Cannes 2019 : Alejandro González Iñárritu défend Netflix et pense que c'est "le bouc émissaire" du cinéma

Déborah Lechner | 20 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Déborah Lechner | 20 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le réalisateur Alejandro González Iñárritu s'est exprimé sur l'avenir du cinéma en salles en rappelant qu'il n'avait aucun problème avec la plateforme Netflix.

Après avoir défendu l'idée que tous les films devaient sortir en salles il y a quelques jours, Alejandro González Iñárritu a tenu a nuancé ses propos. Dans une interview accordée au New-York Times, le réalisateur et président du 72e Festival de Cannes s'est exprimé sur l'avenir du cinéma. Il en a aussi profité pour rappeler qu'il n'avait rien contre les plateformes de streaming contrairement à ce qui a pu être compris.

Il a ainsi déclaré "soutenir Netflix à 100%". Si le réalisateur de Birdman et The Revenant reconnait que l'exploitation actuelle des films en salles est en perte de vitesse, il accuse plutôt les exploitants et les studios eux-mêmes :

 

photo, Michael Keaton, Edward NortonPréparez les poings, ça va cogner

 

"Certains films ne vous parviennent que par le biais du streaming, mais je pense que le gros problème vient de la manière dont les films sont produits, distribués et exposés. Le système est homogénéisé. Cela ne laisse presque aucune place aux autres types de films. Peu de studios font des films à moyen budget, intéressants et multiculturels, donc les distributeurs ne s'occupent plus d'eux et les exploitants ne montrent plus ces films qui ne leur rapportent que peut-être 3% de l'argent des énormes franchises."

Les franchises sont un autre point soulevé par Alejandro González Iñárritu et le cinéaste n'est pas très optimiste à leur propos :

"Nous laissons tous mourir ce média et devenons simplement un parc de divertissement sous forme de franchise. Si ces studios, distributeurs et exposants ne trouvent pas d'avenir, Netflix les mangera vivants."

 

photo, Michael Keaton, Edward Norton"Donc trouve toi un futur sinon ou tu finiras en tacos. Pigé ?"

 

Concernant Netflix, Alejandro González Iñárritu reconnait volontiers que tous les maux de la profession lui sont mis sur le dos :

"La solution de facilité a été de blâmer Netflix, ça a été le bouc-émissaire [...] Ce que je veux dire, il n'y a rien de mal avec Netflix qui capitalise sur le manque de diversité au cinéma et le diffuse à la télévision. [...] Si j'avais été dans la situation actuelle il y a 20 ans, je n'aurais jamais fait ni 21 grammes, ni Babel, ni Biutiful. Jamais. [...] Je suis un privilégié avec The Revenant, mais combien de jeunes cinéastes n'ont pas accès à ce genre de budget et à ces films ? Ils doivent se tourner vers la télévision."

Heureusement, tout n'est pas perdu pour le réalisateur. Il propose d'ailleurs quelques possibles solutions à apporter :

 

photo, Leonardo DiCaprio"Moi en tout cas là maintenant, je me sens pas privilégié"

 

"J'ai toujours essayé de trouver un point de jonction où les exploitants pourraient apporter les films dans les cinémas sans perdre d'argent et Netflix faire des événements autour de certains de leurs films et qu'un mois et demi après, ils passent à la télé. Donnez-nous juste la possibilité de choisir."

Ces propos d'Alejandro González Iñárritu résonne comme une touche d'espoir puisque le Festival de Cannes refuse toujours de projeter les films qui ne sortent pas en salles. Netflix a pourtant fait ses preuves cette année en remportant trois Oscars dont celui du meilleur film étranger et meilleur réalisateur avec Roma d'Alfonso Cuarón.

Notre critique de Birdman est disponible ici et celle de The Revenant juste . Et les critiques de nos deux gros premiers coups de coeur du festival de Cannes 2019 se trouvent ici pour Douleur et gloire, et pour Une vie cachée.

 

photo, Naomi Watts"C'est quand même triste pour les films Netflix"

Tout savoir sur Alejandro González Iñárritu

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commentaires
Birdy
21/05/2019 à 11:49

A terme, les salles de cinéma auraient même intéret à créer des événements "séries" comme la diffusion des 2 derniers épisodes de GOT en salle aussi, je suis certain que ça cartonnerait.

Mais de façon générale, la tv et le ciné se sont toujours tirés la bourre, avantage au ciné pour la qualité visuelle et sonore... jusqu'à auj. Car la qualité du home cinéma est telle que tu n'as aucune frustration à rester chez toi mater les films en streaming, avec un son au top, surtout vu le prix de la séance.

Il serait peut être temps d'ajuster ce prix du billet au budget du film. Qu'un blockbuster à 200M présent dans la moitié des salles coute 12€, pourquoi pas. Mais le petit film qui tente d'exister entre un Pixar, un star wars, et un avengers, et coute autant, c'est juste ridicule.

Geoffrey Crété - Rédaction
21/05/2019 à 10:19

@KibuK

On a écrit un article sur le sujet d'ailleurs hein...

On ne parle pas d'Oscar comme preuve de quoi que ce soit d'autre que la popularité et la place centrale de Netflix dans le paysage. On oppose ces Oscars au problème cannois, pour dire à quel point il y a résistance. Nulle part nous ne disons que ça prouve quelque chose d'un point de vue artistique : on parle ici business et rayonnement.

Léo
21/05/2019 à 07:37

Voilà un discours clair, juste et sans ambiguïtés.

Dae-Soo
21/05/2019 à 01:56

"Alejandro González Iñárritu a tenu a nuancé"
Bon sang relisez-vous !! Ça pique les yeux..
Totalement d'accord avec le discours d'Inarritu...

MystereK
20/05/2019 à 20:44

KIBUK sauf que le film qui a remporté ces oscars le méritait totalement !

KibuK
20/05/2019 à 19:09

@Ecran Large
"Netflix a pourtant fait ses preuves cette année en remportant trois Oscars..."
Comme si remporter un oscar était une preuve.
Je vous renvoie à l'article paru il y a peu sur le lobbying des oscars.

darkpopsoundz
20/05/2019 à 18:58

Tout est dit, merci Alejandro pour cette lucidité et cette sagesse.

Steph
20/05/2019 à 17:54

Il a pas tord. On peut blâmer Netflix, mais qui n'a fait que récupérer ce qu'hollywood a lâché...