Underwater : les monstres de série B sont-ils en voie de disparition au cinéma ?

La Rédaction | 13 janvier 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 13 janvier 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En salles depuis le 8 janvier, Underwater est un film d’horreur subaquatique qui nage dans le sillage d’Abyss et d’Alien, modèles revendiqués et assumés par le long-métrage de William Eubank. Si son univers nous est familier, dans ses influences, son atmosphère ou tout simplement son décor, il constitue un spécimen à part dans le paysage cinématographique actuelle. S’agit-il déjà d’une espèce menacée ?

 

photo, Kristen StewartKristen Stewart dans Underwater

 

LATEX ET TENTACULES

De séances de minuits en double-programmes, de drive-in en cinémas de quartier, jusque dans les tréfonds des vidéoclubs, les créatures en tout poil ont fait frissonner et divertit des millions de spectateurs, en quête d’aventures faciles et de dangers graphiques. Depuis Roger Corman, la série B s’est forgé une place à part dans l’inconscient collectif et la culture populaire, inventant des formes et des sous-genres.

Parmi eux, le film de monstre. Que la créature soit aquatique, spatiale ou d’origine terrestre, elle va déferler, des décennies durant, sous d’innombrables formes. Animaux sauvages ou créatures du lagon noir, ces monstres ont des formes innombrables et encombrent notre imaginaire à coups d’effets spéciaux bricolés, souvent approximatifs.

 

photoMutant Aquatique en Latex

 

Griffes de plastique et épidermes de latex vont ainsi composer un vaste bestiaire, qui sera brutalement renouvelé par le séminal Alien, le huitième passager. L’alliance de Ridley Scott, Dan O'BannonWalter Hill et H.R. Giger va emporter tout un pan du cinéma d’exploitation vers les cimes de la mise en scène, à la limite du cinéma expérimental. La légende est en marche, et les films de monstres (à fortiori les monstres venus de milieux hostiles ou extra-terrestres) ne seront plus tout à fait les mêmes.

Bien sûr, les Leviathan et autres M.A.L : Mutant aquatique en liberté continueront d’affluer, mais on sentira, régulièrement la tentation de retrouver cette horreur de première classe, un cauchemar d’auteur. Jusque dans une production, a priori, totalement B et décomplexée comme The Relic, on peut trouver une volonté de soigner la mise en scène, la gestion de l’espace et la direction artistique, qui laisse entrevoir combien le film espère se hisser au-dessus du tout venant monstrueux, en dépit de sa grosse bébête baveuse issue de la rencontre entre un Predator et le cerveau malade d’Ed Wood.

Alors que l’industrie hollywoodienne tente de faire de la nostalgie un matériau commercial déclinable à l’infini, la série B de monstres semble en passe de réapparaître, mais elle est en pleine mutation, comme en témoigne Underwater.

 

Photo XénomorpheLe choc Xénomorphe

 

UPPERBUDGET

Avec son intrigue qui dérape littéralement dès sa première séquence, son scénario ramassé, ses personnages charpentés mais fonctionnels et ses créatures en forme de clin d’œil à un pan essentiel de la pop culture horrifique, Underwater a tout pour s’inscrire dans la parfaite continuité des petites pelloches fauchées d’antan.

Un premier indice quant aux moyens dont bénéficie le métrage tient dans son décor. Sur le papier, tourner dans une station sous-marine/orbitale/service/de ski est avant tout une astuce autorisant à tourner avec un décor minimaliste, possiblement ténébreux. Mais ce n’est pas la voie empruntée par le film qui nous intéresse, qui préfère proposer un design complexe, une architecture variée, et quantité d’accessoires. En témoignent les combinaisons particulièrement classes que portent nos héros, dont on sent qu’elles ont été inspirées par des générations de jeux vidéo. Les décors extérieurs, même quand la lumière vient à manquer, sont vastes et profonds, jouant avec la mythologie des abysses imaginée par H.P. Lovecraft.

 

photo, Kristen Stewart, Vincent Cassel"Allez, c'est l'heure de la piscine !"

 

Sauf qu’il ne s’agit pas d’une bande fauchée, tournée devant trois feuilles décors, avec des créatures en mousse, mais d’un film produit par la Fox (avant que Disney ne rachète le studio) avec des comédiens identifiés, tels Kristen Stewart et Vincent Cassel, et fort d’un budget de 60 millions de dollars, hors promotion. Voilà qui n’en fait certes pas un blockbuster, mais dans un écosystème qui redoute comme la peste bubonique les scénarios originaux, non extraits d’une franchise ou d’un univers identifié, l’investissement est notable.

Et on remarque d’autant plus Underwater qu’il bénéficie d’une sortie en salles conséquente. Un luxe, à l’heure où les films de genre et autres séries B bourrées de super-prédateurs d’outre espace doivent désormais trouver d’autres terrains de jeu. Ce n’est pas un hasard si un film comme Le Rituel a été racheté par Netflix après sa discrète sortie britannique, tandis que le très intéressant The Monster a dû se contenter d’une sortie vidéo dans nos contrées.

 

photo, John Gallagher Jr."Ouais alors on a peut-être des super-combi, mais je ne sais toujours pas ce que je dois faire avec ce placenta-là."

 

MEURS MONSTRE MEURS

Et si on élargit le sous-genre à tous les types de monstruosités, on remarque que les productions qui parviennent jusqu’aux écrans de cinéma sont de plus en plus humbles, et de plus en plus éloignées du grand écran. Le dernier grand Prix du Festival de Gérardmer, Puppet master, n’est disponible qu’en VOD, quand Jeepers Creepers 3 a dû se contenter d’une diffusion télévisée. L’attaque animale n’est pas totalement ghettoïsée, mais en dépit de sa bonne réputation Crawl n’aura rapporté que 91 millions de dollars.

Le score est honorable, étant donné son budget de 11 millions de dollars, mais signifie clairement que la sympathique série B d’Alexandre Aja a eu du mal à fédérer au-delà des stricts amateurs de frisson. Plus proche thématiquement d’Underwater, le film Life : Origine Inconnue était lui aussi un récit voisin d’Alien, où des astronautes devaient affronter une forme de vie peu compatible avec la vieillesse.

En dépit d’une promotion intense, d’un casting solide (Ryan ReynoldsJake Gyllenhaal, Rebecca Ferguson) de critiques globalement enthousiastes et d’un budget de 58 millions de dollars, Life ne rapportera que 100 millions de dollars. On peut d’ailleurs se dire que cet accueil tiède est peut-être à l’occasion du silence radio d’Underwater (qui prend la poussière sur les étagères de la Fox depuis de longs mois, en dépit de son achèvement).

 

Photo Ryan ReynoldsDead poule

 

Programmé pour le mois de janvier, zone d’abandon traditionnelle pour les studios piégés par des projets dont ils ne savent pas quoi faire, Underwater n’aura été montré que très tardivement à la presse (l’embargo français n’a été levé que 5h avant les premières séances !). De toute évidence, le film paraît très mal engagé pour performer au box-office.

À l’heure où les franchises horrifiques sont des propositions de catho-porn ultra-propres sur elles, le film de monstre fait figure d’anomalie thématique et de risque économique. Les plateformes de streaming semblent avoir aspiré une bonne partie des fonds de catalogue bis, Netflix s’est fait une spécialité de sa ligne vidéoclub, tandis qu’Amazon ne rechigne pas à recycler des séries B en masse.

 

photo, Kristen Stewart"Il est où le monstre en mousse là ?"

 

Et à en croire ces mêmes acteurs du streaming, les spectateurs suivent. Par conséquent, produire aujourd’hui pour plusieurs dizaines de millions de dollars un film qui en coûtera encore un gros paquet à marketer, c'est également courir le risque d’une interdiction, le privant du jeune public, le plus susceptible de se ruer en salles, alors que ses spectateurs sont de plus en plus distincts du grand public qui adhère à Marvel. Tout cela semble donc terriblement risqué.

C’est la raison pour laquelle, malgré son charme, sa réussite technique et toute la sympathie qu’il nous inspire, Underwater fait office de curieux spécimen, qui pourrait bien être un des derniers de son espèce.

 

Affiche fr

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commentaires
Simon Riaux
14/01/2020 à 17:07

@Nigolo

Pas sûr que boycotter le travail de quelqu'un soit la meilleure façon d'être en position de commenter le dit travail.

En tout cas si j'étais acteur, je pense que je rêverais pas mal d'avoir un CV aussi pathétique.

Nigolo
14/01/2020 à 17:05

Le probleme c'est que Kristen Stewart est une actrice nullissime, avec un discours trop gauchiste et LGBT. Elle joue de plus dans 90% de films bidons, il n'y a qu'à regarder sa filmographie pitoyable. Rien que pour çà, je boycott d'office tous les films dans lesquels elle joue

pere colateur
14/01/2020 à 13:44

Certains comme the big quenottes et tout plein d'autres , doivent élaborer le top 10 de leurs films préférés en fonction du box office. Bienvenu a ces nouveaux cinéphiles qui ne vont jamais au cinéma mais qui tiennent des carnets de comptes. Pitoyable .

Geoffrey Crété - Rédaction
13/01/2020 à 15:42

@The Big Keynote

Juste à noter que le film aurait coûté 60, pas 80. Chiffre repris par tout le monde, mais démenti avant la sortie.
Après, que le film se plante ne nous semble pas dire clairement que Kristen Stewart est la responsable. Life s'était n'avait pas franchement brillé avec le même budget, et malgré Jake Gyllenhaal et Ryan Reynolds. Et un film de guerre a toujours été plus simple à vendre, nettement plus qu'un film de gros monstre sous-marin...

The Big Keynote
13/01/2020 à 15:21

ah mais je me marre! j'attendais que le film "underwater se viande, Kristen Stewart est horripilante, elle se plante de film en film, ;;;bilan sur le site de box office Mojo, le film Underwater cumule 7 petits millions de dollars pour une mise de 80 millions...
sur tout que çà fait deux ans qu'io est en boîte,,,
au moins l'un des rares films que je compte aller voir cette année marche bien, c'est "1917", voilà un film tourné en réel, avec le minimum de cgi,alors il recolte 39 millions pour ses débuts

critters
13/01/2020 à 15:02

@ Simon riaux

Qu'es ce qu'attend disney pour rebooter alien contre predator ?

Simon Riaux
13/01/2020 à 15:02

@MystereK

hello !

Oui tout à fait, j'entends bien votre remarque sur l'historicité du terme. Je voulais juste rappeler qu'il n'était plus (y compris aux Etats-Unis) usité de la sorte.

Geoffrey Crété - Rédaction
13/01/2020 à 15:00

@relic

Surtout qu'on a encore récemment reparlé du film, en vidéo :)

https://www.youtube.com/watch?v=RuS1Tgfgi8Q&t=69s

MystereK
13/01/2020 à 14:57

Bonjour Simon

il suffit d'ouvrir un dictionnaire français-anglais ancien pour trouver que la définition s'appliquait d'abord au succès sans notion d'investissement, ni même aux films, dans ces dictionnaires. Au début, ce terme ne s'appliquait pas que dans l'industrie mais par exemple aussi aux livres, c'est le top des best-sellers. Ce termes est également appliqué en finance depuis des décades (ça c'est mon métier, alors je suis très affirmatif) pour décrire un produit financier qui a beaucoup de succès. C'est effectivement avec la naissances des succès de Jaws, Star Wars, etc... au cinéma que le terme a dérivé, surtout dans le monde du cinéma, vers une notion de budget, mais à la base, il n'en était pas questions, les produits pour lesquels il était utilisé n'avaient aucune notion de budget (peut-être un peu pour les produits manifacturés de l'industrie, mais rien à voir avec les sommes dont on parle au cinéma).

Mais en fin de compte, tout cela n'est pas si important est on ne va pas se prendre la tête pour cela :), il a aujourd'hui une définition qui a évolué, et c'est comme cela que la plupart des personnes l'utilisent. Bien à vous.

Simon Riaux
13/01/2020 à 14:57

@relic

Arf, question de temps.
Disons que consacrer un papier à The Relic, tant qu'on n'a pas une grosse diffusion/réédition dans le viseur, c'est consacrer du temps pour quelque chose qui sera peut-être plus le plaisir du rédacteur que l'intérêt du site.

Mais je pense qu'à la seconde où quelque chose comme ça se profile, on sera plus d'un à avoir envie de se lancer à la rédac ;)

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