The Promised Neverland : entre thriller et survival, le manga phénomène qui respecte sa promesse

Flavien Appavou | 27 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Flavien Appavou | 27 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Depuis sa sortie dans le Weekly Shonen Jump, The Promised Neverland déchaîne les passions. Et pour cause, ce manga scénarisé par Kaiu Shirai et dessiné par la talentueuse Posuka Demizu est un OVNI dans la galaxie du shonen moderne. Édité au Japon depuis 2016 et en France depuis 2018, après une campagne marketing accrue (mais payante) chez Kazé, ce titre conquit le coeur des lecteurs de manga et ouvre aussi la voie aux non avertis.

 

 

LES PRÉMICES DU SUCCÈS

Ce titre est un peu une révélation avec son intrigue particulière qui navigue entre du survival, du suspense, de l'horreur et de l'aventure. The Promised Neverland, de son nom japonais "Yokusoku no neverland" (La promesse d'un monde imaginaire) a commencé à susciter la curiosité en août 2016 dans le fameux Weekly Shonen Jump, où se trouve One Piece, Dragon Ball... ce magazine de prépublication connu pour sortir de gros hits. Et dès les premières publications, ce manga figure dans les premières pages de cet hebdomadaire.

Ce qu'il faut savoir sur ce magazine, c'est que plus un titre reçoit de voix de lecteurs, plus il est placé dans les premières pages. Moins il en reçoit, plus il sera positionné au fin fond du bouquin ou carrément pire : stoppé.

En France, son aventure démarre en août 2018 chez Kazé manga qui rafle le titre et commence dès lors une campagne marketing et presse hors du commun pour un manga : bandes-annonces ciné, télé, affiches placardées partout, un lancement presse en fanfare... Kazé n'a pas lésiné sur les moyens. Une maison des secrets avec pleins de goodies, et parsemée d'énigmes, est envoyée aux libraires et à la presse au lancement du tome 1.

Et le succès est au rendez-vous : le 1er tome a le meilleur lancement livre de 2018. Une stratégie payante pour Kazé qui peut compter sur l'histoire et la renommée du titre ainsi que son goût pour créer des cliffanghers à chaque fin de chapitre et de tome.

 

Kit pressLe beau kit Press (photo de Kazé manga)

 

UNE HISTOIRE RASSURANTE

Mais de quoi parle donc ce manga ? C'est sûrement la question que vous devez vous poser !

Il s'agit tout simplement d'orphelins vivant dans une résidence appelée GraceField House. Emma, Ray et Norman, âgés de 12 ans, sont les plus grands et les plus intelligents de la pension. Avec leurs "frères et sœurs", ils cuisinent, étudient, jouent et se font cajoler par leur "Maman". Parfois, il arrive que certains enfants doivent partir pour se faire "adopter". Un quotidien normal pour un orphelinat tout à fait normal.

Un jour, une des sœurs, Conny, doit aussi partir pour de nouvelles aventures. C'est le cœur déchiré que les grands lui font ces adieux, et celle-ci part avec Maman jusqu'au portail. Mais la petite Conny oublie son doudou. Ni une ni deux, Emma et Norman décident de courir après eux et font une horrible découverte... Des démons sont présents pour récupérer le corps de Conny sans vie. Les deux enfants comprennent ainsi qu'ils sont dans une ferme et qu'ils ne sont que du bétail. La course pour leur survie est donc engagée.

Sympathique, non ? L'un des attraits de ce manga est en avant tout son histoire qui compte de nombreux twists et trouvailles de génie. Le scénario nous tient en haleine du début à la fin. Ce qui est rare dans un shonen de ce genre. Et ce n'est pas tout.

 

Cover t1Le tome 1 qui pose les bases

 

UN DÉCOUPAGE À TOUTE ÉPREUVE

Il faut dire que les auteurs à la manette de ce manga sont de parfaits inconnus. Kaiu Shirai a écrit le scénario complet de l'œuvre (qui fait plus de 300 pages) et l'a confié à un éditeur de Shueisha (celui du Shonen Jump). Et c'est deux ans plus tard, que le titre commence à prendre vie quand Posuka Demizu arrive avec son style hors norme. Mais on reviendra un peu plus tard sur le dessin.

L'œuvre étant déjà écrite de bout en bout, il n'en fallait pas plus pour la rendre intelligible pour la lecture en manga. C'est là que rentre le génie du découpage des auteurs. Les cases et la narration sont totalement maitrisées et cela dès le début de la prépublication en chapitre. Un fait encore une fois rare dans un grand magazine ! Ce qui entraîne des commentaires dithyrambiques dès la parution du premier chapitre.

 

PlancheUn quotidien normal

 

Le découpage met en scène les protagonistes, leur quotidien, quelques éléments intrigants, mais très vite repris dans un semblant de normalité tel un séquençage cinématographique. Les auteurs créent des ruptures de continuité et profitent de ces temps pour y glisser une atmosphère pesante, oppressante. Jusqu'au twist des démons.

Et là, le manga s'engouffre dans un découpage frénétique de thriller voire film d'horreur, chaque case et bulle devenant importante, laissant traîner des indices pour nous, lecteur, mais aussi pour les héros de l'histoire : Emma, Ray et Norman. Les plans sont quelquefois anxiogènes, pour montrer l'oppression et la peur ressenties par les enfants. Tel un Prison Break, le scénario change de rythme à chaque séquence et le découpage suit le même modèle. Ceci est une des recettes de son succès, mais il n'y a pas que ça.

 

Planche avec MamanLa suspicion te guette

 

UNE ILLUSTRATION PARTICULIÈRE

Posuka Demizu a un talent incroyable pour les perspectives et les lignes de fuite, ce qui peut être perturbant sur une première lecture ; et qui est aussi très étonnant, encore une fois, pour un titre du Shonen Jump. Les traits sont plus marqués, très design, avec des proportions tête et corps assez absurdes pour ce style de manga. Ce qui en fait encore une fois un titre particulier pour un shonen : on n'a jamais été habitué à ce style de dessin auparavant.

La plupart du temps, il est plutôt rond ou bien assorti au "grotesque" de la situation ou de l'histoire pour ce qui est de la comédie, ou bien, fin et bien proportionné quand on est dans un thriller. Ici, on est dans un style complètement nouveau avec des plans alambiqués et des structures de dessins qui sont d'une nouveauté rafraîchissante. 

 

Illustration, The Promised NeverlandCette perspective de malade.

 

La dessinatrice en profite même pour inclure des éléments du scénario global dans ses dessins, afin de distiller des informations dans les illustrations et pour faire en sorte que le lecteur puisse aussi chercher les indices par lui-même au gré de sa lecture, s'il a l'œil avisé et surtout aiguisé !

The Promised Neverland peut être un frein au niveau du dessin qui n'est franchement pas habituel, mais quand on voit les illustrations de Posuka Demizu dans son art-book (PONE chez Kazé), on est tout de suite réconcilié.

 

Pone by Posuka DemizuBon ok c'est très beau

 

UN MANGA ACCESSIBLE À TOUS ?

Un scénario quadrillé comme pas possible, un dessin improbable, mais précis... il ne manque plus que les personnages pour créer un cocktail détonnant. Et là encore, The Promised Neverland tient encore ses promesses et son lot de surprises.

Fait rare dans un shonen, donc à la base un manga fait pour les garçons entre 12 et 14 ans : le héros est une héroïne. L'expression d'une ouverture ? On ne sait pas trop, mais ce qui est sûr, c'est qu'Emma reprend bien les principes des héros de shonen. Incorrigible tête de mule, particulièrement forte dans ce qu'elle entreprend, elle veut toujours servir son prochain et fonce dans les problèmes. Le fait que ce soit une héroïne donne aussi une bouffée d'air frais dans ce monde assez masculin du shonen jump.

Sa bouille et sa conviction permettent très rapidement de se lier à elle, et c'est vraiment aussi par sa personnalité que le manga trouve son originalité. Elle n'est en aucun cas stéréotypée, comme on pourrait s'y attendre dans les mangas de ce type, et justement, c'est cela qui fait du bien.

 

Emma, The Promised NeverlandEmma qui a encore sa chair et ses os

 

Parce qu'il croise les genres, entre thriller, horreur, survival et de temps en temps comédie, en plus d'avoir un design particulier et d'être tenu par une héroine badass, The Promised Neverland devient une lecture tout à fait accessible pour un néophyte.

Le lecteur entre dans un univers passionnant et recherché, où il se prendra assez rapidement pour un détective, tout en s'attachant véritablement aux protagonistes, car les plot-twists sont encore une fois assez surprenants et mettent à mal les héros.

Lors d'une discussion avec des lecteurs organisée par Le CosyLab et la médiathèque de la Canopée, une des lectrices disait même que le design proche de la BD et le découpage l'avait séduit, alors qu'elle ne lisait pas de manga. Et ce type de commentaire prouve bien que The Promised Neverland est un titre surprenant. D'habitude, on entend toujours que les nouveaux lecteurs arrivent aux mangas par Naoki Urasawa et son titre Monster ou bien par Jiro Tanigushi et ses oeuvres plus adultes. Ici, plus de frontières d'âge ou de référence, le manga est accessible à tous.

Et qui dit accessibilité, dit aussi animé.

 

Illustation , The Promised NeverlandUne lumière au bout du tunnel

 

L'ANIMÉ AU SERVICE DU MANGA

Cette fois-ci le titre n'avait pas trop besoin de l'animé pour renforcer son image. Mais comme The Promised Neverland fonctionne bien au Japon, il faut aussi convertir l'audience et pourquoi pas ramener de nouveaux lecteurs au manga. C'est ainsi que l'animé voit le jour.

L'animé reprend une partie des 5 premiers tomes de la série, tout en restant assez clean dans son traitement. Les moments de tensions sont moins exacerbés que dans le manga, mais créent un bon complément à la série originale. Car, comme dit dans le paragraphe sur le design, le manga fourmille d'indices pour comprendre l'entièreté de l'univers. L'anime parvient à les mettre en lumière sans être trop lourd et permet aussi d'avoir un oeil neuf sur nos suppositions.

 

PosterLes héros s'animent aussi en animé

 

Produit par CloverWorks, une première série de 12 épisodes est diffusée sur la plateforme Wakanim puis sur ADN en France, et rencontre un vif succès. La deuxième saison arrivera courant 2020.

The Promised Neverland est devenu un phénomène au Japon de par ses particularités, son originalité, et aussi, car c'est une œuvre globale maitrisée. Un vrai pari pour Shueisha qui se trouve être bénéfique aussi bien en France qu'au Japon. Le titre fait partie des 6 premiers mangas vendus chez nous. Avec 16 volumes parus au Japon et 10 en France, The Promised Neverland n'a pas fini de nous surprendre.

 

Illustration 3, The Promised NeverlandC'est parti pour l'aventure

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commentaires
aphrodite
11/12/2019 à 15:55

je suis la seule à adorer les mangas, et à détester leurs animés?, je trouve que dans le mangas on ressent beaucoup plus l'esprit de l'auteur, ce qu'il veut nous transmettre, dans l'animé c'est assez enfantin (particulièrement celui de The promised Neverland"), on crie pour rien, on sursaute pour rien, on s'exclame pour rien, autant le mangas a fait battre mon cœur, autant l'animé m'a limite dégoutté..., après évidemment c'est juste des goûts...

Sakura
31/10/2019 à 01:39

J ai littéralement " devoré" l anime de The Promised Neverland! Vraiment FABULEUX!!!

Chevalier Shakka
28/10/2019 à 10:28

Article très bien foutu et intéressant, par contre faut quand même un tout petit peu nuancer le "succès" du manga.
En France, proportionnellement à l'investissement de Kazé, le lancement a pas mal déçu. Et ses ventes sur l'année 2018 n'étaient pas si impressionnantes.
Certes les chiffres feraient baver la plupart des mangas édités chez nous, mais par-rapport à ce qui était attendu... on en était loin.

De plus Kazé n'a rien "raflé", puisque le titre appartient à Viz Média qui possède... bah Kazé justement.
Or quand Viz a présenté le titre aux éditeurs Français, un seul tome était sorti, ce qui fait que les mastodontes de l'édition Française sont restés frileux, c'est comme ça que Kazé l'a récupéré.

Quant au Japon, le titre naviguait quand même pas mal dans le classement du Jump avant que l'Anime ne consolide tout ça.
Anime qui a également bien boosté la visibilité du titre chez nous et qui devrait effectivement présenter un bilan 2019 beaucoup plus dans l'optique espérée par son éditeur.

Enfin voilà ! Ça n'enlève rien à la qualité du dossier, mais je trouvais qu'il était bon de relativiser un peu le succès du titre.
Parce-qu'effectivement c'était un pari risqué ! Et pour une fois, l'éditeur Japonais y a cru assez longtemps pour le rendre gagnant. Assez rare pour le saluer.

Hasgarn
28/10/2019 à 09:32

J'ai surkiffé l'anime, brillant de bout en bout !

Et j'attends fermement la suite 8)

lambdazero
27/10/2019 à 19:32

Oh dis donc, ça a l;'air bien !

Jojo
27/10/2019 à 19:12

La 1ère saison de l'animé est magistrale. Vivement la suite !