Hollywood : critique du vrai et doux rêve américain sur Netflix

Alexandre Janowiak | 1 mai 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 1 mai 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après avoir réussi son arrivée sur Netflix avec sa géniale The Politicianet avant que la saison 2 de celle-ci ainsi que la série Ratched, spin-off de Vol au-dessus d'un nid de coucoune débarquent sur la plateforme, Ryan Murphy se plonge dans l'univers du cinéma avec sa nouvelle mini-série pour le N rouge : Hollywood.

Attention quelques spoilers !

ONCE UPON A TIME...

Le révisionnisme historique est devenu un peu une mode dans les rangs hollywoodiens, largement magnifié par les derniers longs-métrages de Quentin Tarantino. Le cinéaste palmé et oscarisé s'est ainsi amusé à réviser la Seconde Guerre mondiale dans Inglourious Basterdsl'histoire de l'esclavage au travers de Django Unchained ou encore le Hollywood de la fin des années 60 avec l'exceptionnel Once Upon a Time... in Hollywood dont le grand final est encore dans toutes les mémoires de ceux qui l'ont vu (et si ce n'est pas le cas, n'attendez pas plus !).

C'est maintenant l'infatigable Ryan Murphy qui s'amuse à revoir le déroulé de l'histoire du cinéma. Alors qu'il s'était déjà intéressé à l'âge d'or d'Hollywood avec sa série Feud qui racontait le conflit entre Joan Crawford et Betty Davis (et dont on disait le plus grand bien ici), il revient à nouveau sur cette époque avec sa mini-série au nom sans équivoque : Hollywood.

 

photo, Samara Weaving, Laura HarrierApprendre à devenir une star actrice

 

Cette deuxième création Netflix du réalisateur nous plonge donc au coeur de la fin des années 40 et du Hollywood de l'après Seconde Guerre mondiale (en 1947-48 si l'on en croit les indices). Elle va ainsi suivre le parcours de jeunes hommes et femmes prêts à tout pour percer dans l'univers du cinéma. Cependant, derrière les paillettes et les strass, il y a évidemment une dure réalité sur les plateaux de tournages et les coulisses du star-system : du racisme, du machisme, de la xénophobie, de l'homophobie...

Ainsi, Ryan Murphy va s'amuser avec beaucoup de plaisir, d'envie et son inévitable ton déluré à explorer puis remodeler le cours de l'Histoire. A l'instar de Tarantino nous invitant au rêve d'un Hollywood toujours aussi innocent et insouciant dans son neuvième film, le créateur d'American Horror Story nous invite à découvrir avec folie, excentricité, élégance et engagement, ce qu'aurait pu être son Hollywood rêvé.

 

Photo Darren Criss, Jeremy Pope, David Corenswet, Jake PickingEn route pour Dreamland

 

DREAMLAND

La mini-série Netflix commence pourtant sous des auspices bien sombres et noirs où Hollywood n'a aucune place pour les actrices afro-américaines et asiatiques, les blancs homosexuels et encore moins pour les scénaristes afro-américains homosexuels. Une réalité historique, décrivant une industrie terriblement malsaine (fondée en partie sur de nombreux harcèlements sexuels, à l'image de l'agent incarné par Jim Parsons, parfait dans ce rôle à contre emploi), que Murphy ne veut pas cacher sous le tapis bien au contraire.

En mêlant astucieusement le réel et la fiction (les personnages de la série croisent notamment les routes de Vivien Leigh, Anna May WongGeorge CukorHattie McDaniel...), le showrunner se donne un malin plaisir à l'arborer et la dénoncer tout au long des sept épisodes de Hollywood. Avec les décors impressionnants de réalisme (on sent que Netflix a mis le budget) dont ils ont bénéficié, Ryan Murphy et Ian Brennan (fidèle allié, qui co-scénarise la série) nous embarque donc dans un Hollywood plus vrai que nature et surtout terriblement féroce et vil... dans un premier temps. En effet, là n'est pas le dessein du producteur, scénariste et réalisateur.

 

Photo Michelle Krusiec, Laura HarrierAnna May-Wong à côté de la jeune Camille Washington

 

C'est ce qu'il faut très rapidement comprendre en regardant Hollywood : c'est une mini-série purement passionnelle d'un Hollywood qui n'a jamais vu le jour. Une ode au cinéma, au glamour et surtout une ode pleine d'un espoir : celui de voir cette industrie (et indirectement, le monde) devenir plus juste et plus ouverte. Murphy et son compère Brennan n'ont pas envie de raconter l'histoire de l'âge d'or hollywoodien, mais ils ont envie de raconter celui qu'ils auraient envie de lire dans les livres d'Histoire, celui où les afro-américains, les asiatiques, les homosexuels et les femmes ont eu leur mot à dire et leur rôle à jouer.

Au milieu du simili-hommage à Hollywood et certaines de ses figures au parcours redoré (Anna May-Wong notamment), Murphy propose avant tout une version (et une vision) alternative de cette industrie qui fait tant rêver et qui cache pourtant tant de sombres secrets. Au milieu de son avancée suivant le cours de l'Histoire, la mini-série bascule alors dans le fantasme, dans la pure fiction. Et si les producteurs blancs et zélés avaient donné leur chance aux scénaristes noirs gay, à quoi aurait ressembler Hollywood ? Si les femmes avaient dirigé les grands studios, le cinéma en serait-il grandi ? Et si les minorités avaient été préféré au white-washing, combien de talents bruts aurait-on découvert ?

 

photoEt si les femmes dirigeaient le cinéma (et le monde) ?

 

MIRACLE SUR HOLLYWOOD BOULEVARD

Il y a dans cette approche quelque chose qui pourra sembler profondément vain et ringard et un propos qui pourra être jugé particulièrement futile et naïf (et la critique américaine ne s'est pas gêné pour le dire). Ici, on préfère trouver le geste audacieux, ardent et exaltant. Murphy et Brennan y donnent tellement de joie, d'optimisme et d'énergie que la démarche est réjouissante, terriblement émouvante et jubilatoire. Il n'y a aucune subtilité et ça tombe bien, les deux scénaristes n'ont aucune intention d'en avoir.

A l'image de la plupart des dernières créations de Murphy (Pose évidemment), il y a une fougue passionnante et surtout une avidité de liberté, d'égalité et de justice. Après tout, Hollywood n'est-elle pas une terre de rêve et de fantasme ? Suivre le parcours des personnages incarnés par le casting de haute-voltige qui resplendit à l'écran (Darren Criss, David Corenswet, Laura HarrierJeremy PopeSamara WeavingHolland TaylorPatti LuPoneJoe Mantello et surtout l'incroyable Dylan McDermott) devient alors jouissif, fascinant, attachant, euphorisant, inspirant et tout simplement magique.

Malgré les obstacles et les désagréments (la mini-série joue beaucoup de cliffhangers et petits twists rapidement expédiés), rien ne pourra les empêcher de se faire entendre et de réussir à monter dans l'industrie, comme le supposait le générique d'ouverture. C'est sans doute un peu trop hollywoodien (paradoxalement) mais pour une fois, on a le sentiment que c'est authentiquement sincère, et c'est trop rare pour ne pas le souligner.

Hollywood est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 1er mai

 

Affiche US

Résumé

Loin d'être ringarde et naïve, Hollywood est une sublime balade optimiste, fougueuse et voluptueuse dans un Hollywood rêvé, enivrant et réjouissant.

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commentaires
Remes
05/05/2020 à 10:36

Respect , j'ai beaucoup aimé .
Elle est très touchante .. même bouleversante je trouve .
Regardée en une nuit et j'ai adoré .

RobinDesBois
04/05/2020 à 14:42

@L'abbé Tise "De plus, il ya un moment qui adresse le problème des femmes par rapport aux Afro-américain avec justesse "

Exactement le genre de chose que je redoutais mais qui me semble attendu, prévisible et pire que ça "convenu" aujourd'hui avec Netflix.

Je ne dis pas que chaque souffrance doit nécessairement avoir sa propre série consacrée et qu'elles ne peuvent pas co-exister dans une même oeuvre mais un révisionnisme où toutes les minorités s'entraident joyeusement et se tendent la main pour triompher ensemble de l'intolérance et changer les mentalités c'est au mieux débile et ridicule au pire dangereux. Non il n'y a aucun parallèle possible entre la situation des femmes (blanches) et des Afro Américains dans les années 40. C'est juste le fantasme tordu des scénaristes qui veulent absolument mettre tout le monde dans le même bateau par convergence des luttes. C'est faux et idiot.

Tarantino a au moins la justesse de ne pas rentrer dans ce genre de délires malsains. Dans Django le racisme ne disparait ou ne s'atténue pas comme par enchantement à la fin.

L'abbé Tise
04/05/2020 à 09:06

@robindesbois
"je n'ai pas vu la série" Tu juges quelque chose sans l'avoir vu donc ton avis importe peu. Hollywood est tout sauf malsaine mais poster un avis à la va vite comme le tien sans avoir vu l'oeuvre c'est malsain.

Et oui, tu hiérarchise les souffrances en plus... (De plus, il ya un moment qui adresse le problème des femmes par rapport aux Afro-américain avec justesse mais suis-je bête tu n'a pas vu la série comment pourrais tu le savoir toi qui est plus enclin à cracher ta bile)

RobinDesBois
01/05/2020 à 22:15

Et il n'y a selon moi aucune comparaison possible avec Tarantino (dont je ne suis absolument pas fan et dont j'ai détesté Inglorious Basterds et Django) qui n'a absolument pas la même approche malsaine dans sa ré-écriture de l'histoire qui tient avant tout du délire et de l'exutoire et qui n'est pas habité par des motivations malsaines (mis à part narcissiques) et racistes.

RobinDesBois
01/05/2020 à 22:09

"La mini-série Netflix commence pourtant sous des auspices bien sombres et noirs où Hollywood n'a aucune place pour les actrices afro-américaines et asiatiques, les blancs homosexuels et encore moins pour les scénaristes afro-américains homosexuels. Une réalité historique, décrivant une industrie terriblement malsaine (fondée en partie sur de nombreux harcèlements sexuels, à l'image de l'agent incarné par Jim Parsons, parfait dans ce rôle à contre emploi), que Murphy ne veut pas cacher sous le tapis bien au contraire."

Je n'ai pas vu la série mais pour les homos c'est évidemment archi faux... Si la série commence en 48 et bien cette année là sortait l'excellent "La corde" de Hitchcock qui aborde en filigrane l'homosexualité et dont la moitié du casting et le scénariste sont gay. Et y a plein d'autre exemples de ce genre ça n'était pas du tout exceptionnel. Beaucoup de grandes vedettes des années 40 et 50 étaient gay. Alors oui évidemment à cette époque les acteurs et scénaristes gay avaient plutôt tendance à ne pas le revendiquer publiquement pour une question d'image, contexte social oblige mais ça n'était un secret pour personne à Hollywood...

Oui la situation des homos aux USA n'étaient pas enviable à cette époque mais au sein d'un microcosme comme Hollywood (ou Broadway) elle n'était absolument pas comparable à celle des noirs.

Idem pour la situation des femmes. Mettre les problèmes qu'elles pouvaient rencontrer à Hollywood en parallèle avec ceux des aspirants acteurs ou scénaristes afro américains c'est pathétique.

Je ne veux pas rentrer dans une hiérarchisation des souffrances mais je trouve ça offensant pour les Afro Américains de faire ce genre de raccourcis malsains et de ré-écrire l'histoire (pour qu'elle colle aux fantasmes tordus des scénaristes et showrunner netflix) où toutes les minorités se tendent mutuellement la main pour triompher ensemble de l'adversité. C'est non seulement rabaissant et infantilisant pour certaines minorités comme les afro-américains mais en plus de cela c'est nier leur histoire et leur souffrance.

L'antiracisme pousse son délire tellement loin que ça devient du racisme.

Alexandre Janowiak - Rédaction
01/05/2020 à 15:43

@Yamcha

C'est tout à fait juste, j'ai modifié. Merci pour la vigilance !

Yamcha
01/05/2020 à 14:41

@Alexandre Janowiak

Dans 'Django Unchained', c'est de l'esclavage pur et dur, et non du ségrégationnisme.

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