Troie sur Netflix : pourquoi le péplum avec Brad Pitt est déjà un classique

La Rédaction | 28 août 2021
La Rédaction | 28 août 2021

Et si on reparlait de Troie, le péplum réalisé par Wolfgang Petersen, avec Brad Pitt ?

De sa sortie en salles en 2004 à son arrivée récente sur Netflix, en passant par le director's cut en 2007 (avec environ 30 minutes inédites), Troie est resté un sujet de discussion pour beaucoup de cinéphiles. Réalisé par Wolfgang Petersen (L'Histoire sans fin, Air Force One, En pleine tempête), vendu sur les muscles d'un Brad Pitt épaulé par Eric Bana et Orlando Bloom, le péplum a été froidement accueilli par la critique, mais a rencontré son public.

Et malgré Brad Pitt lui-même qui reconnaît n'avoir aucun amour pour le film, le souvenir Troie reste vif dans la mémoire de beaucoup de gens. Régulièrement cité par les spectateurs comme une des grandes réussites du genre de ces dernières décennies, le film mérite d’être revu et réévalué, alors que le temps semble estomper certains des défauts initialement pointés du doigt.

 


 

NIQUE TA GUERRE

La promotion du blockbuster avait mis énormément d’emphase à communiquer sur l’entraînement de toute son équipe, formée afin de pouvoir retranscrire au mieux la violence des affrontements émaillant ce siège mythique. Une décision assez classique pour ce type de productions, mais dont les résultats sont frappants, voire carrément saisissants.  

Pas encore devenu le producteur à succès et à Oscars qu’il est aujourd’hui via sa structure Plan B (Ad Astra, 12 Years a SlaveMoonlight), Brad Pitt est alors un comédien au fait de sa gloire, et pour jouer Achille, il s’est donné les moyens de se transformer en demi-dieu grec. Sa stature est particulièrement impressionnante, mais c’est surtout son engagement physique, l’acteur n’ayant pas eu recours à des cascadeurs ou doublures lors de ses scènes de combat, qui marque la rétine. 

 

PhotoUne version assez radicale d'Intervilles

 

Alors qu’il se bat en duel avec Hector (Eric Bana) la tension émanant de la scène est remarquable. Sans doute conscient d’avoir une véritable carte à jouer lors de ces scènes d’affrontement, le réalisateur Wolfgang Petersen propose un découpage d’une immense rigueur, qui permet de ressentir toute la violence de ces échanges. Les coups pleuvent, toujours lisibles, traduisant idéalement l’évolution de la situation, les émotions des belligérants et finalement l’issue irrémédiable d’un combat dont les participants sont réduits à leurs attributs guerriers, avant leurs valeurs ou leurs principes. 

Les mêmes qualités forment la signature des grandes séquences de batailles. Fort d’un millier de figurant, Troie a veillé à leur assurer une véritable formation de plusieurs semaines, afin de garantir que les mouvements de troupes comme les affrontements jouissent d’un impact véritable. Bien sûr, ces scènes sont rehaussées d’effets numériques, mais la puissance, comme la brutalité, qui s’en dégagent n’a que très rarement été égalée. 

 

photoUn prêt à tout pour satisfaire sa soif de puissance

 

GAME OF TROIE

Wolfgang Petersen s’est souvent penché sur des récits au fort potentiel tragique, représentant des groupes ou des institutions forcés de survivre au sein d’un mouvement plus global, engendrant une inertie périlleuse. Dans Le Bateau, dans En pleine tempête, ses héros devaient manœuvrer, souvent au prix de leur vie, pour agir en tant que collectif, mais aussi comme individus. 

C’est la même tension, source de tragédie, qui s’exprime ici. Achille doit mener une guerre dans la guerre à laquelle il ne croit pas initialement, pour la gloire d’un roi qu’il méprise. Les troyens, et Hector leur prince, sont entraînés dans un conflit meurtrier à cause des amours inconséquents de Paris (Orlando Bloom). Tous doivent naviguer entre leurs passions ou devoirs individuels, en tentant de survivre aux périls qu’engendre le groupe. 

 

Photo Brad PittVers un destin cruel

 

Si Petersen a toujours su embrasser ce type de récit, il est ici aidé par un scénariste alors quasi-inconnu, qui deviendra une dizaine d’années plus tard un des créateurs les plus courus d’Hollywood. Il s’agit de David Benioff, futur co-créateur de la série Game of Thrones. Lui aussi a ses idées sur comment doper la dramaturgie d’un récit connu de tous, et va expérimenter quelques effets qu’il va parfaire sur la série de HBO. 

Ainsi, quand Achille affronte en duel Boagrius et le tue d’un unique coup d’épée, impossible de ne pas y voir la répétition de la démonstration de force de Daario contre le champion de Meereen. De même, Benioff s’accomode très bien de l’absence de Dieux, et pour cause, son propos est bien incompatible avec le folklore mythologique. Il entend montrer, avec sécheresse et dureté, que les plus grands principes ne font pas les vainqueurs.

 

photo, Brad PittNe lui parlez pas de son talon

 

Peu importe que les Grecs provoquent une boucherie pour une raison bien triviale, peu importe que les Troyens fassent preuve de nuance et d’humanité. Si Hector meurt, ce n’est pas parce qu’il est moins valeureux qu’Achille, mais parce que ce dernier est un guerrier plus accompli. Quant au héros guerrier d’Agamemnon, tout grand combattant qu’il soit, il ne survivra pas à quelques secondes d’inattention. 

Comme bien plus tard dans Games of Thrones, ce n’est pas la morale qui punit les hommes, mais bien leurs erreurs. Une idée présente dans le poème d’Homère, mais qui est ici au premier plan, et va marquer le public, notamment lors de la dernière heure du récit, où les passions de tous les protagonistes provoquent un massacre terrible.

 

photo, Brad Pitt, Rose Byrne"A Troie, on y va !"

 

SANDALES, PATATES, OIGNONS

Pourquoi Troie a-t-il si longtemps été déconsidéré à côté d’un Gladiator ? Pourquoi fut-il bien moins commenté qu’un 300 ? Peut-être à cause de sa mise en scène extrêmement classique, qui ne l’approchait ni de la mise à jour stylistique du premier, ni du trip graphique expérimental du second. De même, ce métrage choral se focalise curieusement sur le personnage d'Achille.

Remarquablement interprété par Pitt, qui en fait une sorte de super guerrier... mais cette lecture du personnage réclamait des contrechamps forts. Et le beau Brad a beau être accompagné par une galerie de comédiens Shakespeariens en diable, notamment Brian Cox et Eric Bana, le scénario ne leur laisse jamais assez d'espace pour que le spectateur se décolle la rétine d'un héros qui manque un peu de chair aux entournures.

 

Photo Eric Bana, Orlando BloomLe charisme : une inégalité fraternelle

 

Peut-être également parce que le blockbuster souffrait d’un problème au cœur de son réacteur. On l’a dit, le film déploie une belle énergie tragique, mais son studio y voyait plutôt une métaphore guerrière un peu basse du front, où les Grecs auraient symbolisé les USA et leur gloriole militaire. Un programme épais, qui interdit parfois au réalisateur de faire preuve de la nuance qu’il vise à atteindre. Ainsi, le blockbuster semble parfois incertain, entre critique de l'orgueil meurtrier des Grecs et glorification de leur bon droit.

De même, si Benioff travaille avec malice les particularités qui feront la valeur de son travail, il est encore loin de la finesse des dialogues qui feront la réussite de Game of Thrones. Plusieurs échanges sont terriblement mécaniques, voire ampoulés. C’est d’autant plus étonnant que débarrassé de sa gangue mythologique, ce Troie appelait une écriture qui accompagne la brutalité de ses scènes d’action. 

 

photo, Brad PittLa colère d'un titan

 

D'ailleurs, le scénariste a eu le nez plutôt creux en proposant une version du récit dénuée de Dieux, se permettant de surprendre le public familier avec L'Odyssée et L'Iliade d'Homère. Mais parce qu'il n'en change pas du tout la structure, il fait face à un gros problème d'articulations narratives. Conserver le déroulé du récit, sans les Dieux, c'est rendre difficilement crédible ou compréhensible plusieurs retournements de situation, dont on sent qu'il a bien du mal à les justifier.

Ces défauts sont bien loin d’annihiler toutes les qualités du péplum, mais à l’aune d’un film de 2h43, il était bien difficile d’en faire abstraction lors de sa découverte. Voilà qui explique sans doute sa réception un peu fraîche. Pour autant, après 15 ans de super-héros virevoltant sur fond vert, et moult blockbusters ayant, pour ainsi dire, renoncés aux méthodes de filmage traditionnel, le savoir-faire qui émane de Troie fait encore un bien fou.

 

 

Tout savoir sur Troie

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Kyle Reese
03/09/2021 à 00:49

Merci pour l'article et surtout les commentaires parlant de la director's cut que je viens de découvrir. Waouh, dans cette version Troie est LA tragédie grecque par excellence.
3h de pur cinéma, on sent l'amour de Petersen, de Pitt et de tous les participant pour le sujet.
Ca prend son temps, les persos vivent, respirent.
Comment j'aurai aimé découvrir ce film dans cette version dés le début. Comment les collégiens qui vont lire l'Iliade vont pouvoir se régaler en découvrant ce film.
Pitt est énorme et curieusement antipathique pendant les 3/4 du film jusqu'à ce qu'il découvre le sens de la vie humaine, l'amour. C'est beau, émouvant. Bana est excellent et revoir Peter O Toole dans un film épique fait plaisir, sans oublier Brian Cox génial etc ...
Je ne comprend pas les critiques des SFX, ils passent encore très très bien. Un film tellement plus épique, et tangible que les 2 derniers Avengers, avec une superbe mise en scène, des décors et costumes magnifiques avec une multitudes de détails. Avec cette version longue j'ai eu la sensation d'avoir été témoin du mythe. On s'y croirait. Hâte de retrouver le même genre de film épique avec le Dune de Villeneuve, ça me manque.

Yes
30/08/2021 à 11:52

Un de mes films préférés, director's cut en blu ray à la maison avec la collection exposée dans le salon

Grift
30/08/2021 à 08:59

@gog
Merci pour ton anecdote :) Elle m'a bien fait sourire :)
Et bien phase avec ton analyse ensuite (même si il faudrait que je revois Troie, car à l'époque je faisait parti de ceux qui avait trouvé ça sympa mais pas reussi)

Szalem
29/08/2021 à 13:10

Aaaaah Briseïs...

Rose Byrne...

Gog
29/08/2021 à 02:48

J'étais en primaire, un pote fan de age of mythology avait vu ce film et m'a dit que je devais le voir parce qu'il était trop cool. J'ai dit à mon père que je voulais le voir et il m'a demandé deux choses :
1-est-ce qu'il y a de la nudité
2-est-ce qu'il y a de la violence
J'ai demandé à mon pote s'il y avait de ces deux choses dans le film. Réponse, non.
Mon père m'accompagne donc voir ce film, je me rappelle encore du gars avant nous qui demande une place pour l'armée des morts de Zack Snyder. Bref.
Le film commence. La scène d'introduction :
1-Brad à poil avec une meuf
2-ça enchaîne avec Brad qui trucide un géant en lui plongeant sa lame en travers du coeur depuis l'épaule.
Reste du film : régulièrement du sexe, régulièrement du sang à l'écran, mise à mort diverses, Hector traîné par les pieds, pillage de Troie.
Moi :...
J'ai pas osé regardé mon père jusqu'à la fin du film. Encore aujourd'hui je suis pas sûr de savoir pourquoi il m'a pas engueulé pour lui avoir menti à propos du sexe et de la violence, mis à part le fait qu'il a apparemment bien kiffé le film, notamment la puch line "il n'y a personne d'autre ?!" crié par Brad après son premier kill. Il a bien aimé la musique aussi, par James Horner (basé sur le superbe travail de Gabriel Yared) qui nous sers son danger motif à son apogée martiale. Fin de l'anecdote :)
En fin de compte, si Troie est un des mailleurs péplums depuis l'an 2000, c'est aussi parce que les péplums de cette ampleur ne sont pas légions. Le problème avec la critique et l'appréciation de l'audience sur le moment, c'est que les attentes ne sont parfois pas remplies, mais ce qu'on ne sait pas, c'est que le film que l'on vient de voir, en faisant abstraction du sous-texte politique et de la trahison envers les écrits originaux et autres défauts de fabrication, est définitivement un des meilleurs film de ce genre pour les années à venir.

Tuk
29/08/2021 à 02:25

@ Birdy en slip de cuir
Ok, merci à toi !...Je vais aller jeter un oeil sur cette mini serie que tu dis et essayer de me dégotter aussi la version longue de Troie.
Et pour ce qui aime lire, couez lire L'iliade... Un pur chef-d'oeuvre.... Tout y est ; Amour ,Gloire et Beauté :P

Birdy en slip de cuir
28/08/2021 à 22:46

@ Tuk: la mini série Troie sur Netflix est vraiment bien, tu y trouveras peut etre ton bonheur...

Eddie Felson
28/08/2021 à 20:50

@birdy en slip de cuir
…. Pour le siège de Troie qui dure 10 ans, mate la version longue….. comme un fouet!

Tuk
28/08/2021 à 20:26

La plus grosse erreur de ce film est pour moi Brat Pitt... Je n'ai rien contre lui, mais dans ce film là, non, ca ne passe pas.
Le film en lui meme est également sympa, mais il y manque un petit je ne sais quoi... Qui ne passe pas non plus
A quand une vrai adaptation de Troie suivit de l'Odyssé... Il y a pourtant de quoi faire un truc merveilleux... C'est peut-etre cela qui manquait à ce film, du "merveilleux", avec un peu plus de mythologie, de jeux, de festins, et de participation des dieux à la batailles, par exemple... Comme dans le bouquin, en fait.

Berserkovore
28/08/2021 à 19:30

Pour moi ses principaux défauts demeurent, à savoir la caractérisation grossièrement manichéenne de certains personnages : Agamemnon est digne d'un méchant de série Z, Achille est tout beau tout lisse... ça + d'autres aspects vilainement hollywoodiens comme Patrocle qui devient le gentil petit cousin d'Achille alors que c'était son amant.

Plus