John Cassavetes : pourquoi c'est un grand cinéaste incontournable et éternel

Geoffrey Crété | 31 janvier 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 31 janvier 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le cinéma indépendant américain moderne repose sur un mythe : celui d’un cinéaste rebelle, iconoclaste, engagé dans une croisade contre l’establishment avec comme seules armes une caméra à l’épaule, ses amis et un ersatz de scénario gonflé à l’improvisation. Ce n’est qu’à moitié faux.

Comme n’importe quelle Révolution, celle engendrée par John Cassavetes, père incontesté de cette Nouvelle Vague new-yorkaise, a démarré dans l’intimité et la nécessité, plus que dans la théorie d’une guerre contre le système. « Personne d’autre ne faisait ça. Ce n’est pas comme si nous étions contre les studios. Ce n’est pas vrai. On pensait seulement qu’il y avait bien assez de place pour toutes sortes de films. A cette époque, tout le monde était tellement excité. On avait l’impression qu’on pouvait tout faire. Alors on l’a fait. » : Gena Rowlands, surmoi et moteur du cinéaste, érigée au rang d’icône à la manière d’une Monica Vitti ou d’une Anna Karina. Le cœur de l’œuvre de Cassavetes donc, indissociable de l’homme et de l’artiste.

 

john cassavetes

 

« Le film que vous venez de voir était une improvisation » 

 

New York, 1957. John Cassavetes a 28 ans, une carrière en plein essor, et une classe d’improvisation dans laquelle il forme de jeunes comédiens. De passage à la radio pour promouvoir le film hollywoodien L’Homme qui tua la peur, il évoque son envie de réaliser un film sur les gens ordinaires, et demande aux auditeurs conquis d’envoyer quelques dollars. En l’espace d’une semaine, il récolte 2500 dollars pour concrétiser ce qu’il appellera un « accident créatif » : « Quand j’ai commencé, je pensais que ça me prendrait quelques mois. Ca a pris trois ans. J’ai fait toutes les erreurs possibles et imaginables. » Pas de scénario ou presque, pas d’autorisations, 40 000 dollars, une équipe à peine complète, une caméra 16mm, et une fougue que Cassavetes partage curieusement avec la Nouvelle Vague, nommée pour la première fois de l’autre côté de l’océan la même année.

 

Shadows

  

Shadows représente paradoxalement l’essence et l’exception du mythe Cassavetes. L’essence, car cette évocation d’un New York monochrome, où des hommes et des femmes se cherchent entre une rue bruyante et un intérieur enfumé, a marqué au fer rouge le paysage du cinéma américain. Une exception aussi, car Shadows a établi un principe d’improvisation, énoncé en fin de film, qui ne sera plus utilisé par le réalisateur.

 

« Le vrai héros des films de Cassavetes »

 

En 1958, Shadows est présenté pour la première fois dans un cinéma new-yorkais, qui se vide au fur et à mesure. En 1959, Cassavetes a retourné la moitié du film. Entre les deux, il a réalisé son erreur : « C’était un film totalement intellectuel, et donc, pas humain. J’étais tombé amoureux de la caméra, la technique, des beaux plans, de l’expérimentation pure. » Dès lors, il emploiera son énergie au service des acteurs, avec une attention toute particulière à la vie intérieure des personnages – les déchirements conjugaux, les crises familiales, les souffrances de l’âme. Mais Cassavetes repousse toute improvisation pure : « Je crois en l’improvisation sur la base d’un travail écrit, et pas en la créativité non disciplinée. Quand on a une scène importante, on la veut écrite ; mais il y a quand même des moments où on veut juste que des choses se produisent ». Conséquences techniques : pas de marque au sol, un micro HF, une caméra à la merci des mouvements, une interdiction de stopper la scène en cas d’imprévu. Le film est cadré, mais la réalité y a toute sa place.

 

Faces

  

« C'était à la caméra de nous suivre. En fait, le vrai héros des films de Cassavetes, c'était le caméraman » : Gena Rowlands n’est encore qu’une apprentie comédienne lorsqu’elle rencontre John Cassavetes à l'Académie d'Arts dramatiques de New York. « J'étais déterminée à devenir actrice donc à ne surtout pas tomber amoureuse, me marier et avoir des enfants. Sous le charme de John, j'ai donc tout fait pour l'éviter. Jusqu'au jour où il est venu me voir jouer au théâtre. Il était avec un ami et lui a dit : ‘C'est plié : je vais me marier avec cette fille’! Je raconte rarement cette histoire, elle est tellement guimauve. »

Occupée au théâtre lorsqu’est tourné Shadows, elle incarnera l’une des héroïnes de Faces, première de leur sept collaborations – il joueront aussi dans trois films, réalisés par d’autres. « Beaucoup de personnes pensent que tout était improvisé, et c’est simplement faux. Et on pense qu’improviser c’est dire tout ce que vous voulez, alors qu’en général c’est basé sur une ligne narrative. Vous connaissez la dynamique de la scène. C’est comme ça qu’ils ont fait Shadows. »

Al Ruban, proche collaborateur et ami, explique : « Shadows était improvisé. Mais tous les autres films étaient très écrits, à la virgule. John faisait répéter les acteurs pendant deux ou trois semaines avant le tournage. Mais il récrivait les scènes quotidiennement et il fallait être prêt le jour suivant pour la nouvelle version. » 

 

Shadows

 

« If you think of yourself as funny, you become tragic. » (Minnie and Moskowitz)

 

En 1960, l’Europe de Godard et Antonioni ouvre son cœur au cinéma moderne ; Cassavetes est le premier Américain à confirmer cette mouvance quasi mystique. Couronné à Venise, nommé aux BAFTA, Shadows reviendra comme un boomerang chez l’Oncle Sam, porté par une critique intellectuelle qui parle d’une « année charnière de la naissance du cinéma indépendant ».

Hollywood enrôle l’ennemi potentiel : Cassavetes réalise Too Late Blues pour la Paramount puis Un enfant attend pour la United Artists. Actrice dans ce dernier, Gena Rowlands est aux premières loges : « Il avait écrit Too Late Blues pour Montgomery Clift et Paramount lui a répondu, ‘Absolument pas, tu dois être complètement fou’. Il s’est disputé avec le producteur Stanley Kramer parce qu’il avait remonté Un enfant attend sans lui dire. John n’avait pas la moindre idée que quelqu’un puisse avoir quelque chose à dire sur le montage à part lui. On était naïf à ce point. »

 

john cassavetes

 

Ces trois années de désillusion vont forcer Cassavetes à choisir son camp. Incapable d’associer le cinéma à une forme de mercantilisme, il décide de revenir à son premier amour : « Je n'avais pas fait de film personnel depuis Shadows, qui fut l'une des expériences les plus heureuses de ma vie. Son souvenir ne m'a jamais quitté, pendant tout le temps où je faisais semblant de devenir un grand metteur en scène hollywoodien. »

Commence alors une valse diabolique entre l’art et l’argent – si le réalisateur refuse de travailler pour Hollywood, l’acteur ne s’en prive pas, au risque d’y laisser des plumes comme son héros de Meurtre d'un bookmaker chinois. Même chose pour Gena Rowlands : « C’était impossible de trouver de l’argent hors des studios. On a totalement financé les films, excepté Une femme sous influence, pour lequel Peter Falk et sa femme ont payé la moitié. On avait la chance d’être tous les deux des acteurs établis et dès qu’on était à court d’argent, on pouvait s’arrêter et faire un film. »

Al Ruban est lui aussi embarqué dans l’aventure : « Sur Faces, personne n’était payé, le tournage s’était étendu de façon intermittente sur plusieurs mois. J’étais fauché, je suis parti gagner ma croûte ailleurs pendant un an alors que John tournait dans Les Douze Salopards. A son retour, j’ai emménagé chez lui pour m’occuper du montage du film. Je pensais en avoir pour un mois, ça a duré un an »

 

Meurtre d'un bookmaker chinois

 

Comble de l’ironie : Cassavetes décroche une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle pour Les Douze Salopards de Robert Aldrich, et Rosemary's Baby de Polanski, qu’il considère comme un pur produit du système, cartonne. Après six mois de tournage, des kilomètres de chutes de pellicule récupérées, trois années de montage dans le garage, Faces, qui a coûté 275 000 dollars, confirme de manière définitive le cinéaste. Accueilli comme un roi à Venise, il décroche trois nominations aux Oscars. En coulisses, Charlton Heston, à la tête du syndicat des acteurs, s’élève contre les conditions de tournage bénévole, et exige le reversement des cotisations prévues par le système. Cassavetes et les siens résistent. La rébellion n’était pas prévue : elle coule dans les veines de Cassavetes.

 

 

« You're not a woman to me anymore. You're a professional. » (Opening Night)

 

Mais la prévalence hollywoodienne demeure, et Cassavetes croule bien vite sous les dettes. A l’époque où il cherche de quoi terminer Faces, il demande à son agent s’il a une solution : « Il m’a dit que je devais travailler pour l’argent comme tout le monde ». Ainsi naîtra Husbands, vendu à la Paramount et concrétisé quelques années plus tard avec Ben Gazzara et Peter Falk, les deux autres étoiles de la constellation Cassavetes. C’est son premier film en couleurs, et sa première double casquette d’acteur et réalisateur.

 

john cassavetes

 

En 1971, avec un million fourni par Universal, il réalise Minnie et Moskowitz (Ainsi va l'amour), une comédie dramatique, éventuellement romantique, avec Gena Rowlands et Seymour Cassel. La fascination du metteur en scène pour les comédiens est une évidence : « Aucun degré d'indulgence n'était trop grand, aucune petite victoire ne pouvait être suffisamment glorifiée, et jamais je n'accordais trop de temps dans les vingt-quatre heures pour soutenir l'ego de l'acteur ». Le cinéma de Cassavetes se referme sur lui-même, puzzle machiavélique où sont condamnés des anti-héros borderline, scrutés dans leurs moindres fêlures par la caméra. L’abstraction est une arme, maîtrisée à la perfection : « La première fois que je l'ai questionné sur un de mes rôles, il m'a répondu : ‘J'ai écrit le scénario, tu l'as accepté ; maintenant, le personnage est à toi’. Je ne lui ai plus jamais posé de question » rapporte Gena Rowlands.

 

Photo Gena Rowlands

 

« Got the world by the balls. That's right, I'm great... I am amazing. » (Meurtre d’un bookmaker chinois)

 

Malgré sa place sur la scène internationale, Cassavetes reste incapable de lever les fonds nécessaires pour son septième film, Une femme sous influence, financé avec Peter Falk et sa femme. Rowlands, qui y incarne une femme instable, internée de force par son mari, raconte : « Ce fut un cauchemar. On nous rétorquait sans cesse, ‘Qui veut voir un film sur la dépression d'une femme d'âge mûr ?’. Certains distributeurs l'aimaient beaucoup mais ils ne savaient pas quoi en faire. »

Cassavetes appelle lui-même les propriétaires des cinémas pour les convaincre de diffuser le film. Lorsque le New York Film Festival, vitrine ultime du cinéma indépendant, refuse Une femme sous influence, c’est Scorsese qui entre en scène. Bouleversé par Shadows, il avait été demander conseil à Cassavetes. Un an plus tard, il tournait Mean Streets. Et c’est précisément grâce à ce film qu’Une femme sous influence a été sauvé : « Marty a menacé de retirer Mean Streets de la programmation du New York Film Festival s'ils ne prenaient pas aussi Une femme sous influence. »

A la clé : une presse dithyrambique, et deux nominations aux Oscars comme meilleur réalisateur et meilleure actrice. « Tout a changé avec Une femme sous influence. Après, nous n'avons plus eu de problème pour tourner et être distribués ».

 

john cassavetes

 

Mais le public ne suivra pas. Meurtre d’un bookmaker chinois, supposément son film le plus commercial, est un échec en 1976 – Cassavetes remontera une version plus courte, qui ressortira en salles deux après. En 1978, Gena Rowlands remporte à Berlin l’Ours d’argent de la meilleure actrice pour Opening Night mais même la critique new-yorkaise s’en contrefiche. Au fond du même gouffre financier, Cassavetes écrit un film de commance, Gloria, pour la MGM. La Colombia récupère le scénario tandis que Gena Rowlands, jamais mieux servie que par sa moitié, tombe amoureuse du personnage. Lion d’or à Venise, Gloria lui vaudra une deuxième nomination aux Oscars.

 

Photo Gena Rowlands

 

« I’m almost not crazy » (Love Streams)

 

Instinct ou hasard, Cassavetes retourne à la source : le théâtre, entouré de sa femme, son fils Nick et Peter Falk. Car en coulisses, l’homme s’effrite, consumé par un carburant nommé alcool, monstre silencieux qui s’est immiscé jusque dans ses films. Le prix d’une passion destructrice, qui a culminé avec Une femme sous influence : « Une fois qu’on a commencé à tourner, c’était l’enfer. La pression émotionnelle était si forte qu’on n’est jamais sortis pendant 13 semaines. Le soir on s’écroulait, on faisait du café, et parlait du travail. On se réveillait dans la nuit et on parlait encore. C’était ce genre d’investissement. »

 

Opening Night

 

Lorsqu’il décide de remplacer Jon Voight dans Love streams (Torrents d'amour) face à sa femme, il apprend qu’il est condamné par une cirrhose. L’homme est vaincu, mais le cinéaste résiste. Il abandonne pour la première fois la caméra à l’épaule, tourne à nouveau dans la maison familiale. Rowlands : « John était intrépide, d’une manière presque non naturelle. Je ne l’ai jamais vu déprimer, je l’ai vu en colère, ce qui est censé être l’autre face de la dépression. »

Le médecin lui donne six mois, Cassavetes en tirera quatre ans. Il essaie de trouver des financements pour She's so lovely, en vain – son fils Nick le réalisera dix ans plus tard, avec Sean Penn, comme prévu par son père. Son dernier film sera le plus curieux : Big Trouble, une mauvaise comédie et vrai désastre hollywoodien, abandonné par son réalisateur et récupéré par Cassavetes à la demande de son ami Peter Falk, qui en est le héros. Un dernier film loin de l’œuvre de cinéaste, mais qui en symbole finalement le principal : l’homme derrière la caméra, venu prêter main forte à son éternel acolyte. En 1989, Cassavetes meurt à 59 ans.

 

 

‘Love is a stream, it's continuous, it doesn't stop.’ (Love streams)

 

Un demi-siècle après avoir bouleversé le paysage du cinéma américain, l’ombre de Cassavetes plane, imperceptible mais omniprésente. Peter Falk est décédé en 2011, suivi par Ben Gazzara en 2012. Avec Seymour Cassel, Gena Rowlands porte en elle l’héritage du cinéaste : elle traverse les films de leurs enfants pour en rappeler l’existence, accompagne chaque rétrospective, en défend farouchement les intérêts – elle a mené une bataille contre le collectionneur Ray Carney lorsqu’il a mis la main sur la première version de Shadows, qu’elle renie.

 

john cassavetes

 

« Quand il était malade, on discutait un jour et il m’a dit : ‘J’ai fait trois films pour lesquels je pourrais vivre ou mourir’. Vous penseriez que je lui aurais demandé lesquels ? Mais je sentais que je savais. ». Gena Rowlands a l’habitude de dire en interview : « Vous avez vu mes films ? Alors vous connaissez tout de moi ». Cassavetes affirmait pour sa part que ses films « parlent mieux de moi que n’importe quel discours. »

Aujourd’hui, elle ne regarde plus ces films. « Je n’en ai pas vraiment besoin. Quand je le veux, dans ma tête, je peux me les passer, du premier plan à la toute fin ».

 

Affiche

 

Dossier précédemment publié en février 2016.

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commentaires
Satan LaBite
01/02/2017 à 09:54

Donc Love Streams est sorti en bluray l'an passé et maintenant on nous colle une version restaurée au ciné ? Merci ...

Kiddo
31/01/2017 à 19:45

@Mechanyk
Absolument!!
Bien joué...

Dirty Harry
31/01/2017 à 14:37

S'il y en a un qui a su se débrouiller pour être indépendant avant Cassavetes c'est Kubrick avec le baiser du tueur (réalisé un poil avant la Nouvelle Vague) même si le film a des allures de série B avec son sujet banal alors que Cassavetes quant à lui a réalisé des sujets "non conformes". Mes préférés devant l'éternel sont Opening Night, Husbands et Une Femme sous influence et c'est un très grand directeur d'acteurs, on a envie d'aimer ses personnages longtemps après la vision du film...bon article.

dog day
20/02/2016 à 00:21

Cassavetes reste quand même dans l'inconscient collectif comme "le père" du ciné indépendant parce qu'il a construit un petit système, lors de sa longue carrière, qui a vraiment pris une place à part entière face au système. Il a prouvé que ce mouvement anti-establishment pouvait perdurer, et dépassait le cadre d'un film-phénomène ; et le fait qu'on se souvienne probablement plus de ses films que Le Petit Fugitif illustre bien pourquoi Cassavetes reste une figure de premier plan. (ça me rappelle la discussion/polémique sur l'invention du cinéma par les frères Lumière)

Je n'aime pas trop Love Streams, mais c'est une belle occasion pour repenser à des films incroyables comme Une femme sous influence, et Opening Night. Ces performances de Gena Rowlands : démentielles...

Mechanyk
20/02/2016 à 00:09

Vous parliez de films pré-Shadows : le rapport c'est la naissance d'un cinéma dit indépendant fait avec des moyens guerilla, des proches, et zéro financement.
Anger a tourné le film chez lui, et ça a eu beaucoup d'influences. Il a participé à cette naissance d'un cinéma fait "autrement", sans cadre strict et sans équipe classique.

Ded
19/02/2016 à 22:45

Quel rapport ?...

Mechanyk
19/02/2016 à 22:07

Je pensais même à Fireworks de K. Anger en 1947, qui a beaucoup inspiré Cocteau et participé à cette mouvance de notre côté de l'Atlantique.

Ded
19/02/2016 à 20:54

Excellent article ! Je "possède" l'indispensable coffret hommage édité par Orange Studio et distribué par Universal (celui avec le petit bout de pelloche de Opening night !).
Cependant si "Shadows" (1959) a toujours été présenté comme le premier film indépendant, c'est oublier trop vite "Le petit fugitif" que Morris Engel a tourné en 1953, avec une caméra bricolée, où on suit les pérégrinations d'un gamin de 7 ans dans Coney Island. Engel (photographe de formation) nous promène de Brooklin au complexe de loisirs précité, dans des images à l'esthétique raffinée. C'est son travail qui a inspiré Cassavetes et même Truffaut...