God of War est un jeu monumental et exceptionnel... vraiment ?

Geoffrey Crété | 6 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 6 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

C'est le jeu événement de 2018 : God of War, nouvel épisode et renaissance de la série lancée en 2005 où Kratos affronte cette fois-ci l'univers mythologique des pays nordiques. Porté par une presse absolument dityrambique, qui l'a propulsé parmi le cercle très fermé des réussites à peu près absolues, le jeu prend le risque de décevoir. Notre test sur Playstation 4.

WAR GAMES

Depuis 2005, God of War a connu plusieurs suites et versions, mais surtout une trilogie couronnée de succès, qui a placé Kratos le destructeur parmi les héros les plus iconiques de ces dernières décennies vidéoludiques. Sept ans après la sortie du troisième opus où il a annihilé papa Zeus, il ressort d'un nuage de brume et de sang dans les royaumes nordiques, avec un fils et une hache. 

Rayon nouveauté, il y a bien plus. Du gros beat-them-all avec une caméra qui surplombe l'action, le jeu penche désormais vers l'action et l'aventure, avec une vision plus proche des muscles du héros. Des lames du chaos, Kratos passe à la hache Leviathan. Gameplay, genre, univers : God of War se présente comme une claire réinvention de la franchise, prête à en découdre avec la concurrence de 2018. Et avec une revue de presse démente, qui flirte avec les cimes des médias spécialisés comme rarement vu par le passé, ce retour de Kratos est immanquable. Reste à savoir s'il est à la hauteur de cette étiquette de réussite totale et renversante.

 

 

L'ART DE LA GUERRE

God of War commence par la mort, et la mort plane sur le monde de Kratos. Après celle de sa femme Faye, le colosse divin se retrouve seul avec leur fils Atreus, au milieu d'une forêt aussi glacée que son cœur de guerrier increvable, hanté par son passé douloureux. Le dernier souhait de Faye était de voir ses cendres emportées au sommet de la plus grande montagne du royaume : l'homme et l'enfant partent donc sur les routes de leur monde enneigé, aussi mystérieux que leur relation père-fils est compliquée.

Comme dans un The Last of Us, l'enjeu sous-terrain sera de panser les plaies du duo, dont la bataille contre des créatures et autres entités divines mettra à jour les secrets et non-dits. Kratos est un dieu qui a fui sa Grèce après avoir tué son père Zeus dans God of War III, espérant s'exiler dans un autre monde pour vivre comme un mortel après avoir rangé au placard ses lames du chaos et enterré ses péchés. Atreus, lui, n'a aucune idée de la véritable nature de son père et donc, la sienne. Dans cette énorme ellipse évacuée par le jeu, qui a permis à Kratos de trouver un nouvel équilibre avec sa rage et sa nature, bien des choses se sont passées.

L'enfant n'est pas encore prêt à affronter les dangers du monde, au-delà de leur nid moins douillet que gelé, mais l'arrivée d'un inconnu venu raviver la flamme Kratos va les pousser à s'imposer dans une nouvelle guerre épique, dans le royaume de Midgard.

 

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À LA MERVEILLE

Une chose est certaine : God of War est beau. D'une beauté certes indispensable et attendue vu son statut de jeu AAA, qui affronte une concurrence toujours plus belle et grande. Mais d'une beauté enivrante, étourdissante, étonnante, laquelle parvient régulièrement à marquer la rétine avec une palette de couleurs sensationnelles. Paysages enneigés balayés par une brise glacée, jardins féériques habités par une végétation luxuriante et baignés dans une lueur rosée, forêt merveilleuse aux herbes et aux animaux magiques, grottes obscures aux reflets d'or : loin de se résumer aux décors classiques, le jeu embarque dans un voyage au-delà du réel sans cesse renouvelé, offrant de multiples visions saisissantes.

Il n'y a qu'à plonger dans l'enfer gelé de Helheim, avec ses statues condamnées à partir en poussières bleutées pour l'éternité sous le regard d'un mystérieux oiseau géant, ou découvrir l'arbre-tortue de Freya, pour saisir la portée symbolique puissante et riche du jeu.

 

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Jouant avec les figures de la mythologie nordique et les motifs de l'heroic fantasy, God of War passionne vite par sa capacité à façonner une odyssée follement excitante. Au lieu du monde ouvert devenu monnaie courante, il y a une aventure cadrée, dirigée, avec son lot de quêtes secondaires plus ou moins barbantes et utilitaires, mais surtout parfaitement maîtrisée et dosée, et équilibrée entre les phases d'action pure, d'exploration douce et de contemplation renversante.

Impossible de ne pas écarquiller les yeux devant les apparitions du Serpent monde, créature gigantesque aussi étrange que magnifique, dont le caractère absolument étranger demeure d'une puissance folle. Une courte mais mémorable scène où le joueur sera invité à le découvrir plus en profondeur est à ce titre particulièrement réussie. Ainsi, le jeu ne se contente pas bêtement de tracer une ligne entre le beau et le monstrueux : à plusieurs occasions, il s'installe entre les deux, provoquant des sensations étonnantes, où la crainte et l'émerveillement le plus pur se cotoient. 

 

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DEMOLITION MAN

L'action justement aura été l'un des points les plus attendus et surveillés, Kratos ayant par le passé brillé par sa force herculéenne et sa rage démoniaque. God of War version 2018 a baissé le curseur à ce niveau, préférant un dosage maîtrisé plutôt qu'une orgie de coups et éclairs. L'amateur de la première époque de Kratos pourra regretter quelque chose, mais difficile de ne pas saluer l'efficacité de la recette.

Simple, intuitif, le gameplay permet de s'approprier à la vitesse éclair le corps et les muscles du héros, épaulé d'un Atreus bien plus utile que ne le laisse entendre son statut de môme. Nul besoin de lui venir en aide, hormis de rares occasions où il sera joliment assailli par des monstres nommés cauchemars, lesquels le replace dans l'enfance qu'il tente de fuir à si grandes enjambées. Le fils de Kratos est sinon un allié solide, capable d'étourdir les ennemis, les neutraliser voire les tuer, tout en invoquant des forces magiques débloquées au fur et à mesure. C'est grâce à lui qu'une bande de loups électrisants pourra surgir pour tomber sur le crâne d'une sorcière, ou qu'un écureuil pourra venir fouiner dans une autre dimension cachée à l'œil des protagonistes pour dénicher une précieuse potion.

 

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Si taper est jouer, il y aura une dimension tactique non négligeable, puisqu'indispensable dans certains affrontements contre des colosses aux natures, attaques et défenses différentes, lesquels obligent le joueur à adapter son approche. Certains ennemis sont ainsi imbattables sans un minimum de réflexion, voire de patience du côté des inévitables quêtes annexes. Là encore, absolument rien de nouveau, mais la formule est appliquée avec brio.

La dimension colossale des combats, marque de fabrique de la trilogie culte, sera elle aussi de retour, également plus discrètement mais avec une mise en image spectaculaire. Au-delà des ordinaires trolls et leurs variantes, il y a au moins une rencontre démente avec un dragon, qui offre un shoot d'adrénaline et d'action faramineux, embarquant le joueur dans une longue séquence catastrophe réjouissante. L'apparition d'un géant ou un sauvetage dans les airs promettent eux aussi des sensations fortes, tandis que de très nombreux combats contre des nuées d'ennemis offrent la dose de baston attendue dans un tel titre. 

 

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BOF OF WAR

Reste que derrière cet habillage fantastique, souvent magnifique et parfois grandiose, God of War obéit aux règles désormais très banales du genre. Le lac des neufs sous forme de gigantesque hub, les portails de navigation rapide, les quêtes secondaires à bases de nains et autres fantômes qui demandent de l'aide, les points d'expériences, le système de craft, les cartes aux trésors, le langage à déchiffrer, la présence aussi magique qu'absurde des frères nains : le jeu use de toutes les ficelles bien connues des gamers.

Rien de mal là-dedans, si ce n'est que la route semble bien balisée, même dans ses meilleurs moments. Rien de déplaisant dans l'absolu, si ce n'est qu'il sera difficile d'oublier qu'on a sous les yeux un blockbuster certes très satisfaisant, mais qui suit les règles et codes de son époque. C'est avec une efficacité certaine que l'équipe de Sony Santa Monica a (re)construit l'univers de Kratos, à cheval entre sa première époque et son avenir en tant que franchise, mais impossible de ne pas y voir une nouvelle mise à jour de ce qui est devenu le visage d'un jeu AAA en 2018.

 

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Backtracking pour débloquer portes et coffres avec un nouveau pouvoir, pour affronter cet ennemi surpuissant croisé par malheur dans une pulsion naïve de curiosité dèsles premières heures, pour trouver cet artefact précieux afin d'améliorer une arme : la mécanique de God of War est aussi huilée que prévisible. De la même manière, la dose d'action plus confortable permet de caresser dans le sens du poil le joueur qui serait rebuté par le déchaînement colossal de combats, tandis que l'amateur pur de baston pourra chasser la valkyrie ou explorer les brumes de Niflheim pour satisfaire ses besoins côté quêtes secondaires.

L'approche plan-séquence, qui veut que la mise en scène épouse sans interruption réelle tous les tournants de l'aventure, est là aussi belle, mais n'a plus grand chose d'inédit - la "caméra" virevoltante de Dead Space, par exemple, s'était montrée particulièrement dingue il y a dix ans. Même l'univers nordique, passionnant, résonne parfois trop avec l'époque, de Tomb Raider : Underworld à Thor en passant par la série Vikings qui ont remis sur le devant de la scène mainstream la mythologie. Et la dose d'humour, notamment portée par les frères nains et Mimir, se révèle aussi sympathique que parfaitement calibrée.

 

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BILAN OF WAR

En fin de compte, après une grosse vingtaine d'heures minimum pour boucler l'histoire et un paquet d'autres pour réellement explorer et consommer l'univers, God of War est certainement une réussite. L'aventure est épique, techniquement impressionnante, agréable à prendre en main, avec un niveau de difficulté très maîtrisée pour s'adapter à différents types de joueurs. Le voyage est d'une beauté souvent renversante, et l'accent mis sur la contemplation et l'émotion est un atout de taille.

A ce titre, difficile de ne pas saluer l'effort dans la dramaturgie, certes très classique mais très bien organisée et dialoguée. Cousue de fil blanc, la relation entre Kratos et son fils est plutôt fine et dans tous les cas très attendrissante, malgré quelques gros raccourcis dans leur évolution. Le héros a beau être devenu un sujet de plaisanterie depuis peu avec son "Boy !" répété à outrance (fantastique doublage de Christopher Judge, alias Teal'c de Stargate SG-1), il gagne dans ce nouvel épisode une nouvelle dimension qui enrichit l'univers. 

 

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La seule vraie étrangeté demeure l'accueil follement positif réservé au titre, qui a pu créer une attente disproportionnée et donc un lancement incroyable (plus de 3 millions d'exemplaires vendus en trois jours), digne d'un coup de génie à l'état pur qui aurait de quoi bouleverser la scène du jeu vidéo de 2018. La renaissance de Kratos ne se situe pas dans cette zone, mais dans celle des superproductions ultra-calibrées et monstrueusement efficaces, à la manière d'un magnifique Horizon : Zero Dawn sorti l'année dernière.

Ce n'est pas un problème, tant l'expérience est satisfaisante, et saura clairement toucher le cœur et le cerveau reptilien d'une grosse partie du public. Et tant qu'on ne s'attend pas à une œuvre exceptionnelle qui va changer la face du monde vidéoludique, pourrait-on ajouter.

 

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Résumé

Si l'accueil exceptionnellement dithyrambique semble exagéré vu la formule beaucoup trop classique de l'aventure, God of War n'en reste pas moins une belle réussite dans le genre, souvent épique, majestueuse, merveilleuse, et même parfois très touchante.

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Lecteurs

(2.3)

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commentaires
Julien
24/09/2021 à 15:58

Je n'ai pas aimé ce jeu. Je n'aime pas les jeux où la caméra n'est pas libre. J'ai l'impression d'être mené par le bout du nez.
Je n'ai pas aimé le manque d'espace dans les combats. Le mec est censé être un dieu et se fait rétamer par le moindre graudar qui casse sa défense.
La gestion des stats est hazardeuse. J'ai eu beau changer d'armure, de talisman et autre , je n'ai pas vu de grandes différences.
Voilà.

Lestat1886
16/11/2018 à 17:17

@KAIN527 un des commentaires les plus stupides et primaires que j’ai jamais lu! Bravo

west666
18/05/2018 à 09:27

ya que sur play des exclues de grandes classes comme ça dédicace aux rageux pro x box ^

KAIN527
14/05/2018 à 03:07

Red Dead Redemption 2 et God Of War , 2 exclusivitées pour CONsole de salon.




Le probleme du jeux video aujourdhui c'est qu'il est pas pris assez au sérieux ce qui explique des vides juridiques et que des groupes fassent légalement de juteux profit.
Tant que le CONsommateur sera de la partie les biftons aussi!!

jaroh
09/05/2018 à 11:30

Platiné hier, les points positifs ont déjà assez longuement discuté et sont indéniables, pour ma part voici pour moi les points négatifs:
- moins nerveux et bestial que les précédents, mais cela est compensé par ses autres qualités
- lock vraiment pourri, ne dérange pas 99% du temps
- manque volontaire de contenu pour préparer suite/DLC, peut être pardonné si une extension à la Horizon sort dans l'année
- manque de challenge
- je n'aurais pas craché sur un new game + et mode de difficulté extreme

Grift
07/05/2018 à 16:12

Fini le jeu samedi. Assez en phase avec votre critique.
Le trouve le jeu hallucinant de beauté (réalisation technique mais surtout DA assez folle, il faut le souligner. Beaucoup de gens semble penser que le gros du travail est technique mais ce n'est à mon avis pas le cas). La musique est aussi vraiment top aussi (Bear McCreary n'est pas un débutant).

Mais il manque un petit truc pour que le continu vidéoludique (qui est excellent) soit a la hauteur de l'écrin technique et artistique qui l'entour. Il aurait fallu peut être un bestiaire plus varié, peut être plus de boss démesurés (cf GoW 3), une histoire plus passionnante ( la relation père / fils est sympa mais évolue mécaniquement et l'aventure en elle même manque du souffle épique qu'avait les autres épisodes).

Cela étant dit, on a des jeux comme ça tous les 2 ou 3 ans et ça demeure bien une petite merveille pour les yeux. Donc ne boudons pas notre plaisir :)

Stridy
07/05/2018 à 13:11

Je suis pour l'instant très déçu par ce nouveau cru de God of war.

Ok ça "chie la classe" techniquement mais bordel qu'est-ce qu'on s'ennuie.

On avance
2 ou 3 ennemies à buter
On râle sur Atreius
Un pseudo casse tête
On engueule Atreuis
On croise le nain
Un boss sans relief
On engueule Atreius

Et l'histoire piétine terriblement...

On est vraiment à des années lumières de God of war 2.

Et comme la rédaction, j'ai largement préféré Horizon qui était une sacrée bouffée d'air frais. Pas le jeu le plus original du monde mais qui synthétise tout ce qui se fait de mieux dans le genre.

Geoffrey Crété - Rédaction
07/05/2018 à 12:41

@jaroh

Après, notre coeur penche vers Horizon : Zero Dawn qui, tout en étant dans le cadre de la grosse production calibrée, avait à nos yeux ce petit plus magique. Mais encore une fois, ce n'est que notre humble avis.

jaroh
07/05/2018 à 12:03

@mikegyver Personne ne pointe du doigt les jeux que tu cites parce qu'ils sont excellents...ce qui est reproché c'est le dithyrambisme et l'emballement d'une certaine presse qui encense le titre malgré des défauts évidents qui seraient reprochés à des titres plus modestes.

Uncharted/Horizon/God Of War sont des jeux vraiment excellents et roulent qualitativement sur la concurrence mais il leur manque un petit quelque chose pour être élevés au rang de chef d’œuvre incontournable comme un Breath Of The Wild par exemple.

Geoffrey Crété - Rédaction
07/05/2018 à 11:34

@mikegyver

"Les gens" ne veulent pas tous la même chose. La preuve, on n'est pas les seuls à avoir ce ressenti sur God of War.

On peut parfaitement saluer l'excellence du jeu en matière de blockbuster, et c'est ce qu'on fait longuement dans l'article. On peut aussi ne pas s'agenouiller et dire amen, en préférant nuancer certaines choses, et ne pas s'aligner par automatisme sur le refrain "c'est génial, point".

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