Nymphomaniac, censure et Conseil d'Etat : mais que s'est-il vraiment passé ?

Simon Riaux | 1 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 1 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après des mois de lobbying intensif, Promouvoir s’est imposé comme la voix du conservatisme culturel, d’inspiration catholique intégriste en France, d’où une embolie médiatique à chacune de ses actions.

C’est sans doute la raison pour laquelle les esprits se sont rapidement échauffés quand, il y a quelques heures, s’est répandue sur les réseaux sociaux la nouvelle selon laquellela justice française aurait retiré son visa d’exploitation à Nymphomaniac version longue volume 1. Emotion légitime quand on sait combien les actions de Promouvoir en faveur de la censure auront causé de dommages et d’insécurité légale ces dernières années.

Sauf qu’à bien y regarder, les choses sont un peu plus compliquées que ça, et on aurait tort de voir dans la décision rendue il y a quelques heures une nouvelle attaque contre la liberté d’expression. Explications.

 

Photo Charlotte Gainsbourg

Le droit de la propriété intellectuelle et du Cinéma, un exercice casse-gueule

 

La situation était la suivante : suite aux actions en justice menées par Promouvoir, le premier volume de la version longue de Nymphomaniac (initialement interdit aux moins de 16 ans) s’était vu retirer son visa d’exploitation. Le Volume 2 était pour sa part interdit aux moins de 18 ans, situation également contestée par Promouvoir, qui réclamait un classement X (encore plus restrictif en termes de diffusion et distribution), mais n’a pas vu sa demande validée par le tribunal administratif.

Que s’est-il donc passé le 28 juillet dernier ? C’est finalement assez simple.

Après le retrait du visa d’exploitation de Nymphomaniac Volume 1 version longue, le ministère de la Culture a demandé au Conseil d’Etat d’annuler la décision du tribunal administrative (qui date donc de 2016, et pas de ces dernières heures). C’est cette procédure que vient d’invalider le Conseil d’Etat, en rejetant le pourvoi du Ministère de la Culture, mais aussi celui de Promouvoir et de l’Association pour la dignité humaine, qui réclamaient également le retrait de la classification - 18 du Volume 2.

 

Photo Jamie Bell

Le Conseil d'Etat est allé au fond des choses

 

Pour motiver sa décision, le tribunal a rappelé le point qui fait justement tiquer toutes les parties en présence. Car aux yeux de la justice et selon l’esprit de la loi, Nymphomaniac n’est pas « matériellement » un film relevant d’une interdiction aux moins de 16 ans, en cela qu’il représente des actes sexuels explicites et non simulés. Toutefois, il ne peut mécaniquement écoper d’un classement X, car le comité de classification puis le ministère de la culture possèdent une marge de manœuvre (le fameux  moins de 18), car « néanmoins, alors même qu'elle comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence, le ministre chargé de la culture peut légalement, s'il estime que la manière dont cette oeuvre est filmée et la nature du thème traité ne justifient pas une telle inscription, limiter la restriction dont est assorti le visa d'exploitation à la seule interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans ».

En gros, il ne s’agit donc pas d’une nouvelle décision de justice à l’encontre de Nymphomaniac, mais plutôt d’une absence de décision, le Conseil d’Etat estimant que les éléments portés à son analyse ne sont pas de nature à modifier ou annuler les décisions de justice précédente.

Bref, il ne s’est donc pas passé grand-chose, et pour les curieux qui voudraient lire la décision de justice in extenso, c’est par ICI.

Et on remercie avec la chaleur qui s'impose Clara Benyamin, Juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et du Cinéma, grâce à qui nous n'avons pas raconté n'importe quoi dans cet article.

 

C'est ça aussi, de pas bien suivre les cours de droit

 

Tout savoir sur Nymphomaniac : Volume 1

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Sharko
01/08/2017 à 21:20

Qu'on supprime le conseil d'état qui ne sert à rien, qu'on arrête les subventions publiques aux association et qu'on réforme ce cinéma Français qui ne vit que grâce aux CNC et à la contribution obligatoire du PAF.

Fleur Pellerin avait promis de réformer mais elle n'a absolument rien fait. Sans parler de Audrey Azoulay, véritable fantôme dans le précédent gouvernement.