Mignonnes : le distributeur réagit à la délirante polémique américaine

La Rédaction | 16 septembre 2020 - MAJ : 16/09/2020 17:21
La Rédaction | 16 septembre 2020 - MAJ : 16/09/2020 17:21

Depuis plusieurs semaines, le film Mignonnes est frappé par une campagne délirante et diffamatoire, qui a embrasé jusqu’aux politiciens américains. Le distributeur du film vient de s’exprimer. 

C’est dans les colonnes de Variety que David Grumbach, à la tête de Bac Films, qui a distribué le long-métrage en France, a pris la parole, tant pour défendre l’œuvre que rappeler en quoi la polémique qui l’entoure relève plus de l’hallucination collective et de la manipulation que de quoi que ce soit d’autre. 

Pour mémoire, la carrière du premier film de Maïmouna Doucouré s’annonçait sous les meilleurs auspices. Produit en France pour le cinéma, vendu dans le reste du monde à Netflix, il a été applaudi à Sundance et à Berlin, où il a récolté respectivement le Prix de la mise en scène et la Mention spéciale du Jury International. Reçu en France par une presse et un public très favorable, Mignonnes a déclenché rapidement un vif “débat” outre-Atlantique. 

 

photo, Fathia Youssouf AbdillahiL'impressionnante Fathia Youssouf Abdillahi

 

En effet, quand Netflix a commencé sa promotion internationale, mettant en avant une affiche aussi laide que douteuse, en contradiction totale avec l’esprit du film et son contenu, les réactions outrées ne se sont pas fait attendre, notamment sur les réseaux sociaux. L’essentiel des intervenants confondant allègrement l’œuvre, sa promotion, son autrice et la plateforme le distribuant hors hexagone, Mignonnes et sa cinéaste n’ont pas tardé à être accusés de pédopornographie. 

La sortie du film sur Netflix a remis une pièce dans la machine, les commentateurs les moins bien intentionnés n’hésitant pas à extraire du film des morceaux de séquence, les tronquant volontairement, afin de souligner leur propos et valider leurs accusations. D’où une tempête médiatique ahurissante, qui pousse aujourd’hui David Grumbach à prendre position dans une interview de Variety. 

Il s’est tout d’abord exprimé sur le choix de Netflix comme distributeur international du film, rappelant son positionnement. 

“Nous voulions que Mignonne bénéficie de la plateforme la plus importante qui soit, pour maximiser son impact et attirer l’attention sur le problème de l’hyper-sexualisation des enfants. Netflix semblait la solution idéale parce que c’est un film pensé pour un large public, quand bien même il adresse un sujet difficile, il demeure une œuvre accessible – certainement pas pour les enfants, mais pour les adolescents et les adultes.” 

 

photoUn film qui monte sur ses grands cheveux

 

L’occasion également de rappeler que la polémique actuelle repose essentiellement sur une double manipulation : accuser une œuvre d’être coupable de sa promotion par un acteur économique qui lui est étranger, et la manipulation de séquences du film afin d’en pervertir le sens. 

“Il est scandaleux de nous accuser de promouvoir la pédopornographie. J'ai été sidéré par la quantité de fake news qui ont été répandues au sujet du film. Nous ne nous attendions pas à ce qu’il soit utilisé par des politiciens dans la course électorale américaine.” 

En effet, le sénateur républicain Ted Cruz est monté au créneau sur Fox News pour protéger ses concitoyens, accusant le film de relever de la “pornographie”menaçant ses producteurs et distributeurs de poursuites pénales et garantissant que le métrage attirerait les pédophiles du monde entier.

Le niveau d'ignominie n'en est pas resté là, puisque la contributrice de la chaîne Rachel Campos-Duffy a publié une tribune où elle établit un lien vaseux entre l'ex-première dame américaine et le sujet, qualifiant Michelle Obama de "complice dans l'exploitation par Netflix du pédopornographique Mignonnes". Une position qui pourrait prêter à sourire, si elle ne venait pas valider un mouvement complotiste américain, né durant la première campagne présidentielle de Donald Trump (et largement encouragé par lui), selon lequel les édiles démocrates manipuleraient un vaste réseau d'exploitation sexuelle de mineurs.

 

photo, Fathia Youssouf Abdillahi, Medina El AidiQuand trois twittos névrosés ont décidé de se passer les nerfs sur ton travail

 

Une "théorie", un temps connue sous l'appellation "Pizza Gate", déjà responsable de plusieurs actes violents aux USA, régulièrement brandie par les ambassadeurs de QAnon, mouvement né sur la toile et progressivement digéré par le parti républicain, qui voit dans l'actuelle polémique une manière de raccrocher les wagons entre le parti démocrate, les ténors de l'industrie hollywoodienne volontiers démocrate, et les caciques du parti.

Une logique pour le moins non sensique, d'une violence extrême, pensée pour abattre une oeuvre d'art et une artiste, au nom d'une actualité politique particulièrement tendue, à quelques semaines de l'élection présidentielle américaine. Un emballement généralisé, qui oublie un peu la question du cinéma et des sujets qu'il peut aborder, ainsi que le rappelle Grumbach.

“Pensez à Jodie Foster, qui avait 12 ans quand elle interprété une prostituée dans Taxi Driver, ou à Little Miss Sunshine, ou aux innombrables films qui devraient être boycottés si nous devions nous soumettre à ce type de conservatisme. Nous ne pourrions plus traiter de questions telles que l’avortement, la violence, etc., parce que pour dénoncer quelque chose, il faut le montrer.” 

En France, Mignonnes est sur les écrans depuis le mois d’août, et notre critique se trouve par ici.  

 

affiche française

Tout savoir sur Mignonnes

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
alulu
17/09/2020 à 22:12

Comme le dit MystereK, tout dépend du regard de l'observateur mais si tu fais un "poisson-volant", il est à prévoir, d'avoir ce genre de retours. Je préfère pour ma part un documentaire avec des témoignages expliquant pourquoi ces gamines pratiquent ce genre de danse, leurs quotidiens et leurs environnement que d'un film pour piger le truc. Je ne dis pas que le film ne devrait pas exister mais franchement je ne vois pas son intérêt. À moins d’être sourd et aveugle ou de vivre dans une île, on sait plus ou moins pourquoi les raisons de cette pratique.

Miami81
17/09/2020 à 16:26

C'est vrai que j'ai joué au golf hier, et j'ai remarqué que c'était devenu un peu trop petromonarchique....

Simon Riaux
17/09/2020 à 10:30

@Rayan Montreal

- L'affiche est un montage, un agrégat d'images disparates, et n'est extraite d'aucune séquence du film.

- Le film n'est pas islamophobe.

- Le film plait en Allemagne, au Etats-Unis et dans pas mal de pays... où il a été découvert avant la France. Bref, il plaît, partout dans le monde.

Bien essayé, mais comme d'habitude, vous tapez à côté.

Kyle Reese
17/09/2020 à 10:20

@RobinDesBois

Twitter n’est qu’un outil de communication démocratique que tout le monde peut utiliser. Ce n’est pas un fléau en soit. Ce qui est problématique c’est la manière dont certains l’utilisent, détournent cet outil et d’autres outils à des fins de propagande, de harcèlement et de manipulations en tout genre sans quasiment aucun control ni conséquence quand aux abus.
Je ne sais pas si Twitter est regis par des lois comme la presse en France du fait qu’il soit américain avec ses serveurs aux us avec leur liberté d’expression totalement intouchable du fait de leur constitution.
Moi ce qui me pose problème c’est le control et le retard considérable des gouvernement à ce sujet. Du coup les extrêmes s’en donnent à cœur joie, ils ont des moyens d’exprimer voir de diffuser sournoisement leur haine sur toute la planète comme jamais ils n’avaient pu le faire avant.
Le pire c’est l’utilisation détourné de techno de plus en plus poussée type « deep fake » (a la base un outil de recherche pour simplifier de la post prod) qui permettent de truquer des vidéos’ en remplaçant un visage par un autre avec un algorithme de machine learning (pour faire simple IA) en moins de 2 pour peu qu’on est une bonne puissance de calcul.

Concernant la news qui nous intéresse, rien de choquant dans ce film a priori (je ne l’ai pas vu) mais une façon intelligente et sensible de parler du sujet. On peut détourner la tête, en faire un sujet tabou ça ne résoudra pas le problème de l’hyper sexualisation des jeunes filles influençables. Un problème bien plus grave pour moi est l’accès libre à pornographie sans aucun control. A l’heure où internet est dans toute les poches à partir du collège, voir bien avant, les enfants ne devraient pas pouvoir tomber ou aller sur des site porno sans restriction dés la page d’accueil. En dehors de tout discours moralisateur sur le porno, il est interdit, illégal et passible d’amande et de prison de laisser l’accès libre à un mineur à ce type de contenu.
Je sais que le get Macron veut tenter quelque chose prochainement à ce sujet, peut être comme en Angleterre mais ça montre bien le retard considérable de control vis à vis des nouvelles techno par nos chers gouvernants.

MystereK
17/09/2020 à 07:07

RYAN MONTREAL peut-être devriez vous voir le film avant de crier qu'il est islmamophobe, qu'il exploite des jeunes filles, etc... Et personne ne se régale de voire des jeunes filles faire du twerk avec un esprit tourné. Ce film est un très bon film qui m'a permis de disucter avec mes filles de cet âge de ce sujet épineux et il illustre bien mieux que mes discours les problème qu'il peut arriver à voouloir grandir trop vite, il a eu plus d'impact sur mes filles que tout ce que j'ai pu leur dire jusqu'à présent. Vous ne vous rendez pas compte que ces jeunes filles imitent sans arrière pensée et en toute innocence les images qu'elles voient dans les clips de leur idoles,, il s'agit de mimétisme innocent pour leur âge et elle le font de manière incosciente comme nous imitions à l'époque les rockers. Ce film leur montre que ce n'est pas si innocent que ça.

Et Jodie Foster jouait une prostituée, ne confondez pas la danse dans les clips et la prostition. Toutes les jeunes filles dansent et la danse a toujorus été de bouger son corps, aucune danse n'est anodine, mais c'est le regard de celui qui regarde qui en fait la perversité.

Pete
17/09/2020 à 00:23

Les intégristes en PLS parce qu'on a osé supprimé leurs commentaires !! Bah ouais les gars, si ceux qui gèrent le forum estiment que vous dépassez les bornes, c'est leur responsabilité de faire le ménage !
Quant à Rayan, Bravo t'as bien ingurgité tous les ramassis de Fake news de la presse d'Ultra droite ! T'auras même pas besoin de voir le film du coup !

DPO 007
16/09/2020 à 23:41

@rayan montreal Regarde le film avant de débiter de telles conneries.... Merci ????

RobinDesBois
16/09/2020 à 23:21

Twitter est vraiment l'un des pires fléau qui soit arrivé au 21ème siècle. Comment pourrir une oeuvre, un artiste, n'importe qui ou n'importe quoi en quelques clics par bêtise collective et besoin de sang. Et les médias ne sont pas étrangers à ce genre de dérive en accordant beaucoup trop d'importance à des tweets et des hashtags à la con. Pourquoi les divagations d'un bar PMU virtuel mondial qui peut très vite se transformer en meute sont-elles autant relayées par les médias ?

Rayan Montreal
16/09/2020 à 23:06

Mais si vous vous régalez devant des jeunes actrices de 12 ans qui tweerk c est votre problème, dans ce cas précis je conseille de consulter

RobinDesBois
16/09/2020 à 23:06

Je dois avouer que je me délecte de cette polémique. Bon c'est pas drôle pour la réalisatrice et j'espère que ça ne va pas lui mettre trop de bâtons dans les roues pour la suite de sa carrière. Non je suis surtout amusé de voir une partie des représentants de la cancel culture pris à leur propre piège. En espérant une prise de conscience de leur part quand à ces dérives liberticides même si je crains au contraire qu'ils ne se couchent par lâcheté.

Plus