Wolf Creek : du slasher tendu au massacre total, deux films à revoir

Simon Riaux | 9 mai 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 9 mai 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En 2005, personne n’avait vu venir Wolf Creek, premier long-métrage de Greg McLean, auquel il donnera une suite en 2013. Alors cet étonnant diptyque semble (un peu) oublié du grand public, on revient sur ces deux réussites, terriblement marquantes, qui comptent parmi ce que cinéma australien nous aura offert de plus violemment revigorant. 

 

Photo John JarrattÇa va saigner

 

UN MÉCHANT, UN VRAI 

Si vous n’êtes pas familier de cet univers sachez qu’il y est question d’innocents touristes, qui vont faire la rencontre de Mick Taylor, chasseur australien reclus dans l’outback, au fin fond de l’Australie, qui entretient un goût prononcé pour la traque de gibier bipède équipé de sac à dos.  

Un des proverbes les plus connus ayant trait au cinéma veut qu’un film ne soit jamais plus réussi que son méchant, et les deux Wolf Creek en sont une parfaite illustration. Sur le papier, on a affaire à une paire de survivals éminemment classiques dans leur déroulé, dont l’antagoniste pourrait n’être qu’une déclinaison australienne du redneck cannibale qui fit florès dans le cinéma américain, et dont l’incarnation ultime demeure encore aujourd’hui la famille cannibale de Massacre à la tronçonneuse. Sauf que ce bon Mick est bien plus que cela. 

 

photo, John JarrattBienvenue en Australie !

 

C’est la rigueur de sa mise en scène, et le soin apporté dans la caractérisation de ses personnages, plus encore que son déferlement de violence brute, qui a marqué les esprits avec le premier Wolf Creek. Un constat d’autant plus fort qu’après un long premier acte, impressionnant de précision, le film se risquait à une pirouette éminemment risquée, dévoilant très tardivement son grand méchant et se risquant à déplacer l’empathie du spectateur vers lui.

Or, Mick n’est pas un de ces boogeyman clownesques, un pseudo-Freddy Krueger dont la posture nous autoriserait à rire avec lui des atrocités qu’il commet. Non, ses actes sont d’une violence rare, injustes, cruels, et visent des individus innocents, dont on ne peut raisonnablement estimer qu’ils l’ont bien cherché. Et pourtant, impossible de ne pas être, au moins un peu, de son côté. 

Tout simplement parce que grâce à l’écriture d’Aaron Sterns et Greg McLean, au découpage et à l’interprétation de John Jarratt, ce méchant s’avère d’une richesse imparable. Menace sourde puis tout à fait assumée, il jouit au premier abord de la performance organique, presque cartoonesque de son interprète, tout en rupture de ton, en sous-entendu et en contretemps. 

 

photo, John JarrattLe planter du bâton selon Mick

 

Volontiers gouailleur, source de tous les débordements, il devient progressivement une créature mythologique, malgré son apparence et ses oripeaux terre-à-terre. Progressivement, de scène en scène, de film en film, il devient une personnification de l’Australie, ou plutôt de ses territoires les plus sauvages. Prédateur total, il chasse ses proies, joue avec elles comme un fauve, pour mieux leur rappeler que les terres qu’ils foulent sont d’abord et avant tout un lieu hostile, où l’humain n’est pas le bienvenu. 

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le décor tout entier semble faire corps avec lui. Cette logique, discrète dans le premier volet, explose tout à fait dans le second. Ainsi, le tueur ricanant semble progressivement invincible, au fur et à mesure que ses interventions convoquent ici une nuée de kangourous complètement fumés, ou lorsqu’il dévoile son antre, véritable extension de son corps et de son esprit dérangé. 

Parce qu’en dépit de sa monstruosité, nous ne pouvons finalement qu’approuver cette espèce de mongolo-écolo qui n’en finit pas de renvoyer les humains à leurs limites et à leur vulnérabilité. Sorte de super père-fouettard, il a toute sa place au panthéon des méchants de cinoche.  

 

photo, John JarrattMettre l'amende à l'amende

 

DEUX SALES, DEUX AMBIANCES 

Mick Taylor étant le centre névralgique de Wolf Creek et Wolf Creek 2, le réalisateur Greg McLean a pu s’autoriser à changer totalement son fusil d’épaule entre ces deux chapitres. Mû par un petit budget et la volonté de le transcender, Wolf Creek s’est imposé comme un film minimaliste, voire naturaliste, d’une grande rigueur quant à son découpage et sa gestion de l’espace.  

Retardant au maximum l’irruption de Mick, puis sa débauche de sévices, le film détonnait par son épure, sa précision. Jusque dans la psychologie des personnages, il usait d’une retenue glaçante, parfaitement illustrée par la mise à mort de Katarina (Shannon Ashlyn). Après une longue course-poursuite qui multipliait les situations et les saillies meurtrières, le spectateur en pleine montée d’adrénaline est surpris par une métamorphose soudaine de la mise en scène. 

 

photoDe la susceptibilité des campeurs

 

Après le montage frénétique de cette poursuite au plus près des visages et des corps de ses participants, la caméra recule soudain pour dévoiler Mick, approchant de sa proie titubante. C’est à la fin de ce plan fixe impassible qu’il lui assène un premier tir. La mise à mort se fera hors-champ, l’image se concentrant sur le visage du tueur, comme rigidifié, la conclusion de la traque s’accompagnant d’une perte de sens. Il faut voir là l’équivalent du célèbre plan de Massacre à la tronçonneuse, ou après avoir tué un malheureux dans un pur moment de surprise, Leatherface se laissait aller à une pure crise d’angoisse, que capturait la caméra dans un geste de pitié évident. 

Et c’est là que réside une grande partie du discours de Wolf Creek. Pur prédateur pétaradant, Mick jubile de la chasse, mais la mort n’en est pas le couronnement, tuer n’a rien de paroxystique. Ce n’est que l’achèvement, la finitude, et l’écho de sa propre mortalité. 

Tous ces ingrédients sont présents dans Wolf Creek 2, mais ce dernier s’évertue à en démultiplier toutes les mécaniques. Le premier métrage achevait de transformer Mick en créature mythique, presque surnaturelle, alors qu’il laissait une de ses victimes s’échapper. Prédateur repu ? Dieu colérique capable de mansuétude ? Incarnation de l’absurdité de la condition humaine ? Impossible de trancher mais ce retournement achevait de faire de lui le centre névralgique de l’intrigue. 

 

photo, Shannon AshlynQuand la mort rôde

 

Dans Wolf Creek 2, Mick est un surhomme, une sorte de Dieu blagueur qui fait tomber la foudre de l’Outback sur les nuques rougeaudes d’humains trop obtus pour comprendre qu’ils foulent au pied une nature inamicale et prédatrice. Dès son ouverture, le récit place ainsi Mick comme son héros, son personnage central, mais surtout, une entité n’ayant absolument rien à craindre de qui que ce soit, alors que nous le découvrons, massacrant joyeusement deux policiers ayant eu l’outrecuidance de lui coller une amende, sans même s’inquiéter de laisser des traces sur la scène de son forfait. 

Et si le film feint pendant une dizaine de minutes de singer le précédent volet, il ne faut pas longtemps à Greg Mclean pour transformer son récit en manège gorasse complètement dément. On passe ainsi d’une poursuite motorisée interrompue par des kangourous suicidaires à un home invasion retors, avant d’enchaîner avec une relecture immensément perverse du climax de Massacre à la tronçonneuse 2. 

Faisant sienne la philosophie d’Aliens 2, McLean passe en surmultipliée et ne s’arrête jamais, comme pour mieux nous faire comprendre combien il a encore progressé, en matière de spectacle et de capacité à clouer le spectateur à son siège. Et les deux Wolf Creek de s’imposer comme des œuvres complémentaires, éprouvantes, sidérantes et imprévisibles.

 

photoLonesome serial killer

 

OZPLOITATION, MODE D’EMPLOI 

Enfin, un des grands mérites de duo de survivals qui sentent bon la gonade d’opossum grillé, c’est de nous proposer en l’espace de deux films, une sorte de synthèse particulièrement accessible d’un sous-genre apprécié de ses connaisseurs mais peu connu du grand public : l’ozploitation. Contraction de l’expression Aussie Exploitation, il désigne initialement les séries B, voire Z produites en Australie. 

Volontiers violentes, surréalistes, et riches en cuisses hospitalières, leurs intrigues sont décomplexées, fréquemment violentes, et donnent le sentiment que, beaucoup plus que des influences cinématographiques, c’est leur décor qui semble les inspirer. Comme si les personnages archétypaux et les situations stéréotypées devenaient soudain plus extrêmes sous le soleil azuréen. 

 

photo, John JarrattLe meilleur ami des autstoppeurs

 

Une énergie démentielle qui, accompagnée d’inventivité et d’un sens de la démerde remarquable, captera mieux que quiconque l’énergie remuante d’un monde sur lequel les utopies des sixties se fracassent violemment, comme en témoignent Wake in Fright, puis Mad Max. 

Avec sa rigueur ne dissimulant jamais la furie qui le sous-tendWolf Creek s’est imposé comme une synthèse étonnante de ce courant, aujourd’hui presque disparu. En son sein cohabitent, assez miraculeusement, les trognes burinées qui émaillaient le Razorback de Russell Mulcahy, la description d’une nature antagoniste, presque infernale, chez Ted Kotcheff, mais aussi l’étrangeté parfois presque poétique de Pique-Nique à Hanging Rock de Peter Weir. 

Ainsi, on ne saurait trop vous conseiller de vous frotter à ce cinéma énervé, où la rage guette, où les barjots et l’entropie l’emportent toujours. 

Et la série dans tout ça ? Parce qu'elle fait le choix de ne pas forcément beaucoup dialoguer avec les films, ni enrichir fondamentalement l'univers de la franchise, et qu'elle n'est pas entièrement écrite et réalisée par Greg McLean (qui s'est chargé de 3 épisodes  sur 2 saisons), nous ne l'avons  pas analysée ici, pour ne pas alourdir un texte qui traite d'un sujet auquel elle est finalement un peu extérieure. Mais bien sûr, si les outrages de Mick vous travaillent encore, n'hésitez pas à lui donner sa chance !

 

Affiche officielle

Affiche officielle

Tout savoir sur Wolf Creek 2

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commentaires
neuneu
12/07/2020 à 22:16

@ Loh, tu peux nous dire où tu l'as trouvé ta série en blu ray, car je la trouve pas. merci.

Cooper
12/05/2020 à 00:24

Merci écran large de m’avoir fait connaître ces 2 films, ça faisait un moment que j’avais pas eu la boule au ventre et une intensité comme ça devant un film, Jsuis encore choqué là.

Loh
09/05/2020 à 17:58

J’ai vu la série que j'avais En Blu-ray pendant le confinement et elle est très bien sans faire redire avec les films (que j’avais revu aussi).
2 saisons très différentes : un road-movie d’un survivante à la recherche de Mick pour la saison 1 et une saison 2 qui lorgne vers Jeepers Creepers 2 avec un car de touristes pris pour cible.
Je la conseille fortement !

Scarface666
09/05/2020 à 13:21

Ah oui tiens, aucune mention à la série ?
Merci pour l'article en tous cas, j'adore ces deux films.

Euh
09/05/2020 à 12:12

Mentionnons également la série, produite par Greg McLean, seulement 12 épisodes il me semble et qui permet de profiter toujours plus de ce taré de Mick.