Dead Space 3 : test du nouveau cauchemar

Aude Boutillon | 19 février 2013
Aude Boutillon | 19 février 2013

En 2008, Dead Space venait dépoussiérer les rangs archi-balisés du survival horror en proposant une expérience terrifiante, abyssale, et hautement référencée. Après un second opus inspiré, qui avait enclenché un premier virage vers une expérience de jeu plus orientée vers l'action, le studio Visceral Games remet le couvert pour une bonne tranche de massacre, et revoit au passage les préceptes de son épopée spatiale, en en redessinant drastiquement les contours.

 

 

La mise en ligne, il y a de cela quelques mois, d'une poignée de minutes de jeu commentées, avait laissé entrevoir un environnement inédit dans la saga horrifico-spatiale, puisqu'on y voyait ce bon vieux Isaac Clarke déambuler... en plein air. Une première dans l'histoire de Dead Space, qui s'était illustrée par une atmosphère claustrophobe minutieusement travaillée, participant à l'angoisse terrible étreignant le joueur à chaque franchissement de sas, l'étroitesse des lieux rendant tout semblant de fuite impossible. L'initiative, si elle proposait un intriguant renouvellement à une série menacée de tourner en rond (en dépit de son efficacité !) avait fait copieusement râler les indécrottables c'était-mieux-avantistes, convaincus que l'extension de l'univers allait nuire à l'efficacité du jeu. Dead Space 3 offre en réalité un certain nombre de surprises, en se positionnant parfois à contresens des attentes, à l'image d'un début de jeu déconcertant pour qui aura justement suivi les images successivement dévoilées avant sa sortie. A la suite d'un double prologue plus laborieux qu'autre chose, chargé de dispenser en toute discrétion le B.A.-BA du gameplay, le joueur se verra ainsi propulsé dans un vaisseau somme toute familier, et ce pour sept chapitres. Ces derniers ne brilleront certainement pas par leur originalité, et s'engonceront en réalité dans des travers déjà esquissés dans l'opus précédent.

 

 

Ici, l'atmosphère cinématographique en diable qui avait fait le sel de la licence se trouve en partie sacrifiée au profit d'une action croissante, qui atteint son point d'orgue dans un tableau fiévreux, tolérant peu ou pas d'arrêt. Les nerfs y sont certes mis à rude épreuve, mais cette fois à grand renfort de jump scares et déferlements d'ennemis aux spécificités d'attaque variées. A la façon d'une saga horrifique fatiguée et feignante, Dead Space 3 semble donc se rabattre sur des procédés faciles et sans surprise, tout juste destinés à malmener le self-control de son joueur, avec une efficacité certes indéniable. On se privera de fait, durant cet aparté répétitif (avec redite d'une scène culte de Dead Space 2 à la clé), des séquences mémorables et inspirées qui avaient marqué les deux premiers opus par leur poésie morbide, leurs jeux de lumières époustouflants, et surtout une mise en scène particulièrement inspirée (souvenez-vous de cet éprouvant assaut de vélociramorphs ricanants au beau milieu d'une jungle de containers !).  De manière générale, Visceral Games redéfinit radicalement la peur qu'il souhaite infliger, et supposée constituer la moelle épinière de son jeu : la violence, inchangée, sert cette fois l'action et la brutalité, en lieu et place de la bizarrerie tantôt malsaine, tantôt étrangement onirique, qui caractérisait les épisodes précédents. Finie la trouille primale, bonjour le sursaut parasite.

 

 

Le tiers du jeu marque la transition vers une nouvelle expérience, avec le crash de la navette transportant Isaac et ses comparses sur Tau Volantis, étendue cotonneuse et désertique hantée par... les Nécromorphes, ces enchevêtrements de cadavres de tous bords rivalisant d'originalité. Si ce basculement offrira une variation de décor bienvenue (difficile de ne pas penser à Lost Planet), il ne se montrera pas à la hauteur des potentialités offertes par cet environnement glaciaire et neigeux, puisque les innovations, en termes de gameplay, se limitent à protéger sa chaleur corporelle en l'attente d'une doudoune digne de ce nom (une contrainte plus ennuyeuse que porteuse de challenge, puisqu'elle limite considérablement l'exploration) et quelques descentes en rappel. Les développeurs avaient pourtant mis en exergue leur volonté de créer une sensation d'angoisse et de claustrophobie inchangée à partir, cette, fois, d'étendues à la fois démesurées et imperceptibles du fait du blizzard.  C'est également à ce moment du jeu qu'interviendront de nouveaux ennemis humains franchement dispensables, puisque balourds et particulièrement scriptés, dont les affrontements ne mettront pas en valeur les quelques nouvelles fonctionnalités apportées aux mouvements d'Isaac (impossible par exemple de se mettre proprement à couvert).

 

 

La campagne de promo du jeu ayant largement mis l'accent sur une refonte totale du système d'armement, le craft occupe comme prévu une place relativement conséquente au sein de l'expérience Dead Space 3. Problème : il ne se montre pas totalement à la hauteur des attentes, voire agace plus qu'il ne se montre utile. Les armes, au nombre de deux au grand maximum, peuvent être certes démontées et fabriquées à partir de pièces détachées, mais dans une raisonnable mesure, en ce que les possibilités de combinaisons restent relativement limitées. Elles coûteront qui plus est des pièces d'armement et matières premières diverses qu'il faudra récolter au fil de l'aventure, sans que ces dernières ne puissent être achetées, à l'image des kits de soin et recharges de munitions (universelles, donc bien pratiques). On pourra donc trouver au montage/désassemblage une certaine tendance à casser le rythme du jeu, bien que les stands d'équipement se situent à intervalles suffisamment réguliers pour qu'ils n'imposent pas des stops systématiques. Pour cette même raison, la difficulté de Dead Space 3 se montre un poil inférieur à ses ancêtres, où les combats en mode Difficile devenaient purement cauchemardesques à partir du cinquième ou sixième chapitre, les munitions et trousses de soin, quasi introuvables, relevant du miracle. Si les ennemis se montrent parfois costauds, la progression ne s'en trouve nullement entravée, notamment grâce à un inventaire toujours plus ou moins fourni, et l'on ne passera pas une heure sur un même tableau insurmontable. Une aubaine pour certains, une déception pour les joueurs plus assidus. Ces derniers pourront toutefois se retrancher sur les modes hardcore que l'accomplissement de l'aventure leur permettra de débloquer, et tenter par exemple de venir à bout du jeu sans le moindre trépas.

 

 

Le scénario ne constituant pas franchement l'essence de la série, on se contentera d'un pitch du plus simple acabit (Isaac, débarrassé de sa folie - monolithes - secte évolutionniste - danger interplanétaire), sans implication émotionnelle aucune, qui se déroulera toutefois sans accroc, voire avec efficacité, les chapitres s'enchaînant avec une relative fluidité, et une cohérence certaine. Dommage toutefois que la progression impose des aller-retour réguliers, agrémentant le jeu de séquences de promenades dispensables, et balançant ça et là de nouveaux Nécromorphes sur une surface supposément déjà nettoyée. Le temps de jeu se verra par ailleurs boosté par des missions secondaires en nombre à la fois suffisant et raisonnable, plus ou moins intégrées dans l'aventure principale, et sans autre intérêt que de dézinguer de l'ennemi par sacs de dix, salle après salle, en vue d'une récompense finale généreuse.

 

 

Dead Space 3 impose un constat en demi-teinte, tempéré par des ambitions de renouvellement que l'on ne peut que saluer. Si le jeu peine à se montrer totalement digne de l'identité hautement singulière de la licence, et sent le réchauffé à plus d'un titre, au regard des TPS des dernières années, il demeure efficace dans ses séquences d'action, qui constituent désormais la quasi totalité de l'épisode. Visceral Games, loin de se reposer sur ses lauriers, continue de s'illustrer dans les domaines qu'on lui connaît (la plastique du jeu reste séduisante et le sound design irréprochable), mais joue la carte de l'innovation avec une réussite relativement mitigée.

 

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