Sonic : l'incroyable film abandonné qui aurait pu révolutionner les années 90

Mathieu Jaborska | 8 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 8 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Qu'on le veuille ou non, le Sonic de Jeff Fowler est désormais en salles. Mais ce n'est pas la première fois que le hérisson bleu fait parler de lui au cinéma.

Le film mettant en scène un Sonic exilé dans notre superbe monde a créé le débat, mais a néanmoins cartonné, signant un démarrage assez impressionnant à une semaine de Birds of Prey. Dès l'annonce du projet et de son pitch, Sonic le film était controversé. Les premières images révélant un design à peu près aussi agréable à l'oeil qu'un décollement de la rétine avaient pour le moins jeté de l'huile sur le feu, laissant les fans à leur désespoir. Malgré le redesign et le burn-out de la moitié des animateurs d'Hollywood, la question reste d'actualité : Sonic sur Terre, était-ce une bonne idée ?

Mais grâce au livre de Luke Owen intitulé Lights, Camera, GAME OVER!: How Video Game Movies Get Made et à un article du site californien Kotaku, il est possible d'avoir une idée très précise du film Sonic des années 1990. Eh oui, dans cette décennie noire pour les jeux vidéos où toutes les franchises ont perdu des plumes, la saga phare de Sega aurait également pu passer à la moulinette. Est-ce que ça aurait été pire ? Difficile à dire. Est-ce que ça aurait été mieux ? Définitivement pas.

 

photoLa quête de l'anneau

 

SONIC MANIA

Comme d'habitude, ça part d'une histoire de gros sous. En 1983, la série Les Maîtres de l'univers débute sa diffusion et donne un très gros coup de pouce à la vente de produits dérivés, en plus d'inspirer un glorieux nanar au summum du kitsch. Quelques années plus tard, en 1991, Sonic débarque sur les Mega Drive, Master System et autres Game Gear, et c'est un hit qui engrange une suite dès 1992, Sonic 2. Tom Kalinske, alors patron de Sega, décide de concevoir une publicité similaire afin d'écouler par millier les jeux et les consoles et de mettre une petite rouste au plombier concurrent.

En 1992, Michealene Risley est embauchée à la tête des produits de divertissement et elle se charge de passer un accord avec ABC afin de concevoir une série animée autour du hérisson désormais célèbre pour les joueurs amateurs de vitesse. Elle lance donc deux programmes : Les Aventures de Sonic, le plus connu, développé à destination des jeunes enfants après l'école, et Sonic the Hedgehog, un peu plus mature. Les deux séries remplissent leur rôle et font encore un peu plus de Sonic une icône pour les gosses des années 1990. Le personnage est désormais très ancré dans l'imaginaire collectif. Il est donc temps de passer à l'étape supérieure.

 

photoSonic the Hedgehog, les yeux plus gros que le ventre

 

CE RÊVE BLEU

C'est la grande époque des adaptations foirées de grosses licences vidéoludiques, lancées dans les mêmes conditions : la franchise fonctionne, il faut capitaliser le plus vite possible dessus. Sur ce modèle, Super Mario Bros. sort en 1993, Street Fighter et Mortal Kombat en 1995. En 1993, Risley s'emploie donc à chercher des partenaires pour transférer Sonic du petit au grand écran, en prises de vue réelles bien sûr, sinon ça ne serait pas drôle. Bingo ! En août 1994, Sega s'associe avec la MGM et Trilogy Entertainment pour produire le premier film de la licence. Risley s'en souvient comme d'un moment crucial pour son entreprise.

"En gros, je menais le film Sonic. Je ne sais pas qui a eu l'idée - que ce soit Tom [Kalinske] ou Shinobu [Toyoda, vice-président exécutif] ou moi, ou qu'on en ait parlé en groupe, mais venant du monde du cinéma, j'encourageais toujours ces choses. Et quand on a eu le feu vert du Japon pour poursuivre le film, nous n'étions qu'un petit groupe à travailler dessus. Je trouvais des partenaires, Shinobu parlait avec le Japon et Tom s'assurait que tout allait bien. Parce que, encore une fois, ce n'était pas juste un film - c'était quelque chose qui pouvait affecter la marque en entier."

 

photoLa meilleure partie de Mortal Kombat

 

Kalinske, de son côté, se montre méfiant. Il est satisfait de la série d'animation, mais la perspective d'un long-métrage ne l'enchante pas plus que ça. La tronche de Dolph Lundgren dans Les Maîtres de l'univers n'aurait pas été si profitable au business de Mattel. L'homme s'était opposé par exemple à l'adaptation de Barbie par Edward R. Pressman.

Selon lui, l'actrice embauchée pour un tel rôle pouvait abîmer l'image de marque Barbie avec sa vie personnelle. Traduisez : si on la retrouve dans les tabloïds, les parents auront moins envie d'acheter des poupées à leurs enfants. Autres problématiques plus tardives : les bides critiques de Mortal KombatSuper Mario Bros. et Street Fighter, trois oeuvres qui ont cependant très bien vieilli, et qui étaient même plus que ça selon Kalinske :

"Et c'était de bonnes marques ! Il y a vraiment la peur qu'un mauvais film puisse potentiellement faire du mal à votre marque. La marque Sonic était assez forte pour probablement résister à ça, mais il y a cette peur."

Pour Risley, ces signes avant-coureurs ne sont pas vraiment un problème. Épaulée par la MGM et Trilogy, elle approche un scénariste, Richard Jeffries, à l'époque auteur de deux films d'horreur, Psychose meurtrière et Scarecrows, mais aussi ancien collaborateur de Risley. L'artiste se met d'accord avec la firme pour écrire une intrigue prenant en compte l'arrivée imminente de la nouvelle console Sega, la fameuse Saturn, dont la première version a été présentée en 1994 au Tokyo Toy Show. Mieux encore : le film devrait se dérouler en parallèle du nouveau Sonic développé à cette occasion, Sonic X-treme, une opération de communication rondement menée.

 

Sonic X-tremeSonic X-Treme et ses graphismes... extrêmes

 

HOW IT SHOULD HAVE ENDED

Pour Michealene Risley, ce sont les exécutifs japonais qui ont tué le projet dans l'oeuf. Elle accuse aussi les développeurs des jeux, peu enclins à voir leur bébé transformé en anomalie numérique. Eh oui, il s'agissait bien d'un film en prises de vue réelles avec un personnage en CGI, à l'instar de cette dernière version. Mais les effets spéciaux digitaux en 1994, c'était la promesse d'un cachet visuel atroce, loin, très loin du Jar Jar Binks de George Lucas ou du Gollum de Peter Jackson.

Un producteur associé à Trilogy Entertainment, Pen Densham, a lui avancé que l'annulation venait en partie de désaccords entre sa société et Sega. les deux compagnies avaient des visions extrêmement différentes de l'histoire, ce qui a conduit Trilogy à se retirer de l'affaire. Pour Jeffries, tout ça n'était qu'un problème économique.

 

photoMine de rien, c'était une révolution

 

"Mon sentiment à l'époque - et je pourrais me tromper - mais la raison pour laquelle les films échouent entre Hollywood et le monde des jeux vidéos, c'est que chaque camp pense avoir droit à 75 % de l'accord. Juste sur des termes financiers. Mais ça pourrait être, chez Sega, le fait que les groupes de discussions ne répondaient pas de l'évolution du personnage et que l'apogée du personnage était derrière eux. Peut-être qu'ils espéraient qu'un film pourrait aider à redynamiser tout ça. Mais peut-être que c'était une réponse vis-à-vis d’où Sonic allait, et peut-être que la MGM en est venue à cette conclusion par elle-même. Je ne sais pas."

De toute façon, le concept sur lequel reposait le projet était lui aussi en train de se déliter. Le fameux Sonic X-Treme, censé être le premier jeu de la franchise en 3D, est resté très longtemps en developpement hell, ce laps de temps où rien n’avance, pour finalement être annulé à la suite de la maladie de deux des programmeurs principaux. Sonic a raté le coche des débuts de la fameuse Saturn et la console est rentrée dans l'histoire comme un échec cuisant pour Sega, ne faisant pas le poids face à la concurrence de Super Mario 64 ou Crash Bandicoot. L'échec du film Sonic coïncide donc avec le début du déclin de la célèbre firme plus forte que nous.

 

Sonic 2Tale of Tails

 

SONIC ADVENTURES : PART 1

Heureusement, le traitement de Richard Jeffries, intitulé "Sonic the Hedgehog: Wonders of the World" et rendu à Sega en mai 1995, a survécu.

On y suit un enfant de 12 ans nommé Josh. Lors de l'introduction, il lit un devoir en classe à propos d'un pilote nommé Sonic, tué dans un accident d'avion alors qu'il essayait de battre des records de vitesse. Néanmoins, le devoir n'est pas terminé et le jeune garçon tente de restituer la fin de son essai de mémoire. Furieux, son professeur lui demande de le terminer pour le lendemain sous peine d'appel des parents. Les parents en question viennent de divorcer. Par conséquent, Josh n'est pas vraiment dans ses baskets, régulièrement ignoré. Pire, il s'imagine que la situation est de sa faute.

 

photoAu moins, il n'y avait pas de danse Fortnite

 

Il est récupéré à l'école par son père, Hal, un petit génie de l'informatique au chômage. Pendant son temps libre, il a fabriqué un ordinateur doté d'une intelligence artificielle et d'un système de mémoire holographique intitulé XRI (eXtremely Radical Intelligence). Après le diner, Hal s'absente et demande à son fils de ne pas toucher à sa création. Bien sûr, comme tout gosse curieux qui se respecte, Josh va se faire un plaisir de braver l'interdiction et demander à l'intelligence artificielle de l'aider pour son devoir. Le XRI ne reconnait pas le nom Sonic. Pas grave : dans un geste d'une intelligence impressionnante, le gamin connecte sa Sega Saturn (seulement 299,9 dollars dans toutes vos grandes surfaces) à la machine, histoire de montrer un peu qui est Sonic.

Sur le traitement, on peut littéralement lire "C'est là que des choses étranges se passent. Sonic ne répond plus à la manette et se découvre un libre arbitre."  Traduisez : Sonic sort du jeu, pour le plus grand plaisir de nos rétines, accompagné par son ennemi le Docteur Robotnik, qui attendait depuis des années de faire irruption dans le monde réel. Ce dernier embarque avec lui un petit groupe de sbires, eux aussi censés être en CGI. Les deux personnages s'enfuient. Le monde n'est pas tendre pour le hérisson véloce, qui se mange les poteaux dans la rue. Difficile donc pour lui de traquer le bad guy.

 

photo, Jim CarreyRobotnik version Jim Carrey

 

SONIC ADVENTURES : PART 2

Quand Hal revient chez lui, tout est en ruine et Josh accuse des cambrioleurs. Sa mère Lisa déboule et se dispute une fois de plus avec son ex-mari, au grand désespoir de leur fils. Celui-ci va donc dormir chez sa génitrice, mais un Sonic fatigué le réveille pendant la nuit. On se croirait presque dans un film d'horreur. Pour retrouver son énergie, il a besoin des émeraudes du Chaos, qui par chance existent aussi dans notre monde, sous la forme de cailloux ordinaires. Le duo trouve une de ces roches et Sonic reprend des forces. Josh demande un peu de ce pouvoir à son nouvel ami, qui lui en laisse juste assez pour terminer son devoir en 30 secondes. Il lui explique ensuite qu'il ne faut pas utiliser un tel pouvoir avant de savoir le maitriser.

 

émeraudesLes fameuses émeraudes

 

Robotnik, lui, s'est installé dans un parc d'attractions et utilise le pouvoir des émeraudes pour dominer le monde, en toute simplicité. Il recrute une bande de sales gosses qu'il transforme en robots oppressifs, les "Bullibots" (oui, oui), chargés de casser tous les cailloux pour en extraire des gemmes.

Hal se trouve alors un nouveau boulot, mais Sonic et Joh découvrent qu'il consiste à créer un manège en réalité virtuelle à partir du XRI. Complètement gratuit, le parc de Robotnik est forcément un franc succès pas du tout louche. Mais nos deux héros se rendent compte que le manège en question servirait à transformer tous les enfants en robots. Plus réaliste encore, le méchant docteur souhaite en réalité utiliser les émeraudes de Chaos pour digitaliser les merveilles du monde comme l'Everest ou la forêt amazonienne grâce au XRI et faire payer le monde pour les voir. Le rêve de Jeff Bezos, en somme.

 

photoLe Robotnik 2020 n'y a même pas pensé

 

À l'issue d'une scène de poursuite qu'on imagine palpitante, Sonic est capturé. Josh essaye de tout raconter à ses parents, ce qui ne marche évidemment pas. En parallèle, les enfants robotisés rentrent chez eux et se montrent inhabituellement sages. Inspiré par un discours prononcé précédemment par Sonic (se battre pour ce qu'on croit, ce genre de choses), le gosse s'en va affronter son ennemi et libérer son ami. Tout se passe comme prévu, jusqu'à ce que les enfants se retrouvent enfermés dans le monde du jeu vidéo.

Les personnages principaux se bastonnent avec Robotnik. Sans grande surprise, ce dernier est défait et promet de revenir pour détruire encore l'univers. Tout le monde est sauvé, mais Sonic dit devoir rester dans le jeu pour veiller à ce que ça n'arrive pas. Tout le monde pleure, Hal détruit sa machine, évidemment trop dangereuse, et la famille en ressort bien sûr grandie. Avant de débrancher l'engin, Josh remarque que son ami lui fait un clin d'oeil sur le coin de l'écran. Youpi, il y aura une suite !

Bref, Sonic version années 1990 aurait peut-être accompli l'exploit de marquer durablement sa décennie grâce à ses effets spéciaux, cependant, elle aurait aussi définitivement fait partie de cette flopée d'adaptations mercantiles et artistiquement douteuses. Visuellement, l'idée d'un tel personnage animé en CGI, à une époque où cette technologie en était encore à ses balbutiements, fait froid dans le dos, mais nul doute qu'elle aurait marqué les esprits si elle s'était concrétisée. Aujourd'hui, Sonic le film est moins destiné à vendre des jeux que des tickets de cinéma. C'est peut-être mieux pour tout le monde.

 

Affiche française

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commentaires
Zapan
08/01/2021 à 19:37

Ce Sonic a été une vrai surprise je trouve, un bon film familial avec un JIM CARREY dans ses meilleurs moments. Il porte le film comme il sait si bien le faire.

Bref, le tournage de la suite est prévu pour Mars et j'ai hâte de voir Jim Carrey en Robotnik à la degaine encore plus proche de celui des jeux video.

Jj
21/02/2020 à 11:08

Moi trouve sonic pas mal commun ni exagérer trouve ça juste équilibre commun sonic a la belle époque moi trouve sympa aussi dynamique la vérité cote casting rien a dire très franchement ça veut la peine de voir ciao peace goodbye l aura suite comme dis l autre il faut manger ciao

RobinDesBois
21/02/2020 à 02:36

@Olivier637 Même interrogation que toi, j'arrive pas à discerner si c'est du second degré. Je les avais bien aimé à l'époque parce que j'étais gosse, surtout Mario mais de là à dire qu'ils ont bien vieilli :o Ils faisaient déjà nanards vieillots quand ils sont sortis.

Kolby
21/02/2020 à 01:09

Assez bien vieilli, ce n'est pas du second degré mais une réalité...
Depuis ce temps aucuns films jusqu'à présent tiré des des jeux ne les vaut. On serait tous très heureux de tomber sur ces films en les rematant encore et encore.

Shadow the Hedgehog
20/02/2020 à 15:05

Perso, je préfère Mortal Kombat: Annihilation.
Mais en vérité, je peux comprendre ton désarroi !

Olivier637
20/02/2020 à 14:47

Possible.

Mais avec EL on sait jamais. Y a peut être des fans déviants.

Et perso j adore mortal kombat.

La bise

Shadow the Hedgehog
20/02/2020 à 14:37

@Olivier637

Mais t'es un peu bête, non ?

Olivier637
20/02/2020 à 14:35

Bon article mais quand même:

« Mortal Kombat, Super Mario Bros. et Street Fighter, trois oeuvres qui ont cependant très bien vieilli« 

Là franchement vous êtes chauds bouillants. Ou alors je suis trop teubė pour capter le 2e degré.

...

Nan sérieux désolé encore, c est du 2e degré ? Vous me perdez complètement des fois

Knuckles
20/02/2020 à 13:19

Très bon article !