Andy Serkis n'est pas d'accord avec la polémique qui a éclaboussé Scarlett Johansson l'été dernier

Christophe Foltzer | 3 décembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 3 décembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Andy Serkis est l'un des artistes les plus fascinants d'Hollywood parce qu'il a donné vie à bon nombre de personnages marquants, qu'il s'agisse de Gollum ou de César. Mais là, il cherche peut-être des ennuis.

Le film Mowgli, l'autre adaptation du Livre de la Jungle, produite par Warner et totalement éclipsée par la sortie du film de Jon Favreau, sera enfin visible par tout le monde à partir du 7 décembre sur Netflix. Un destin inattendu pour un projet cher au coeur d'Andy Serkis, qui l'a réalisé. Si le film nous a plutôt convaincu (notre critique ici), Serkis semble davantage sur le point de faire parler de lui pour ses dernières déclarations.

 

photoEnfin visible par tous le 7 décembre prochain

 

Petit rappel des faits : l'été dernier, Scarlett Johansson s'était retrouvée au centre d'une vive polémique à l'annonce de sa participation au film Rub & Tug.

Elle devait en effet y incarner Dante "Tex" Gill, un transexuel qui avait créé un réseau de prostitution dans les années 70. Dès cette annonce, la communauté trans d'Hollywood est montée au créneau pour y dénoncer une grosse injustice et mettre en valeur la frilosité des studios à les engager dans leurs projets, encore plus lorsqu'il s'agit d'un film qui les concerne directement.

 

photo Dante Tex GillDante "Tex" Gill

 

Ça a pas mal gueulé pendant quelques jours et, au final, ScarJo s'est retirée du film en exprimant tout son respect et son admiration pour cette communauté. Depuis, plus personne n'a entendu parlé du film que devait réaliser Rupert Sanders. Mais, allez savoir pourquoi, voilà qu'en pleine promo de Mowgli, Andy Serkis a réouvert le dossier pour donner son avis au micro de Variety. Et il n'est pas vraiment content que ScarJo ait dû abandonner sous la pression sociale :

 

Photo Scarlett JohanssonScarJo

 

"Je ne suis pas du tout d'accord avec ça. Je suis même violemment contre. Les acteurs devraient être libres de jouer ce qu'ils veulent. C'est d'ailleurs pour ça que j'aime autant la performance capture. Ce qui devrait être important c'est que, quelle que soit sa couleur de peau, quel que soit son physique, sa taille ou son maquillage, un acteur devrait pouvoir jouer n'importe quoi."

Et c'est vrai que, sur le papier, Andy Serkis a raison, mais dans les faits c'est un peu simpliste. Parce qu'il s'agit quand même d'une communauté qui se considère ostracisée par Hollywood et qui se bat actuellement pour faire valoir ses droits et sa représentation artistique. Donc, comme souvent, les choses sont un peu plus compliquées que dans nos têtes même si, encore une fois, sur le papier, Serkis n'a pas tort. Un acteur doit pouvoir jouer n'importe quoi.

 

Photo , Andy SerkisAndy Serkis

Tout savoir sur Mowgli : la Légende de la jungle

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commentaires
Mechanic
04/12/2018 à 15:54

@Andarioch

Mais tu restes sur un exemple (Luke Evans, que je citais comme un contre-exemple quasiment, et que quasi personne ne sait être homo d'ailleurs), et ton cas. Or, on parlait plutôt du sentiment global du public - du moins ce qu'on peut entendre par là, quand on essaie de justifier-expliquer-comprendre la discrimination qui est le résultat d'une volonté de protéger ou ne pas perturber "le public".

Et ma liste d'exemples d'acteurs et actrices ayant joué des personnages transgenres, montre que ça n'a pas franchement perturbé le public, ou même les Oscars... Sachant que comme je disais, ce sujet est relativement peu abordé, ou alors de manière confidentielle, donc chercher des exemples comme preuves ultimes sera vite une impasse. On en reparle dans quelques années.

Pour revenir à la base et refermer la boucle, et surtout revenir au sujet de l'article : si on affirme haut et fort que Scarlett Johansson peut jouer Jean Marie Gill car "un acteur peut tout jouer donc laissez-la tranquille", alors faut être logique et de bonne foi, et dire qu'un acteur peut tout jouer, peu importe son genre, son identité sexuelle etc. C'est aussi simple que ça si on reste dans les généralités. Après, c'est du cas par cas, du talent, des idées de casting, et la magie du cinéma.

Andarioch
04/12/2018 à 15:36

Pour en finir pour ma part, deux choses.
1 tu es finalement beaucoup plus optimiste que moi concernant la nature humaine. Tant mieux.
2 tu dis: "Si tu sais que Rupert Everett est gay, voudras-tu le voir en premier rôle face à Meg Ryan ou Kate Beckinsale ?"
Je répond oui, la preuve par Evans (encore une fois) que j'ai trouvé génial dans Professor Marston and The Wonder Women, film pour le moins sexué, tu en conviendras. Encore une fois je pense que les blocages qui auront le plus de mal à disparaître ne viennent pas de l'orientation sexuelle (je peux aussi citer, côté féminin, Anne Heche), mais de la notion de genre. une femme qui joue un homme, c'est pas très convainquant (et rare), à l'instar de Michelle Rodriguez dans revenger. Un homme qui joue une femme c'est pas mieux (j'ai pas d'exemple en tête, s'il y en a). Donc, bien que le phénomène soit plus récent, je ne vois pas comment un trans peut jouer autre chose qu'un trans ou un personnage sexuellement neutre.

Mechanic
04/12/2018 à 15:01

@Andarioch

J'ai compris, mais suis en désaccord.

Ma comparaison avec l'homosexualité d'un acteur est venue de là. Si tu sais que Rupert Everett est gay, voudras-tu le voir en premier rôle face à Meg Ryan ou Kate Beckinsale ? C'est à cause de ça qu'il a senti les portes se fermer pour lui dans les années 90 (c'est-à-dire hier). Car les producteurs se disaient certainement que le public n'allait pas y croire et l'accepter.
Pourtant, quand Luke Evans joue Dracula ou dans Le Hobbit, le monde ne s'arrête pas de tourner car il joue un hétéro. Quand Sean Penn joue Harvey Mil, même chose. (et pour info, Evans a un temps essayé de nier qu'il était homo, preuve qu'il sentait bien que c'était un éventuel problème. Tant mieux si ça ne l'est pas pour lui).

C'est aussi avec cette logique qu'un temps (et encore aujourd'hui, selon les gens concernés), on a eu tendance à ne pas caster une personne noire, latino, ou autre dans un rôle "normal". Car ça devenait un sujet en soit, que c'était susceptible de choquer les gens. Viola Davis en parle bien en évoquant ses scènes avec Liam Neeson dans Les Veuves.
Et si cette logique était réellement là, avoir des acteurs non trans jouer des trans, serait un souci. Or, ce n'est pas le cas (Elle Fanning, Felicity Huffman, Eddie Redmayne, Chris Sarandon, John Lithgow, Vanessa Redgrave, Sean Young, Terence Stamp, Hilary Swank, Cillian Murphy, Sofia Vergara, Elena Anaya, Glenn Close, Matt Bomer... ça ne date pas d'hier, et tout le monde y croit et applaudit bien souvent le talent de ces acteurs qui... jouent à ce qu'ils ne sont pas).

C'est bien parce que les possibilités des artistes transgenres sont limitées, qu'on va buter en cherchant des exemples. Ce n'est pas pour rien si une série comme Pose fait date : c'est un territoire encore à peu près totalement laissé de côté. Il a fallu attendre Orange is the New Black et Sense8, des séries très récentes, pour que ça arrive sur la scène mainstream. Donc normal que ça reste limité, c'est en pleine construction.

Je n'ai pas besoin d'être encouragé ou découragé, chacun fait bien ce qu'il pense. Et quand tu me dis en gros, qui aurait envie de voir cet acteur dans ce rôle, j'ai envie de dire : qui a envie de voir ce film qu'a lâché Scarlett Johansson ? Ça intéressera des gens, en rebutera d'autres. Certains ne vont pas voir Call Me By Your Name car ce sont des mecs, d'autres vont le voir au contraire pour ça.
Je respecte et soutiens la diversité des créations, les essais, les envies, dans tous les sens, car c'est ça l'art pour moi, avant tout. Et si Todd Solondz fait un film où le personnage est incarné par plein d'actrices différentes, si Todd Haynes fait un film sur Bob Dylan où il est incarné par Cate Blanchett et Christian Bale parmi d'autres, si Gaspar Noé caste Claude Gajan Maull dans Climax pour jouer le rôle d'une mère, je ne vois pas pourquoi il y aurait un quelconque souci. L'art et les artistes avancent, et de tout temps, ça passionne et repousse les gens. C'est tout sauf étrange ou inédit.

Et ça arrivera, plus tôt que certains ne le pensent. Il n'y a qu'à voir le succès de Pose et Transparent (tiens, encore un homme qui joue un transgenre), Jake Graf et Rebecca Root castés dans des rôles d'homme et femmes cis dans Colette avec Keira Knightley : en quelques années, c'est là, doucement mais sûrement. Alors qu'avant, c'était plus ou moins totalement absent ou relégué à la marge.

Bref, nous tournons en rond, je me répète déjà :) Nous nous sommes entendus mais ne sommes pas d'accord. C'est pas grave.

Andarioch
04/12/2018 à 13:53

Je ne nie pas les difficultés. Effectivement Evans ne communique pas sur son homosexualité. Prudemment sans doute. Mais il ne la cache pas non plus.
Comment expliquer sans me faire sauter dessus???
Je tente l'exemple: Tu cites Jaimie Clayton. Je regarde sense 8 et je me dis: Tiens! on prend un trans pour jouer un trans. On progresse.
Demain on fait un Marvel et, oh surprise, Jaimie Clayton joue un agent de l'hydra ou du shield. Un trans dans un blockbuster, on progresse encore.
Plus tard JC joue, je sais pas moi, heu... ben... une femme. Et identifiée comme telle. Dans une romcom avec Zach Efron. Du coup, que je le veuille ou non, je verrais ce qui est, à savoir un trans qui joue une femme. Toute mimi qu'elle puisse être je ne ressentirais pas la même chose qu'avec une femme. Une spectatrice aura, j'imagine, aussi plus de mal à s'identifier.
Et c'est logique. On parle de troisième sexe, on revendique la reconnaissance du genre...
Une femme n'est pas un homme ou un trans et vice versa et ainsi de suite.
D'ailleurs dans tes exemples, combien d'hommes qui jouent une femme? Combien de femmes qui jouent un homme (j'en ai deux en tête et franchement, malgré le talent, bref...)?
Après, et ça c'est vrai, pour des personnages asexués (des personnages/fonction, dont le sexe importe peu) pourquoi pas plus de diversité.
Mais un transgenre qui joue une femme identifiée comme telle, je ne veux pas te décourager mais c'est pas demain que ça arrivera.

Mechanic
04/12/2018 à 13:06

@Andarioch

Je ne confonds pas, je citais des exemples pour répondre à cette idée selon laquelle le public ne doit pas être perturbé, entre réalité/fiction notamment. On peut en sortir plein d'exemples avec cette perspective, et je t'en donnais quelques uns.

Des homos jouant des hétéro y'en a plein... ah ? Rupert Everett (c'est récent) a clairement parlé des conséquences de son coming out. Luke Evans, lui, n'a jamais réellement abordé ça en public. Et même une poignée d'exemples ne peuvent servir de "preuve" que tout va bien.
Des tonnes de gens expliquent qu'il y a plein d'hommes gay à Hollywood, qui restent discrets sur la scène publique pour éviter de voir leur carrière en souffrir. Tu trouveras plein d'articles et interviews à ce sujet, très facilement.
Et il suffit de voir les débats créées quand un perso de Star Trek est homo dans un plan tout simple, quand on parle homosexualité ou bisexualité dans Star Wars, pour constater que ça reste très compliqué...

Pour le reste : je maintiens. Si on a Felicity Huffman dans Transamerica, et que Scarlett Johansson l'utilise comme argument pour jouer un rôle transgenre, et qu'on entend "un acteur peut tout jouer", alors oui, un acteur peut tout jouer. Si on se cache derrière la "sensibilité culturelle", on aurait attendu encore plus longtemps avant d'avoir un blanc qui embrasse une noire au cinéma par ex. Le cinéma, surtout indépendant, n'a jamais attendu que la masse valide, et a toujours parlé de choses underground, en marge. Ce cinéma le fait déjà, et les gens ne s'en offusquent pas... puisqu'un acteur, ça peut tout jouer.

Andarioch
04/12/2018 à 12:50

@ mechanic

J'entends tes arguments mais... non. Je pense que tu as tort. Malheureusement.
Déjà tu confond genre et orientation sexuelle. C'est franchement pas la même chose.
Des homos qui jouent des hétéros, il y en a toujours eu, plus ou moins déclarés, sans que ça coince plus que ça.
Luke Evans est homo, et alors?
C'est forcement plus délicat quand la personne que tu vois jouer une femme est en réalité, quelque part, un homme. Et si tu le sais ou t'en rend compte. ça fait forcement évoluer ta perception du film.
Je ne dis pas que c'est juste, mais c'est une évidence.
Après on peut vouloir lutter contre, faire changer les mentalités, ...
Mais faire changer le regard des gens prendra du temps, ce n'est pas pour tout de suite.
Refuser qu'un acteur gay joue un hétéro, c'est de l'homophobie.
Avoir du mal à passer outre le fait qu'un personnage féminin soit en fait joué par un homme, c'est juste culturel. Et les meilleures volontés du monde ne vont pas effacer des choses ancrées dans nos mentalités en quelques mois, ou même années.

Mechanic
04/12/2018 à 10:09

@Andarioch

Le problème est aussi "grave" que lorsque le public doit croire que Charlize Theron est laide dans Monster, que Christian Bale est ultra maigre dans The Machinist, que Daniel Day Lewis est handicapé dans My Left Foot, que Jared Leto est obèse dans Chapitre 27... que Felicity Huffman est trans dans Transamerica...
Le public est bien assez grand. Et ce truc de "perturbation" des signaux est aussi utilisé pour
dire qu'un acteur homo ne sera plus crédible en prétendant dans une comédie romantique (Rupert Everett en a parlé sans détour). Pourtant, qui est perturbé quand Jake Gyllenhaal, hétéro a priori, joue un homo ? Personne, car "c'est normal qu'un acteur joue le rôle qu'il veut". C'est aussi la même chose si on prend une actrice en surpoids pour jouer "la fille", le pauvre public hétéro classique serait perturbé, perdu, donc protégeons-le, le pauvre.

D'autant qu'on parle pas ici de mettre Laverne Cox ou Jamie Clayton direct en tête d'affiche du reboot de Basic Instinct ou dans le premier rôle d'un DC. Ces acteurs et actrices veulent simplement avoir leurs chances.

Andarioch
04/12/2018 à 09:20

Le problème reste qu'un trans qui jouerait une femme voudrait dire qu'il faut que le spectateur "oublie" ou ne se rende pas compte qu'il s'agit d'un trans. Et, il ne faut pas se mentir, la très grande majorité du public n'est pas prête pour ça (oublier), et du coup les studios sont forcement frileux. Inversons la tendance. Imaginons un trans qui joue la veuve noire. Le côté érotique s'en verrait forcement très perturbé, les réactions iraient, chez les hétéros, de la vague gène à la profonde, voire violente indignation.

Pog
03/12/2018 à 19:33

@Gggrr

Pour ceux qui veulent une grille de lecture légèrement plus nuancée : les acteurs-trices transgenres qui se sont exprimés n'ont pas vraiment exigé que Scarlett Johansson quitte ce film. Ces acteurs ont simplement exprimé leur frustration sur une chose simple : ils veulent bosser. Eux aussi sont acteurs, et peuvent tout jouer.

On ne leur propose pas ce rôle de trans, ok. Mais ils ont surtout dit : pourquoi ne pas nous laisser accéder aux castings en général ? Si ce rôle là, qui serait a priori indiqué pour nous, ne leur est même pas accessible, et qu'ils n'a pas non plus accès à des rôles intéressants (plusieurs ont clairement dit qu'ils ne pouvaient même pas passer de simples essais pour tenter leur chance), ils sont censés faire quoi ?

Scarlett Johansson peut totalement jouer une trans, personne n'a prétendu qu'il fallait être obèse ou autiste pour jouer un autiste. Mais du coup, ces acteurs trans veulent simplement être traités pareil : eux aussi peuvent jouer un rôle "normal", ça marche dans les deux sens.

Caricaturer et tout réduire à ce pseudo lobby qui gouverne le monde (quid du lobby hétéro alors, à ce compte allons-y gaiement), c'est de la presse intellectuelle, et le meilleur chemin vers l'impasse du non-dialogue assourdissant.

Ggggrrrr
03/12/2018 à 18:49

@ Ecran large : Les choses ne sont pas compliquées du tout. Un acteur endosse des personnalités différentes. Pas besoin d'être un vrai autiste pour jouer un autiste (Dustin Hoffman dans Rain Man) Pas besoin d'être un homme vraiment devenu une femme pour jouer un homme devenu femme (Felicity Hoffman dans TransAmerica) Pas besoin d'être obèse pour jouer Hitchcock (Anthony Hopkins) Pas besoin d'être aveugle pour jouer un aveugle (Al Pacino dans le Temps d'un week-end) Pas besoin d'être un chien pour jouer un chien (Alain Chabat dans Didier)... ETC.
ScarJoe a cédé devant un lobby puissant, elle s'est écrasée et elle s'est excusé pour préserver sa e-réputation.

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