Predator vs Batman : un comics culte, parmi d'autres pépites d'hemoglobine

Arnold Petit | 9 août 2022 - MAJ : 09/08/2022 15:43
Arnold Petit | 9 août 2022 - MAJ : 09/08/2022 15:43

Du film culte Predator au prey-quel Prey en 2022, la saga Predator est incontournable. Mais il y a aussi des comics passionnants, avec même du Batman.

L'histoire de Predator au cinéma est bien compliquée. Depuis le film culte de John McTiernan avec Arnold Schwarzenegger, le Yautja est revenu dans plusieurs suites et dérivés, avec de multiples tentatives de relancer la franchise, en vainPredators et The Predator en sont les meilleurs représentants, puisque les projets de suite ont été abandonnés. Même Alien vs. Predator s'est brutalement arrêté après la déception d'Aliens vs. Predator : Requiem.

Disney a depuis mis la main sur la bête, en rachetant le studio Fox. Ainsi est né Prey, un prequel réussi de Predator, qui redonne un peu d'espoir.

Mais Predator ne vit pas qu'au cinéma (et en SVoD), il chasse aussi, voire surtout, dans des comics.

 

 

En juillet 1988, Dark Horse révolutionne les comics inspirés par le cinéma en lançant la publication d'Aliens, dont le premier numéro remporte un tel succès qu'il doit être réimprimé six fois. Voyant l'opportunité de réaliser le même exploit avec la créature issue de l'imagination de Stan Winston, la maison d'édition se met aussitôt à l’œuvre. Et en mars 1989, presque un an seulement après les xénomorphes, les Yautjas envahissent à leur tour les comics dans Predator, renommé Predator : Concrete Jungle.

Les comics Predator sont une mine d'or, et Ecran Large a sélectionné trois bijoux immanquables.

 

photoToujours pas une gueule de porte-bonheur

 
   

1. PRedator : CONCRETE JUNGLE

Décidant de suivre l'exemple instauré par les comics Aliens, conçus comme une suite au film de James Cameron, Dark Horse confie le projet d'adaptation aux mêmes personnes pour imaginer ce qui serait donc une suite de Predator, avec un scénario de Mark Verheiden et des dessins de Ron Randall et Chris Warner. Ne pouvant pas ramener Dutch, le personnage incarné par Arnold Schwarzenegger, le scénariste décide de lui donner un grand frère dont on n’avait encore jamais entendu parler, l'inspecteur Schaefer, un flic de New York trop badass pour avoir un prénom.

Mark Verheiden décide également d'installer le Predator dans un environnement bien différent du film de John McTiernan et troque la forêt tropicale d'Amérique Centrale pour les gratte-ciels de New York, permettant à la créature extraterrestre de s'en donner à cœur joie et de massacrer les gangs de la ville. Alors qu'il voit les cadavres s'empiler à la morgue, Schaeffer rencontre un vieux général, qui lui explique que son frère Dutch a déjà croisé le tueur qu'il poursuit. Essayant de découvrir la vérité, il retourne sur une scène de crime, où il tombe face au Predator.

 

photoEncore plus grand, plus fort et plus bourrin que son frangin

 

Les dessins de Ron Randall et Chris Warner donnent une ambiance sordide à ce New York des années 90 et parviennent à capturer la brutalité des scènes d’action, tout en conservant le style caractéristique de l’époque, avec ses couleurs désuètes, parfois un peu trop éclatantes par rapport à la noirceur du récit. Le scénario de Mark Verheiden est intense, brutal et Predator : Concrete Jungle ressemble clairement à un film d'action typique des années 80, avec un héros musculeux qui ne respecte pas les ordres, manie de gros flingues et transpire la testostérone par chacune de ses cellules. Ce qui explique sans doute pourquoi les frères Thomas s'en sont largement inspirés pour écrire le scénario de Predator 2.

Le film de Stephen Hopkins a récupéré de nombreux éléments présents dans les cases du comics : l'action passe de New York à Los Angeles, mais se déroule bien dans un futur proche, pendant une canicule, avec une histoire dans laquelle un inspecteur enquête sur des meurtres sauvages commis pendant une guerre entre deux cartels de drogue.

Certaines scènes sont également reprises, comme la découverte des corps dépecés pendus au plafond, la séquence dans le métro, l'image du Predator dominant la ville avec sa lance dans une main et un crâne dans l'autre, ou encore la fameuse réplique « tu veux un bonbon ? » que le monstre répète après l'avoir entendu. Même le personnage du lieutenant Mike Harrigan, interprété par Danny Glover, semble calqué sur la personnalité de l'inspecteur Rasche, le partenaire de Schaefer, qui est d'abord effrayé par le monstre, puis ose ensuite s’attaquer à lui pour protéger et servir les citoyens.

 

photoUne case reprise quasiment à l'identique dans Predator 2

 

Predator : Concrete Jungle aborde deux thèmes majeurs pour l'époque : la violence et la guerre contre la drogue. Du début des années 80 jusqu'au début des années 90, la criminalité a explosé à New York, mais aussi à travers tout le pays, notamment à cause de ce que les Américains ont appelé « l’épidémie de crack ». Au milieu de la décennie, cette drogue s'est répandue dans les grandes villes américaines, entraînant ainsi une escalade de la violence et des crimes aux États-Unis, abordée dès les premières pages du comics.

Parti à la recherche de son frère dans la jungle, Schaefer est capturé par des trafiquants de drogue colombiens, qui l'attachent avec du fil barbelé pour le découper en morceaux à la scie circulaire. Des personnages représentés comme des psychopathes sadiques, qui se font finalement massacrer sans ménagement par un groupe de Predators, ce qui permet à Schaefer de rentrer à New York pour un combat qui vire carrément à l'invasion extraterrestre façon La Guerre des mondes, avec des vaisseaux qui tirent sur la ville et un affrontement entre les humains et les Yautjas.

La dernière phrase du comics est d'ailleurs assez parlante : alors qu'un citoyen se plaint que New York ne sera plus jamais comme avant après cette catastrophe, Schaefer lui rétorque que ce n'est peut-être pas une mauvaise chose.

 

photoEncore plus grand, plus fort et plus bourrin que son cousin de la jungle

 

En somme, s'il fallait résumer Predator : Concrete Jungle, ce serait Predator 2 avec un budget illimité, un héros taillé pour Dolph Lundgren et une histoire pleine d'action, qui est en adéquation avec son époque. Même s’il a plusieurs défauts et qu'il a subi les outrages du temps, comme le long-métrage de Stephen Hopkins, ce comics déborde de générosité et reste plus jouissif que n'importe quel film de la saga depuis le deuxième volet.

Mark Verheiden et Ron Randall ont ensuite réalisé deux suites, toujours avec le personnage de Schaefer : Predator : Cold War, qui se déroule dans le froid sibérien, et Predator : Dark River, qui renoue avec les origines de la franchise et la jungle tropicale.

 

photoLa magnifique couverture de Den Beauvais

 

2. BATMAN VERSUS PREDATOR

Après le succès retentissant d’Aliens vs Predator en 1990, Dark Horse décide de réitérer l’expérience avec une autre maison d’édition et s’associe peu de temps après avec DC Comics pour un crossover entre le Predator et Batman, sobrement intitulé Batman versus Predator. Derrière ce titre aguicheur, qui s'apparente surtout à une opportunité de faire raquer les lecteurs, se cache en fait une petite pépite. Un comics pour lequel Adam Kubert a remporté un Prix Eisner en 1991 dans la catégorie de « Meilleur encreur » pour le splendide travail qu’il a réalisé sur les tout aussi sublimes dessins de son frère Andy.

 

photoDans le coin rouge, venu de Yautja Prime, 2,20 mètres pour 230 kilos à la pesée

 

Écrit par Dave Gibbons, co-créateur de Watchmen qui avait déjà travaillé sur les xénomorphes avec Mike Mignola pour le merveilleux Aliens : Absolution, le scénario rassemble des éléments familiers de l’univers de Predator et les implante dans celui de Batman pour former une histoire traditionnelle autour du Chevalier Noir, avec une enquête le conduisant à un méchant qu’il finit par affronter.

Ainsi, plus qu’un monstre extraterrestre venu d’un autre monde, le Predator est représenté comme une sorte de super-vilain qui massacre les habitants de Gotham pour déterminer qui est le plus fort, et tue des animaux pour le plaisir. Un carnage que n’importe quel psychopathe de Gotham serait capable de réaliser pour mettre un peu d'ambiance.

Batman est un adversaire de choix pour le Predator, chacun éliminant leurs adversaires un par un avec furtivité en utilisant la tripotée de gadgets embarqués sur leur armure. Comme Dutch et Schaefer, Bruce Wayne peut lui aussi rivaliser avec la créature en un contre un.

 

photoDans le coin bleu, venu de Gotham, 1,88 mètre pour 95 kilos à la pesée

 

Dave Gibbons emprunte clairement au travail de Frank Miller autour du personnage de Batman et présente une ville de Gotham en proie à la corruption et à la pègre, dans un scénario découpé en trois phases, comme au début de The Dark Knight Returns : Batman se prend une dérouillée, puis il se remet de ses blessures en perfectionnant ses techniques pendant que son ennemi terrorise la ville, et il retourne finalement l’affronter, parvenant à l’arrêter grâce à ses nouvelles aptitudes. Un modèle que DC Comics réutilisera plus tard pour l’affrontement entre le Chevalier Noir et Bane dans Knightfall.

Bien qu’assez basique, Batman vs Predator délivre exactement ce qu’on peut attendre d’un crossover avec un tel titre, mais se distingue surtout grâce au talent des frères Kubert et aux couleurs de Sherilyn Van Valkenburgh. Fils du légendaire Joe Kubert, Andy et Adam Kubert ont suivi les traces de leur père et se sont également imposés comme des dessinateurs émérites, chacun développant leur propre patte graphique en travaillant sur de nombreux personnages comme Batman, les X-Men, Doc Savage ou Adam Strange, pour ne citer qu’eux. Aussi bien au niveau des illustrations que de l’encrage, les deux frères font preuve d’une impressionnante maîtrise en termes de mise en scène, de découpage et rendent grâce au récit de Dave Gibbons en nous plongeant dans ce Gotham sombre et surréaliste, baigné dans le brouillard, l’obscurité et la violence.

 

photoÀ la fin, il n'en restera qu'un

 

La narration est dynamique, les dessins sont tranchants comme des Batarangs et les combats entre les deux personnages sont aussi intenses qu'animés , notamment l’affrontement final, qui démarre sur le toit du commissariat et passe par la Batcave et le Manoir Wayne avant de se finir au fond des bois de Gotham, de manière assez surprenante.

Batman versus Predator connaîtra deux suites, Batman versus Predator II : Bloodmatch et Batman versus Predator III : Blood Ties. Bien moins excitantes, elles lanceront surtout la longue et fructueuse collaboration entre Dark Horse et DC Comics, qui donnera lieu à tout un tas de crossovers plus ou moins oubliables, comme Superman/Aliens, Batman/AliensSuperman vs PredatorGreen Lantern versus Aliens, JLA vs. Predator ou encore le combo ultime, Superman & Batman vs Aliens & Predator.

 

photoUn comics désormais introuvable, une relique d'un ancien temps

 

3. PREDATOR : CHASSEURS

Un commando, une jungle et un monstre toujours prêt à rajouter quelques crânes à sa collection de trophées. Après plusieurs comics dans lesquels le Predator traque des humains pendant la guerre de Sécession, en Russie, en Afrique ou bien dans les marécages de Louisiane, Chris Warner décide de revenir à l’essentiel pour la renaissance de la franchise, avec une histoire qui mélange le film de John McTiernan et Les Chasses du comte Zaroff.

Pour l’occasion, le scénariste décide de réunir Enoch Nakai, dont la base militaire a été décimée dans Predator : La Traque Infernale, et Mandy Graves, qui a perdu son mari et l’usage de sa main droite dans un combat face à un Yautja renégat dans Predator : Intouchable. Deux personnages cultes des comics, recrutés par Jaya Soames, l’arrière-petite-fille du capitaine Edward Soames apparu dans Predator : Nemesis, pour intégrer une équipe d’anciens soldats, de trafiquants de drogues et de mercenaires afin de débusquer un Predator, repéré sur une île isolée du monde.

 

photoL'avenir est un long passé

 

Après une brillante séquence d’ouverture, qui donne tout de suite le ton grâce au trait vif et dynamique de Francisco Ruiz Velasco, le commando arrive sur l’archipel, occupé par le Dr Henry Bunting, un physicien excentrique dévoué à la protection de la nature et persuadé qu'il faut revenir à une existence primaire. Alors qu’ils s’enfoncent dans cette jungle humide et étouffante, Enoch, Mandy et Jaya participent bien à une partie de chasse, mais sans savoir s'ils sont le chasseur ou la proie. Rapidement, ils découvrent que la plus grande menace ne vient peut-être pas d’un autre monde.

Fidèle à l’esprit de la franchise, l’histoire est essentiellement dédiée au suspense et à l’action, avec une ambiance macabre, des affrontements violents, des retournements de situation surprenants et un concept assez bien exploité, à l’inverse des personnages. Entre l’ancien soldat souffrant de trouble de stress post-traumatique, celle qui est prête à mourir pour accomplir sa vengeance ou le comique de service, chacun d’entre eux est un cliché ambulant jeté en pâture pour servir les besoins de l’intrigue.

 

photoUn mentos ?

 

Néanmoins, si le scénario de Chris Warner manque d’intensité et souffre de quelques longueurs, le style frénétique de Francisco Ruiz Velasco est là pour continuer de nous captiver. Les couleurs vibrantes de la végétation luxuriante viennent se confondre avec les silhouettes aussi magnifiques qu’imposantes des Predators, et le dessinateur réussit à installer cette atmosphère pesante au milieu de cette jungle transformée en immense terrain de chasse. Même s’il manque de rythme et s’appuie surtout sur ses superbes illustrations, Predator : Chasseurs a compris que les choses les plus simples sont parfois les meilleures et constitue un bel hommage au premier film.

Depuis, deux suites ont vu le jour : Predator : Chasseurs II, qui se déroule en Afghanistan et bénéficie de dessins encore plus soignés de la part d’Agustin Padilla, et Predator : Chasseurs III, dont la publication est toujours en cours et qui montre le retour de Schafer au milieu de la jungle. Une manière pour Chris Warner de plus ou moins boucler la boucle de l'histoire du Predator avant qu'il ne passe sous la coupe de Marvel.

 

photoDark Horse qui laisse ses restes

 

Alors que les comics Aliens regorgent d’ambition et tentent d’étendre ou de revisiter la mythologie de la franchise avec une richesse inattendue, les comics consacrés aux Predators se contentent souvent de proposer plus ou moins la même histoire, simplement en changeant le cadre et les personnages, ce qui explique pourquoi cette sélection est aussi courte.

Parmi les nombreux titres consacrés au plus grand chasseur de l’univers, on trouve quand même d’autres récits passionnants, comme Predator : Intouchable (la première confrontation entre deux Yautjas), Predator : Nemesis (qui relâche le monstre dans l’univers de Sherlock Holmes), ou encore Predator : 1718 (qui explique d’où vient le vieux pistolet à silex qu’Harrigan reçoit de la part du chef des Yautjas à la fin de Predator 2).

 

photoLa beauté

 

Maintenant que la créature appartient à Marvel, il va être intéressant de voir de quelle façon la maison d'édition va tenter de donner un nouveau souffle à une franchise qui a déjà exploité beaucoup de pistes et qui repose sur les mêmes codes.

En France, Vestron est en train de rééditer plusieurs récits demeurés inédits jusqu'à maintenant, avec notamment la sortie de Predator : Concrete Jungle, pour notre plus grand plaisir.

 

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commentaires
Kyle Reese
09/08/2022 à 20:11

Très classe les dessins du Batman vs Predator. Va falloir que je me le dégotte d..une manière ou d’une autre. Finalement le Predator comme les Aliens qui débarquent sur terre se font toujours tuér à la fin. Ils ne sont pas si fortiche que ça…. ^^

sylvinception
09/08/2022 à 18:20

Ouais, moi aussi je vois assez bien le Predator se laisser emmerder par Bruce Wayne... (lol)

Morcar
09/08/2022 à 15:10

Comme quoi on n'a pas attendu les années 2000 pour faire ce genre de cross-over ridicule. Finalement, en quoi ça serait plus ridicule de relier Fast & Furious et Jurassic World ?

Porter
09/08/2022 à 13:49

Prédator contre judge dredd c'etait sympa aussi

Alfred
14/09/2020 à 13:09

A noter pour Batman Predator, la superbe édition française des années 90 (en couverture souple !!), chez Glenat, collection Graphic US.
Ils ont aussi publié à la même époque Batman Proie de Moench et Gulacy et Batman-Azrael de Joe Quesada. Deux indispensables.

Simon44
13/09/2020 à 22:02

Le film que cela pourrait faire, Batman Vs Predator ou au moins un animé bien dark !!! Please DC please !!!