu pour répondre ce genre de choses mais tu n’a certainement pas été capable de comprendre le film. T’expliquer serait trop long, réécoute le dans 10 ans...

Constantine
30/08/2020 à 16:34

Alan Moore considère aussi que donner une origine au Joker était une erreur et persos je suis d’accord avec lui.

Constantine
30/08/2020 à 16:32

Alan Moore déteste cette histoire, Il en a honte. C’est le seul comics qu’il renie. Considérant entre autres que la violence y est mal traité ( notamment envers Barbara) et que le comics est vide et basé que sur les scènes et dialogues choques . Pour moi je trouve que le comics est bon , c’est un classique mais c’est vraiment loin de ses meilleurs œuvres....

Wesh94
30/08/2020 à 16:27

J'aurais tellement voulu voir le film joker à une autre époque. Ça m'aurait peut-être plus plu qu'aujourd'hui. Parce que la recette du "méchant qui était gentil avant" est devenu trop déjà vu. Je préfère largement le joker du gotham qui lui réussi à faire les fous de arkham , ses petits soldats plutôt que des pauvres jaloux des riches du joker de Todd.

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