Kingdom Hearts 3 - Partie 1 : retour sur une saga magique entre Disney et Final Fantasy

Christophe Foltzer | 2 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 2 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Gros outsider et machine à tous les fantasmes au moment de la sortie du premier volet en 2002, la saga Kingdom Hearts est rapidement devenue culte pour toute une génération, en même temps qu'un gros bordel scénaristique. Avec la sortie de Kingdom Hearts 3, on s'est dit que c'était le meilleur moment pour revenir sur cette franchise très particulière dans le monde du jeu vidéo. Et comme il y a beaucoup de choses à traiter, nous le ferons en deux parties.

 

 

AU COEUR DE L'HOMME

Tout commence avec un homme, Tetsuya Nomura. Illustrateur, il nait au Japon en 1970 et c’est en 1992, à l’âge de 22 ans, qu’il intègre la société SquareSoft, célèbre dans le monde entier pour sa franchise Final Fantasy. D’ailleurs, ses talents sont mis immédiatement à contribution sur le développement de Final Fantasy V, sur Super Nintendo, où il se retrouve à participer à l’aspect graphique des combats.

Ses capacités ayant convaincues les dirigeants de la société, il est propulsé directeur graphique sur Final Fantasy VI, en 1994, toujours sur Super Nintendo, et probablement le meilleur opus jamais créé pour la saga.

 

photo Tetsuya NomuraTetsuya Nomura

 

Mais c’est en 1997 que sa carrière fait un gigantesque bond en avant lorsqu’on lui propose le poste de character designer sur Final Fantasy VII. A lui la charge de créer les personnages emblématiques de l’épisode culte : Cloud, Sephiroth, Barrett, Aerith, Tifa

Le succès gigantesque du jeu lui permet ainsi de s’asseoir sur sa position et il enchaine ensuite les projets à une cadence soutenue puisqu’il embraye direct avec, notamment, le premier Parasite Eve, mélange de RPG et de Survival Horror resté honteusement inédit dans notre pays avant que sa suite ne vienne corriger le tir. Puis c’est le développement de Final Fantasy VIII et le style « Nomura » s’impose sur la saga et dans le cœur des fans.

 

photo Final Fantasy VIIFinal Fantasy VII

 

Un style qui ne fait pas que des heureux d’ailleurs puisqu’il allie des designs très influencés par la japanimation pour adolescents et un goût vestimentaire pas toujours de bon aloi. S’il ne participe pas à Final Fantasy IX, qui constitue le chant du cygne de la toute première équipe de développement de la saga, c’est pour une bonne raison : il travaille sur The Bouncer, jeu d’action à la troisième personne d’une importance capitale puisqu’il s’agit de la première production de SquareSoft à sortir sur PlayStation 2.

Un essai pas totalement transformé, qui tombe rapidement dans l’oubli, mais qui aura son importance dans la naissance de Kingdom Hearts d’un point de vue artistique.

 

photo The BouncerThe Bouncer et son proto Sora

 

COEUR À PRENDRE

La suite, on la connait, c’est Final Fantasy X, le premier FF « next gen », qui bouscule les codes de la franchise par son univers exotique et la disparation de la carte du monde, tout autant qu’il propose un des meilleurs systèmes de combat de la saga, tout autant qu’un excellent arbre de progression des compétences des personnages.

Pourtant, Tetsuya Nomura cherche encore à créer l’œuvre dont il aura totalement le contrôle, un jeu vidéo où il pourra parler de ses obsessions philosophiques, laisser libre court à son imagination. C’est en marge du développement de Final Fantasy X qu’il propose le concept de Kingdom Hearts, après avoir rencontré par hasard un producteur de Disney dans un ascenseur en 2000. Et c’est ainsi qu’il se retrouve, pour la première fois de sa carrière, en charge d’un jeu entier.

 

photo Kingdom Hearts

 

Lorsque le premier trailer est diffusé, en mai 2001 lors de l’E3, la surprise est totale chez les fans et l’excitation monte rapidement. Le mot d’ordre est simple : « C’est Final Fantasy qui rencontre l’univers des studios Disney. » Un mariage à priori grotesque mais qui n’est là que pour servir de socle à un plan de plus grande envergure, mais nous y reviendrons.

Chose importante, le studio Disney, via sa filiale Buena Vista Games, est partie prenante de la production en cela qu’elle injecte une partie du capital et obtient, de ce fait, un certain droit de regard sur le jeu, les mondes concernés et l’utilisation de certains personnages. Si les figures les plus emblématiques comme Donald, Dingo, Pat Hibulaire ou Maléfique, ne posent aucun problème, l’utilisation de Mickey Mouse, c’est une autre histoire.

 

photo Kingdom HeartsUne alliance inattendue

 

Au début des années 2000, il faut en effet se rappeler que Disney était surprotecteur avec sa mascotte et mettait un point d’honneur à l’utiliser au minimum dans des œuvres périphériques pour ne pas amoindrir son aura auprès des fans. Pas totalement convaincu par le projet, Disney accepte néanmoins que Nomura utilise Mickey, mais à deux conditions : on ne doit jamais vraiment le voir et son temps de présence à l’écran ne doit pas dépasser les 20 secondes. Ce qui explique son utilisation étrange à la fin du jeu.

Le 28 mars 2002, le jeu sort enfin au Japon et se place naturellement en bonne position des meilleures ventes. En Europe, il sortira le 15 novembre 2002, avec le même accueil. 11 ans après sa sortie, en 2013, le jeu s’était écoulé à plus de 50 millions d’exemplaires à travers le monde. Un pari réussi pour Tetsuya Nomura, tout comme pour Square et Disney qui voient là les prémices d’une franchise lucrative qui ne demande qu’à s’installer dans les chaumières pour les années à venir.

 

photo Kingdom Hearts

 

COEUR D'ARTICHAUT

Le public est charmé par le design général, tout en rondeurs, du jeu, la rencontre entre l’univers Final Fantasy et Disney se fait naturellement parce que Nomura, et son scénariste Kazushige Nojima (qui quittera Square en 2003), n’en ont pas fait le cœur du récit.

De nouveaux personnages sont créés pour l’occasion, Sora, Riku, Kairi, Ansem, et les designs se rapprochent de ceux de The Bouncer, avec son utilisation de couleurs criardes et de chaines métalliques. Leur aspect rond et leurs grandes chaussures représentent la synthèse parfaite entre les deux univers, le lien qui permet de passer de l’un à l’autre en toute harmonie.

 

photo Yoko ShimomuraYoko Shimomura

 

C’est dans sa facture technique et visuelle que le jeu marque tout autant. Le moteur graphique est performant et audacieux, hormis de fâcheux problèmes de caméra qui seront corrigés par la suite, la dimension Action-RPG et le système de compétences se révèlent très fournis tout en restant parfaitement accessibles pour un néophyte et assurant de grand moments bien impressionnants comme il faut.

A la musique, Yoko Shimomura, compositrice déjà reconnue pour son travail sur Street Fighter 2, Front Mission, Legend of Mana ou encore Super Mario RPG, crée des thèmes mêlant habilement les mélopées propres à Disney et les renvois aux morceaux de Final Fantasy, jusqu’alors encore composés par le grand Nobuo Uematsu. Choix génial, Nomura décide de mettre en avant un tub pop-électro, Simple and Clean, pour l’introduction du jeu, composé et interprété par l’artiste, alors émergente, Hikaru Utada.

Une décision qui participera beaucoup à l’identité de la saga et que l’on retrouvera tout au long de son existence. Les bases sont posées, le succès est au rendez-vous, la suite est donc logique : un nouveau volet est à prévoir. Et c’est là que les choses commencent à se compliquer parce que Tetsuya Nomura ne peut rien faire comme tout le monde.

 

photo Hikaru UtadaHikaru Utada

 

Si Kingdom Hearts était une exclusivité Sony et que l’on s’attend à ce que Kingdom Hearts II connaisse le même traitement, Nomura décide de prendre un chemin de traverse en lançant le développement de Kingdom Hearts : Chain of Memories, épisode situé entre les deux premiers volets…. sur Game Boy Advance.

Refonte totale du gameplay, puisque nous avons affaire à présent à un jeu de cartes, changement de moteur graphique, on revient à de la 2D, isométrique cependant, pour respecter les limitations de la machine même si le soft se permet une intro en image de synthèses qui constitue un véritable exploit pour l’époque, et installation des enjeux narratifs futurs sont au rendez-vous.

 

 

Malgré ses doutes, Nomura s’embarque dans l’aventure en réalisant que le jeune public veut jouer à Kingdom Hearts n’importe où et n’importe quand. Chain of Memories ne peut cependant pas être considéré comme un « vrai » second volet, parce qu’il nourrit une ambition plus modeste et que, malgré son succès, le Game Boy Advance ne bénéficie pas d’un parc de machines comparables à celui de Sony et que, de toute façon, il s’est déjà engagé pour un second volet sur PlayStation 2.

Kingdom Hearts : Chain of Memories sort ainsi au Japon en novembre 2004 et en mai 2005 en Europe et, encore une fois, c’est un succès. Un peu plus confidentiel à priori cependant vis-à-vis des fans du premier jeu, qui n’ont pas forcément acquis la console portable, mais un succès néanmoins. Il reste l’une des meilleures ventes de la saga puisqu’en 2007, il s’était écoulé à plus de dix millions d’exemplaires à travers le monde.

 

photo Chain of MemoriesEt si tout ça n'était qu'un rêve ?

 

AS DE COEUR

En décembre 2005 au Japon, et en septembre 2006 en Europe, Kingdom Hearts II sort enfin sur PlayStation 2. Plus d’un million d’exemplaires sont vendus à peine une semaine après sa sortie japonaise, et le jeu enchante autant qu’il désarçonne au début.

En effet, son introduction de plus de deux heures perturbe le joueur parce qu’il ne convoque ni Sora, ni Donald, ni Dingo, mais Roxas, dans une histoire qui ne semble pas du tout connectée à l’ensemble. Un début rébarbatif en mode tutorial mais d’une importance capitale pour la suite du récit.

 

photo Kingdom Hearts 2

 

Parce qu’avec l’implémentation de Roxas dès le départ, Kingdom Hearts II dévoile sa note d’intention : l’univers du jeu sera beaucoup plus approfondi, travaillé et convoquera énormément de personnages neufs, comme l’Organisation XIII par exemple, apparue dans Chains of Memories. Le gameplay est augmenté et raffiné, permettant de nouvelles techniques au joueur, les caméras sont corrigées, l’ensemble visuel est chatoyant, un énorme progrès a été fait depuis le premier volet et le jeu reste encore magnifique aujourd’hui.

De plus, le film introductif, sur le magnifique morceau Passion d’Hikaru Utada (ou « Sanctuary » dans sa version occidentale) reste encore un des modèles du genre et résume, à la grande surprise des fans, Chains of Memories, un opus qu’ils n’avaient pas forcément essayé.

 

photo Kingdom Hearts 2Roxas, la grande surprise de Kingdom Hearts II

 

Pourtant, la saga montre déjà ses limites, notamment dans sa gestion de l’univers. Les intrigues commencent à se densifier, au risque de perdre le joueur le moins attentif, les personnages à multiples facettes apparaissent, qu’il s’agisse d’Axel ou de Diz, et tout laisse imaginer un univers encore plus fourni. Tout comme quelques doutes sur la direction générale du récit. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Kingdom Hearts II était et reste un très, très grand jeu.

Si l’on ne va pas revenir en détails sur chaque jeu de la saga, plus d’une vingtaine répartie sur quasiment tous les supports entre consoles de salon, consoles portables et smartphones, sans parler des multiples rééditions (les fameux Final Mix), la sortie de Kingdom Hearts II nous fait saliver d’avance sur le prochain épisode. Et, à l’époque, personne ne s’imagine qu’il faudra attendre 13 ans pour pouvoir s’essayer à Kingdom Hearts III.

 

 

COEUR ENDORMI

Les choses se compliquent encore plus au niveau scénario avec la sortie en 2009 de Kingdom Hearts : 358/2 Days, sur Nintendo DS, un spin-off situé entre Kingdom Hearts et Kingdom Hearts II, mais après Chains of Memories.

Nous y suivons Roxas, fraichement accueilli dans l’Organisation XIII, sa vie avec son ami Axel et un nouveau personnage, la mystérieuse Xion, 14e membre de l’Organisation sachant elle-aussi manier une Keyblade. Un jeu limité techniquement à cause de son support, mais qui reste une belle prouesse et doté d’un fond plus que tragique.

 

photo 358/2 daysUn trio tragique au possible

 

En 2010, la saga se la joue prequel avec la sortie de Kingdom Hearts : Birth by Sleep sur la console Sony PSP, et ça se complique encore plus avec l’arrivée de plusieurs nouveaux personnages.

Nous y suivons les trois apprentis Terra, Aqua et Ventus (sosie parfait de Roxas) alors que leur maitre les fait passer à la maitrise de la Keyblade et que le vil Xehanort met au point son plan de domination du monde des cœurs. Un épisode qui apporte de nouvelles fonctionnalités intéressantes en termes de gameplay, fatalement un peu plus court et ramassé que les épisodes principaux mais, là encore, une prouesse technique pour la portable et l’un des meilleurs titres de la saga.

Le lien cruel qui lie les héros à Sora, Kaïri et Riku est dévoilé et leur destin tragique confirme la dimension mélancolique du récit. Bref, Birth by Sleep, ça ne se marre pas beaucoup. Voire pas du tout et ça nous en dit plus sur la fameuse guerre des Keyblades.

 

photo Birth by sleepTrois nouveaux héros prêts à plonger dans les Ténèbres

 

En 2012, toujours pas de Kingdom Hearts III mais Kingdom Hearts 3D : Dream Drop Distance, sur la portable 3DS et enfin le retour de Sora et Riku au premier plan.

Là encore, une aventure parallèle qui ne fait que préparer à ce que l’on attend tous puisque nous assistons aux épreuves soumises par Yen Sid à nos deux héros pour qu’ils deviennent des maitres de la Keyblade.

Un nouveau système de familiers est mis en place, un peu à la Pokémon, de nouveaux mondes sont visités, l’histoire se densifie encore davantage avec notamment la résurrection d’Axel, redevenant Lea, et le grand projet de Xehanort de forger la X-Blade, l’arme ultime permettant d’ouvrir le Royaume des Cœurs et de s’en approprier son pouvoir, les voyages temporels, les doublons du méchant et les Avale-Rêves.

 

photo Dream Drop DistanceRiku, le véritable héros de la saga ?

 

Un jeu qui convainc encore une fois mais qui ne met en valeur qu’une chose : Kingdom Hearts III prend son temps et n’est pas prêt de sortir. Le troisième épisode tant attendu est officialisé en 2013 mais n’en révèle pas beaucoup, et surtout pas une date de sortie. Le jeu ne cessera d’être repoussé, et ce n’est qu’en 2015, lors de l’E3, que nous aurons droit à une première vidéo de gameplay. Si l’on ne connait pas les véritables raisons d’un tel retard dans la production, on peut cependant supposer plusieurs hypothèses.

 

Mais il est plus que temps de marquer une petite pause, pour intégrer toutes ces informations. Nous entrerons donc plus en détails dans ces mystérieuses raisons qui ont tant retardé Kingdom Hearts 3, tout autant que nous plongerons dans une analyse un peu plus profonde des thématiques de la saga dans la seconde partie de notre dossier. A suivre, donc...

 

photo Birth by sleepVanitas et Xehanort vous défient de lire la suite...

Tout savoir sur Kingdom Hearts 3

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commentaires
Tom Ward
02/02/2019 à 19:30

Heureux de lire ce dossier sur ce qui a toujours été et reste ma série de jeux préférée. Et Kingdom Hearts 3, malgré quelques défauts, remplit toutes ses promesses ! :D