Terry Gilliam dit tout le mal qu'il pense d'Alien et de Marvel

Christophe Foltzer | 10 juillet 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 10 juillet 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Terry Gilliam, on l'adore, on l'aime, on l'adule et on a été très tristes pour lui ces derniers temps quand Paolo Branco a voulu interdire son Homme qui tua Don Quichotte. Mais des fois, il peut aussi dire de grosses conneries.

Et c'est vrai qu'on a failli perdre Terry Gilliam cette année et que cela aurait été horrible. On ne va pas entrer de nouveau dans les détails mais on va juste résumer : L'Homme qui tua Don QuichottePaulo Branco qui veut l'interdire, procès, AVC de Gilliam, Cannes, sortie France, procès. Un premier semestre des plus chargés pour le réalisateur qui a donc mis un terme au projet d'une vie et semble ne jamais devoir s'arrêter de se battre contre des moulins à vent.

Mais il va mieux et c'est bien le principal. Il va tellement mieux d'ailleurs qu'il s'est permis une petite sortie au micro de RogerEbert.com où il cartonne gentiment Alien, le huitième passager :

 

Photo Sigourney WeaverAlien prend cher

 

"Alien, c'est juste un train fantôme où tout le monde sursaute et où personne ne sait à l'avance qui va mourir. Quand j'ai regardé le premier film, je ne pensais qu'une chose : "Tue-les tous, qu'on en finisse !"  Parce que vous savez bien qu'ils vont tous crever. Et à la fin, Sigourney Weaver, qu'on a établi comme une femme forte et un peu militaire sur les bords, se balade en slip pour trouver un chat. Sans déconner !"

Pourquoi tant de haine à l'égard du film de Ridley Scott ? Difficile de le savoir. A moins que cette réaction ait un rapport avec la proposition qu'on lui avait faite à l'époque, de réaliser la suite :

"On m'a offert la suite d'Alien parce que, à l'époque, j'étais populaire. Je sortais de Bandits, Bandits et de Fisher King, le roi pêcheur, mais je ne veux pas faire de films pareils. Travailler pour un studio, c'est travailler à la chaine. Et la dernière fois que j'ai travaillé à la chaine, c'était dans l'usine Chevrolet de Los Angeles, pendant le lycée, de nuit. Plus jamais ça."

 

Photo Harry Dean StantonBouh !

 

Des propos bien virulents, comme souvent avec lui, mais qui ne s'arrêtent pas à notre Xénomorphe préféré, puisque Marvel en prend aussi pour son grade.

"Il doit toujours y avoir de la réalité dans mes films. Peut-être que c'est le seul moyen pour moi de ne pas devenir fou. C'est la tension entre la réalité et l'imagination qui est intéressante et c'est pourquoi je n'aime pas du tout les gros films de Marvel. Il y en a beaucoup trop, ils dominent le marché, tout le monde pense à voir le suivant et à se dire "Ah bah tiens, revoilà de nouveau Hulk."

D'un point de vue technique, ces films sont brillants mais je les regarde avec distance parce qu'il n'y a aucune tension. Il n'y a aucune menace, vous savez juste qu'ils vont gagner à un moment donné ou qu'ils vont gagner si le monde ne s'effondre pas le premier. Dans mes films, les héros ne gagnent pas. Ils survivent."

 

photo, Josh BrolinThanos est colère

 

Alors qu'on pourrait penser qu'il fait son vieux grincheux qui n'aime rien, voilà que Gilliam sort quelques cartes de sa manche pour nous prouver le contraire.

"Quand je fais un film, et j'ai été sur mon dernier pendant un long moment, je ne vais pas au cinéma. Je ne peux pas aller voir de films parce qu'ils sont tous meilleurs que ce que je suis en train de faire et cela me déprime fortement. Mais, dans les films récents qui m'ont plu, Get Out m'a impressionné et quelques années avant Whiplash. J'aime les films plus simples qui parlent de vrais gens et partent d'une bonne idée. Ce qui me plait dans Get Out c'est que vous devez être une personne noire pour pouvoir l'écrire et le réaliser. Un blanc n'aurait jamais pu le faire et j'ai trouvé ça très important."

Oui donc, sans surprise, Terry Gilliam n'est pas dupe du tournant que prend l'industrie en ce moment avec son Marvel suprémaciste et les perles que nous donne le cinéma indépendant. Et on aurait même tendance à abonder dans son sens parfois.

 

photo, Terry GilliamSacré Terry !

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commentaires
Hasgarn
11/07/2018 à 00:04

Merci pour votre retour.

Effectivement, ça fait sens. Et de ce point de vue, Gilliam fait un gros raccourci.

Encore merci ????

Phil
10/07/2018 à 18:31

Fisher King, il est sorti bien après Aliens 2, non ? J'ai 1991 en tête pour FK, et il me semble qu'Aliens soit sorti en 1986. Peut-être qu'on lui a aussi proposé Alien 3, sorti lui en 1992. Je sais, ma question est un peu « out of the blue ». :D

Simon Riaux
10/07/2018 à 17:50

@Hasgarn
La rupture de Psychose, c'est dans le fait de tuer celle qui passait pour l'héroïne au bout d'une bobine. Mais on n'est pas dans une structure de "collection" de meurtres et la tension du film ne joue pas particulièrement sur le "who's next".

Halloween, sur le papier, suit une structure plus proche de celle d'Alien. Mais dès le début, Laurie Strode nous est donnée comme unique héroine possible. Il ne fait aucun doute qu'elle survivra. Quant au slasher, il met traditionnellement en scène des héroïnes féminines.


Là où Alien détonne, c'est qu'il sort la série B spatiale de son carcan de productions un peu cheap, pour en retravailler totalement la forme et la structure. Sur le papier, Ripley n'est pas personnalisée comme l'héroïne, et une partie du public a alors été surpris, voire à mal vécu que Tom Skerrit, qui est présenté comme le leader, se fasse zigouiller.

Pendant un long moment, l'équipe est une entité flottante, où distinguer un personnage moteur est difficile.

Sans compter que l'écriture des métaphores sexuelles ont également grandement secoué l'écriture de ce type de personnages.

Enfin, non seulement Ripley est la dernière à survivre, mais elle passe un long moment du film seul. Recréer une dynamique narrative autour d'un seul personnage et bouleverser encore le rythme, voilà une autre des réussites du film.

Et après oui, bien sûr, aucun film n'invente quoi que ce soit. Toutes les oeuvres sont un momentum, d'un mouvement plus général. Toutes les créations ont des aînées. Et Gilliam semble l'oublier un peu.

Hasgarn
10/07/2018 à 17:12

à la Rédaction :

Simon, c'est possible, je n'étais pas né, j'ai découvert Alien bien plus tard.

Mais je m'interroge quand même quand je vois par exemple Halloween qui joue à "Who's next" et il ne reste à la fin que Laurie. Son rôle d'héroïne est plus marqué mais il y avait déjà "il ne peut en resté qu'un".

Plus vieux et à l'origine même du jeu de chat et de la souris entre un tueur et ses victimes, il y a Psychose qui avait allègrement envoyé tout le monde au tapie avec son retournement de milieu de film.

Je peux me remettre dans le contexte un minimum et je ne peux pas tout connaître, mais concernant sa structure, j'y vois surtout un film d'horreur dans l'espace avec déjà de grands aînés.

Qu'en dites-vous ?

Delicatesstef
10/07/2018 à 15:08

Je commence à en avoir marre du Disney-bashing... ou même du [mets un nom de studio]-bashing.

Le cinéma c'est avant tout un loisir, un divertissement. Comme pour la lecture d'un livre, chacun choisit en fonction de ses goûts le film qui'il a envie, sans rendre de compte. Derrière, il y a des studios, qui développent et produisent pour partie ces films. Et?

Et plus le studio est gros, plus ce n'est "plus du cinéma", des films faits "que pour le fric" etc...
Si certains choix sont faits par ce studio, des fois en faisant fi de la partie artistique, c'est ainsi. Maintenant, si les gens ne vont pas le voir, c'est la meilleur des sanctions. Et si les gens vont le voir, alors il avait raison.

Quand je vais voir un film Marvel, je ne m'attend à rien d'autre que ça. Je ne suis pas idiot, ni dupe, mais je prend du plaisir.

M. Gilliam est par ailleurs, mignon comme tout, mais les films Marvel sont spoilé par presque 70 ans de comics : thanos, Galactus, Fin Fang Foom, Dr Fatalis etc... n'ont jamais gagné...

Simon Riaux
10/07/2018 à 12:22

@Hasgarn

Sa vision est tout sauf juste, étant donné qu'à l'époque le scénario, l'enchaînement et la structure d'Alien étaient extrêmement novateurs.

La plupart des spectateurs ont été sidérés en découvrant que ne survivait qu'un unique personnage, et duquel il s'agissait.

Le film a été copié maintes fois. Ce qui peut aujourd'hui ressembler à un déroulé classique ne l'est pas du tout et représente alors une rupture, souvent considérée quasiment comme du cinéma expérimental.

Hasgarn
10/07/2018 à 12:17

Je trouve que sa lecture d'Alien est assez juste (on n'a pas affaire à des lumières mais vraiment pas) quoique très rendre dedans. La plus grande qualité d'Alien, c'est effectivement sa direction artistique mais l'histoire, elle, est vraiment moyenne. Sans la réalisation de Ridley Scott, ce serait d'un banal…

Alien est un chef d'œuvre éternel mais il faut être lucide sur la qualité réelle du script qui dépasse le moyen de 3 fois rien une fois qu'on a retiré sa structure en 4 actes (unique en son genre) et le chestbuster. Y'a rien d'excitant en dehors de ça, même le rôle de Ripley était unisexe et interchangeable à l'origine.

Andarioch
10/07/2018 à 11:59

Il ne dénigre pas, il explique assez clairement que c'est pas son truc. Ses arguments (ce genre de film=une attraction) ne sont pas faux. Mais c'est aussi pour ça qu'on les aime. Question de goût.

Baneath88
10/07/2018 à 11:41

Concernant Alien, je le trouve un peu dur.
Par contre, difficile de faire plus juste à l'encontre des Marvel.

Snake
10/07/2018 à 11:26

Concernant, Alien je trouve que Gilliam y va très fort. À croire qu'il n'a lut que le synopsis de départ au lieu d'apprécier tout le talent artistique qui a été mis dans ce film. Par contre, c'est vrai que la petite culotte était de trop.

Pour le reste, je partage son avis.

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