The Crown Saison 3 : critique qui mérite sa couronne sur Netflix

Alexandre Janowiak | 20 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 20 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après deux sublimes saisons, The Crown revient avec un casting tout neuf pour sa troisième saison sur Netflix. Les anciennes figures de Claire FoyVanessa Kirby ou Matt Smith sont ainsi remplacées par Olivia ColmanHelena Bonham Carter et Tobias Menzies pour cette nouvelle salve d'épisodes sur les coulisses de la monarchie britannique.

NEW GENERATION

Dès son introduction, la saison 3 de The Crown démontre à quel point l'écriture de Peter Morgan est intelligente et son sens de la narration malin et ludique. Ainsi, la mise en place d'une nouvelle photo royale est particulièrement astucieuse pour initier une transition rapide dans l'esprit des spectateurs. Le lien avec le final de la saison 2 (qui se concluait sur une photo de famille) est effectué et le changement de visage s'opère immédiatement.

En effet, comme prévu, le visage de la reine a changé avec le renouvellement du casting, passant de la jeune Claire Foy à la mûre Olivia Colman. Et avant de rentrer dans le vif du sujet de cette troisième saison, on peut rapidement affirmer que les nouvelles têtes du casting sont parfaites dans leurs rôles respectifs. Oscarisée pour son rôle de reine dans La FavoriteOlivia Colman offre une partition plus sage et assurée en tant qu'Elizabeth II, collant parfaitement avec les doutes de la souveraine durant cette période mouvementée, mais aussi la maturité gagnée durant l'exercice du pouvoir.

 

Photo Olivia Colman, Tobias MenziesOlivia Colman et Tobias Menzies, parfaits en couple royal

 

Au-delà, le choix de Tobias Menzies en prince Philip pour suivre les traces de Matt Smith est tout bonnement incroyable (les deux se ressemblent énormément), tant le charisme de l'acteur et son assurance côtoient magnifiquement les failles difficiles à dissimuler de son personnage. Enfin, pour ne parler que des mastodontes des précédentes saisons, sans trop de surprises, Helena Bonham Carter incarne admirablement une princesse Margaret (d'abord interprétée par Vanessa Kirby) toujours aussi dépressive et déchirée.

Un seul retour en grande pompe est à signaler (en dehors de certains flashbacks), celui de John Lithgow dans la peau d'un Winston Churchill mourant et finalement enterré en clôture de l'épisode inaugural de la saison 3. Des funérailles qui rompent avec élégance les derniers liens des deux premières saisons avec les futures saisons 3 et 4, ouvrant ainsi définitivement la porte à une nouvelle ère.

 

PhotoLa fin d'une ère

 

L'OMBRE DES DOUTES

Les deux premières saisons de The Crown couvraient la vie d'Elizabeth II de 1947 à 1964 (soit 17 ans) et jonglaient astucieusement entre les affaires privées et les déboires politiques internationaux connus par le Royaume-Uni à cette époque. Cette saison 3 prend une tout autre dimension en se développant sur plus de treize années à elle seule (de 1964 au 6 février 1977, jour de la célébration du jubilé d'argent de la Reine Elizabeth II, soit 25 ans de règne).

Autant dire que d'un point de vue historique, The Crown se permet d'oublier ou d'écarter de nombreux événements majeurs de l'Histoire mondiale. Ainsi, l'élection de Nixon et sa destitution ne seront jamais évoquées tout comme la fin de la guerre du Viêt-nam par exemple. Cependant, ces choix ne sont pas anodins et annoncent clairement les intentions du créateur de la série Peter Morgan dans cette saison 3. 

Évidemment, la série se concentre sur des événements historiques durant toute cette troisième saison. Cependant, leur développement est toujours couplé à une réflexion sur la vie, l'amélioration, les mutations des membres de la famille royale. La série Netflix est d'abord et surtout une oeuvre sur l'humain et les évolutions de la famille Windsor plus qu'une oeuvre pleinement historique. Avec brio, The Crown tend alors à enrichir les caractéristiques de ses personnages en superposant leur destin aux ressorts historiques qui ont jalonné leur vie. 

 

PhotoLe drame d'Aberfan aura changé la reine

 

Cette troisième saison se focalise essentiellement sur l'idée d'accomplissement. La bande-annonce dévoilée par Netflix en disait déjà long sur le doute assaillant la reine sur son rôle et son impact sur le Royaume-Uni depuis son couronnement. Durant ses dix épisodes, la saison 3 déploie cette réflexion sur la reine évidemment, mais aussi la galerie de personnages qui gravitent autour d'elle.

Dans un sublime épisode 7 retraçant les premiers pas de l'homme sur la Lune, le prince Philip se demande ainsi ce qu'il a réussi ou échoué durant sa vie en tant qu'époux de la reine, mais aussi en tant qu'homme. Le moyen pour la série de confirmer ses qualités esthétiques (les plans lunaires et spatiaux sont magnifiques) et d'afficher les desseins de cet homme, relégué au rang d'époux, de symbole tout au mieux, mais en aucun cas de décisionnaire.

Dans le deuxième et le dixième, c'est la princesse Margaret qui est mise à rude épreuve, elle qui est condamnée à rester dans l'ombre d'un pouvoir qu'elle ne touchera jamais des doigts. Par conséquent, les deux épisodes consacrés à son évolution en tant que princesse, mère, représentante de la famille royale, épouse ou soeur de la reine exposent des réflexions profondes et touchantes sur ce personnage historique.

 

Photo Helena Bonham Carter, Clancy BrownPrincesse Margaret et Lyndon Johnson, deux seconds couteaux devenus, pour quelque temps, indispensables

 

L'INSOUTENABLE DURETÉ DU PARAÎTRE

Cependant, au fil de l'avancée du récit, c'est surtout le destin du Prince Charles (incarné par le méconnu et pourtant excellent Josh O'Connor) qui prend le plus d'envergure. Rien d'étonnant, logiquement, puisqu'il est le digne héritier d'Elizabeth II, voué à attendre le temps qu'il faudra pour s'accomplir réellement. C'est ici que la réflexion sur l'idée d'accomplissement prend la forme la plus intéressante, le jeune Prince de Galles ayant des idées éloignées du traditionalisme austère de sa famille et étant plus proche de celles de son grand-oncle Édouard VIII.

Le parallèle établi avec l'ancien roi du Royaume-Uni (démissionnaire) est très affuté et permet d'offrir une vision très différente du Prince de Galles. Sa rencontre avec Camilla Shand (Emerald Fennell) est au centre de cette saison 3 tout comme son amour éperdu pour elle (pas réciproque). Les positions de sa famille devant son choix de coeur se reflètent parfaitement avec celles que portaient les membres sur Édouard VIII. Comme lui, il doute de sa destinée royale et n'est pas sûr de vouloir s'accomplir d'une manière royale.

Et pour cause, savoir que l'accomplissement qui l'attend ne dépend en aucun cas de lui, mais bien du destin de sa reine mère est une frustration immense. À l'image de toute sa famille, pour exister, il a la volonté de se réaliser lui-même. Malheureusement, comment réussir à se forger personnellement quand il est impossible de se dévoiler pleinement et que l'on se sent persécuté, surveillé, voire désaimé, par sa propre famille ?

 

Photo Josh O'ConnorJosh O'Connor en prince Charles perdu

 

De ce fait, The Crown s'affirme, une fois de plus, comme une des séries les plus profondes, inspirées et réfléchies de Netflix mais aussi du petit écran actuellement. Si elle développe assurément des thématiques sociales (l'épisode 3 est bouleversant), politiques (à travers les crises gouvernementales et les multiples changements de Premier ministre), économiques (la faillite du pays dans l'épisode 4) et finalement la déconnexion des monarques avec leur peuple (dans le quotidien), elle propose aussi de magnifiques réflexions existentielles.

Le prince Philip trouve ainsi sa voie et sa place pour se sentir vraiment vivant dans cette saison 3. À l'inverse, la princesse Margaret, dans une ultime discussion déchirante, met de côté ses problèmes amoureux lorsqu'elle comprend que son accomplissement personnel sera surtout de soutenir et accompagner sa soeur-reine dans la recherche du sien.

En effet, malgré la couronne sur sa tête et le titre de "femme la plus puissante du monde" aux yeux des médias, la reine a l'impression de n'avoir rien accompli en vingt-cinq ans de règne. En réalité, l'accomplissement n'est pas forcément personnel ou matériel, il peut se trouver ailleurs. Dans un monde en perpétuel mouvement, une société versatile et face à un peuple agité, réussir à ne pas flancher, à perdurer, apprendre de ses erreurs (repentir ses préjugés par exemple) et se maintenir dans les plus hautes sphères est déjà une forme puissante d'accomplissement.

 

Photo Olivia ColmanToujours paraître, ne jamais être : est-ce le vrai accomplissement d'un.e souverain.e ?

 

Mieux, l'accomplissement de la royauté britannique (et de sa souveraine) se trouve dans sa capacité à conserver sa façade rayonnante, assurée et sereine malgré les doutes, la méfiance et les déboires familiaux, nationaux ou internationaux qui assaillent la couronne. Réussir à garder une stature et une élégance en dépit des événements traumatiques et déconvenues personnelles, afin de perpétuer la grandeur de son royaume aux yeux du monde est un travail sans relâche, voire âpre, dans certaines circonstances.

Dans la lignée de la saison 2, cette troisième saison de The Crown accentue donc le développement intime de la famille Windsor, tout en retraçant la passionnante histoire du royaume. Son rythme lent perdra sans nul doute plus d'un spectateur (surtout lors de longues discussions), mais sa narration méticuleuse et sa réalisation aussi précise que les protocoles royaux réajustent très vite les rares maladresses de l'ensemble.

De quoi promettre encore de belles choses pour la future saison 4 qui verra les figures éminentes de Margaret Thatcher (Gillian Anderson) ou Lady Diana (Emma Corrin) rentrer dans la danse. Vivement !

The Crown saison 3 est disponible sur Netflix depuis le 17 novembre 2019 en France. Les saisons 1 et 2 sont également disponibles sur Netflix.

 

Affiche US

 

Résumé

Avec sa saison 3, The Crown confirme son statut de grande série du moment. En plus d'un drame historique, politique, social et économique, la série Netflix est un bijou humaniste, philosophique et existentiel, doté d'une écriture précise, d'une mise en scène précieuse, d'un casting phénoménal et d'une musique somptueuse. Royale.

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Lecteurs

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commentaires
Musashi1970
17/05/2020 à 09:34

J'ai adoré les deux première saisons et j'aime beaucoup la troisième. Par contre, je trouve que le remplacement de Claire Foy, excellente, par Olivia Colman n'est pas à l'avantage de la dernière.
Personne n'a t-il remarqué qu'en quelques semaines, mois, la reine a pris un sacré coup de vieux !!!!! Elle a même perdu ses yeux bleus !!!!
Je trouve que Colman ne colle pas du tout au personnage. Par contre, la transition des autres interprète, notamment Philip est parfaite..
Bref, la série tient grace à son récit très instructif mais le remplacement de l'actrice principale est loupé pour ma part....Je n'éprouve plus aucune sympathie pour Elisabeth II.

kendalch
22/12/2019 à 18:01

Une série magnifique et magistralement interprétée. On en redemande.

Seb
22/11/2019 à 10:47

scenario et réalisation intelligents et dans chaque épisode, de très beaux plans qui artistiquement valent le coup d’oeil. Enchanté par cette saison 3 particulièrement soignée, du grand art pour une série

Rorov94M
21/11/2019 à 23:41

Episode 3: tout simplement ce qui ce fait de mieux en matière de série t-v depuis belle lurette...
Un film à lui tout seul.

Madolic
21/11/2019 à 14:39

@Alexandre Janowiak
On est d'accord ^^
Même si j'ai trouvé que l'interprète du 2nd protagoniste masculin est bcp moins talentueux

Opale
21/11/2019 à 10:55

Une des toutes meilleures séries actuelle (pour qui aime ce genre)!!

Alexandre Janowiak - Rédaction
20/11/2019 à 17:46

@Madolic

parfaitement, et le film l'était tout autant par ailleurs !

Madolic
20/11/2019 à 17:20

Josh O'Connor était déjà bluffant dans seul la terre

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